Les premières livraisons des Falcon 8X, l’avion d’affaires très haut de gamme de Dassault, devraient avoir lieu d’ici à la fin de l’année. | ERIC PIERMONT / AFP

« Croyez-moi, c’est un combat de tous les jours, il faut ajuster les prix au cas par cas. » Jeudi 21 juillet, à l’occasion de la présentation des résultats semestriels de Dassault Aviation, son PDG, Eric Trappier, évoquait l’impact sur son groupe de la guerre des prix qui fait rage sur le marché des avions d’affaires. Signe de la crise d’un secteur qui représente 70 % de l’activité de l’avionneur, celui-ci a revu à la baisse ses prévisions de livraisons de jets cette année. Il table sur 50 Falcon au lieu des 60 envisagés, les clients préférant différer leurs achats.

« On s’installe dans un niveau bas pour un certain temps, a t-il prévenu en évoquant la production, et on doit s’adapter pour être capables de rebondir. » Pour évoluer dans un environnement de prix bas et réduire les coûts, une réflexion « sur une transformation progressive de la société » a été engagée avec pour maître mot « la flexibilité ». Elle concerne l’organisation, le développement des outils numériques dans la production, le pilotage des programmes et la rationalisation des sites industriels. Ceux-ci seront spécialisés en fonction des filières stratégiques.

L’aménagement intérieur des Falcon, réalisé à Mérignac (Gironde) et à Little Rock, dans l’Arkansas, a été concentré sur le site américain. Seclin, dans le Nord, est dédié aux pièces usinées. « Cela se fera au fil de l’eau, il n’y aura pas de révolution, relativise M. Trappier. Chez Dassault, nous ne sommes pas des révolutionnaires. » Pour lui, la démarche ne sera pas celle de son concurrent américain Gulfstream qui, face à la crise, a licencié 1 000 personnes en fin d’année et vient d’en faire partir autant à la retraite en juin.

« Miroir de la macroéconomie »

Déjà, le 7 juillet, lors du comité central d’entreprise, des mesures conjoncturelles ont été présentées, comme l’obligation de prendre la cinquième semaine de congés payés dans l’année ou des incitations financières pour les salariés désireux de partir en retraite. La CGT estime que la situation n’est pas aussi noire qu’elle n’est présentée, la comparant à celle du verre à moitié plein ou à moitié vide. En revanche, la CFDT a demandé le lancement du droit d’alerte afin de se doter des outils d’expertise et de pouvoir faire des propositions en cas de besoin, concernant la formation ou les congés de fin de carrière. Le syndicat envisage également d’écrire aux différentes collectivités locales où sont installés les sites pour les informer de la situation.

Les sites industriels seront spécialisés. L’aménagement intérieur des Falcon est centralisé à Little Rock, dans l’Arkansas

L’ampleur des ajustements devrait dépendre de l’évolution des commandes des avions d’affaires. « Sur les Falcon, on est un miroir de la macroéconomie », résume le PDG en évoquant la crise au Brésil, le ralentissement en Chine, la baisse des recettes pétrolières des pays producteurs, auxquels se greffent les interrogations sur les conséquences du Brexit. De plus, certains concurrents ont profité des difficultés rencontrées par son nouvel avion, le Falcon 5X, affecté par des problèmes de mise au point de son moteur par Safran, pour proposer leurs appareils. Les premières livraisons de ce jet, qui devaient débuter au premier semestre 2017, sont décalées à début 2020. En raison de ce retard, l’avionneur a enregistré onze annulations de commandes.

Le Falcon 8X promet l’embellie

La crise n’a cependant pas l’ampleur de celle des subprimes de 2008, où les annulations avaient été nombreuses et soudaines. Elle est plutôt larvée, avec des reports d’intention d’achats. Mais la guerre des prix menée par l’américain Gulfstream, le canadien Bombardier et le brésilien Embraer provoque une dépréciation des avions d’occasion, qui ajoute au blocage du marché. Toutefois, dans ce ciel morose, l’embellie vient du Falcon 8X, son nouvel avion de très haut de gamme, dont le programme se déroule comme un métronome. Après avoir reçu les autorisations nécessaires aux Etats-Unis et en Europe, les premières livraisons sont prévues en fin d’année.

L’activité industrielle dépendra en outre des contrats militaires à venir pour le Rafale, en particulier de la signature avec l’Inde pour 36 avions de combat, une commande annoncée en avril 2015. Sur ce contrat, « nous avons réglé 99,9 % des sujets, estime M. Trappier. Vu de ma fenêtre, la balle est réellement dans le camp indien ».