Attaques en série : l’Allemagne sous le choc
Attaques en série : l’Allemagne sous le choc
Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
Un attentat-suicide d’un réfugié syrien a fait 12 blessés en Bavière.
Un homme a déclenché ses explosifs à l’entrée d’un festival de musique à Ansbach, le 25 juillet. Sdmg/Friebe/AP | Sdmg / Friebe / AP
L’Allemagne est en état de choc. En moins d’une semaine, quatre attaques violentes ont été perpétrées sur son territoire, dont deux par de jeunes réfugiés dans la seule soirée de dimanche 24 juillet. Après la fusillade d’un déséquilibré de Munich vendredi soir et l’attentat à la hache – revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI) par un jeune réfugié déclaré comme afghan dans un train de Wurtzbourg lundi 18 juillet –, les deux nouvelles attaques ont eu lieu dans des villes du sud de l’Allemagne. A Reutlingen (sud-ouest), un jeune réfugié syrien de 21 ans a tué une femme à la machette, et blessé cinq personnes, avant d’être arrêté. A Ansbach, en Bavière, un autre Syrien de 27 ans s’est fait exploser devant l’entrée d’un festival de musique, faisant douze blessés. Dans ces deux cas, aucune preuve concrète de lien avec le terrorisme islamiste n’a pour l’instant été identifiée par la police.
Alors que le thème des réfugiés avait baissé en intensité ces derniers mois après la fermeture de la route des Balkans, il risque à nouveau d’imprégner le débat politique de l’été, tout juste un an après le début de la grande vague d’arrivée des migrants en Allemagne. La politique d’Angela Merkel à l’égard des réfugiés est jugée trop généreuse par l’extrême droite mais aussi une partie de la CDU et de la CSU, la cousine bavaroire de la CDU, alors que la Bavière est la plus exposée aux attaques de ces derniers jours.
A Ansbach, une petite ville du nord de la Bavière située à 40 km de Nuremberg, il s’agit d’un acte prémédité, qui aurait pu faire un grand nombre de morts. Selon le ministre de l’intérieur de l’Etat-région de Bavière, Joachim Herrmann, l’homme, équipé d’une bombe à projectiles coupants cachée dans son sac, s’était rendu dans un festival de musique, auquel participaient 2 500 spectateurs, dans le but d’ « y mettre un terme ». Refoulé du site, car il n’avait pas de ticket, ce réfugié syrien de 27 ans a ensuite actionné le détonateur de sa bombe, faisant douze blessés dont trois graves. L’explosion s’est produite vers 22 heures, à l’entrée du site du festival dans le centre d’Ansbach.
Traitement psychiatrique
Selon le ministre, qui a donné une conférence de presse dans la nuit, les motivations de l’agresseur sont encore peu claires. L’homme s’était déjà rendu coupable de délits dans le passé. Il avait également tenté deux fois de mettre fin à ses jours, et faisait depuis l’objet d’un traitement psychiatrique. Les enquêteurs doivent encore identifier si son acte était un suicide ou s’il cherchait à tuer d’autres personnes, et s’il était lié ou non au terrorisme islamiste. Selon la police, le jeune Syrien avait déposé il y a deux ans une demande d’asile en Allemagne, qui avait été refusée il y a un an. Il disposait d’une autorisation provisoire de séjour depuis le 2 juillet 2015 et vivait à Ansbach. Dimanche soir, l’explosion a provoqué une vague de panique dans le centre-ville, entièrement bouclé pendant plusieurs heures.
Le ministre de l’intérieur bavarois, Joachim Herrmann, n’exclut pas la piste islamiste. « Personnellement, je considère comme une hypothèse malheureusement très réelle qu’on ait eu affaire à un vrai attentat-suicide islamiste », a déclaré M. Herrmann. Le ministre, membre du parti CSU depuis de nombreux mois très critique vis-à-vis de la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel, s’est déclaré « horrifié » de constater que quelqu’un puisse « abuser du droit d’asile au mépris des être humains ».
D’après les premiers éléments de l’enquête, l’attaque de Reutlingen est plus proche d’un fait divers. Elle est le résultat d’une dispute qui se serait envenimée. Dimanche après-midi, un demandeur d’asile syrien de 21 ans a attaqué une femme de 45 ans en pleine rue, dans le centre-ville. Selon la police, ils travaillaient tous les deux dans un snack turc. A la suite de leur dispute, l’homme avait saisi une machette de 80 cm et violemment frappé à la tête sa collègue, qui a succombé. L’homme a ensuite pris la fuite, blessant cinq personnes sur son passage, dont plusieurs ont dû être hospitalisées. Il a ensuite été renversé sciemment par le conducteur d’une voiture qui voulait l’arrêter après avoir observé les faits. Il a alors été arrêté par la police et hospitalisé. Déjà connu des services de police pour divers faits de violence et infraction à la loi sur les stupéfiants, il n’a apparemment aucun lien avec le terrorisme. Reutlingen, ville située au sud de Stuttgart, compte 112 000 habitants.
Aucun ordre concret
Ces deux attaques surviennent moins d’une semaine après l’attentat à la hache, perpétré par un jeune homme de 17 ans déclaré comme afghan dans un train régional à Wurtzbourg, faisant plusieurs blessés. Les forces de l’ordre avaient retrouvé chez lui un drapeau de l’Etat islamique (EI) qu’il avait lui-même dessiné. L’organisation avait revendiqué par la suite l’attentat. Par ailleurs, l’organe de propagande de l’EI, Amaq, avait publié une vidéo de l’agresseur qui menaçait d’autres attaques. Selon l’enquête en cours, le jeune homme – dont les autorités allemandes ont dit qu’il pouvait être pakistanais – n’avait reçu aucun ordre concret de l’organisation islamiste. La question de savoir s’il entretenait des liens avec d’éventuels complices fait actuellement l’objet d’une enquête.
Mercredi 20 juillet, lors d’une conférence de presse, le ministre de l’intérieur fédéral, Thomas de Maizière, avait déclaré qu’il s’agissait d’un individu isolé, « aiguillonné » par la propagande de l’EI. Le cas se situerait « dans une zone frontière entre le tueur fou et le terroriste. » Le ministre avait cependant ajouté qu’il existait bien des « indices de lien au terrorisme international » parmi les réfugiés. « C’est pour cela qu’on ne peut pas dire qu’il n’existe aucune relation entre les réfugiés et le terrorisme, » avait-il conclu.