Quand les perruches arrivent en ville
Quand les perruches arrivent en ville
M le magazine du Monde
Le temps d’un été, « M » interroge notre rapport aux bêtes. Cette semaine, l’ornithologue Frédéric Jiguet et le photographe japonais Yoshinori Mizutani se sont penchés sur un phénomène aussi poétique qu’étonnant : l’explosion du nombre de perruches dans les espaces urbains.
Depuis quelques années, de nouveaux citadins peuplent les grandes villes européennes : verts et bruyants, de plus en plus de « perroquets » peuplent les parcs de Londres, Bruxelles, Barcelone ou Paris. Importées comme oiseaux de cage, ces perruches à collier, connues sous le nom scientifique Psittacula krameri, trouvent en ville lorsqu’elles s’échappent le gîte et le couvert, dans une nature bien moins hostile que celles des forêts d’origines indienne ou africaine.
En l’absence de ses prédateurs naturels, les serpents arboricoles, l’espèce n’a que peu de compétiteurs dans nos agglomérations et s’y reproduit avec succès – d’où l’augmentation rapide de ses effectifs. Elle s’est ainsi installée au Caire, à Sydney, à Hawaï, à Riyad ou encore à Pretoria, et au Japon. Elle ne constitue pas une véritable menace pour les autres oiseaux, même si elle occupe les trous d’arbre d’ordinaire utilisés par les étourneaux urbains – par ailleurs souvent considérés comme « nuisibles » – pour élever sa nichée. En hiver, les perruches se rassemblent en dortoirs pour passer la nuit dans des zones calmes, par exemple près des aéroports franciliens.
Les perruches sur des toits brûlants
Avec son plumage vert vif et son bec rouge, l’espèce est facile à reconnaître. Le mâle arbore un fin collier noir devenant rose sur la nuque ; la femelle et les jeunes n’ont pas de collier. Certains spécimens ont un plumage bleu ou jaune, des formes de coloration originales issues de sélections en captivité, mais que l’on ne retrouve pas chez les populations indigènes. Ce sont ses cris stridents qui révèlent sa présence : dans le feuillage des grands arbres, son plumage empêche de la détecter. En vol, on remarquera sa longue queue pointue.
Jardiniers inquiets
Dès le mois de mars, le couple s’installe dans une cavité d’arbre où sont pondus 3 ou 4 œufs. Les femelles qui couvent quittent rarement le nid, mais lors de leurs excursions alimentaires, la forme de leur queue révèle leur statut reproducteur : cet appendice démesuré épouse la forme ronde de la cavité abritant les œufs. Une perruche avec une queue tordue est donc une femelle qui couve ! Deux mois plus tard, les poussins s’envoleront, suivant encore quelques jours leurs parents avant de s’émanciper.
La perruche à collier est devenue un habitant commun et très visible de nos parcs urbains, qui crée la surprise mais inquiète les jardiniers. A juste titre : elle se nourrit surtout de bourgeons et de jeunes pousses en hiver et au printemps, puis de fruits dès l’été. Mais aucun risque de voir nos vergers ruraux attaqués et les abricots, pêches et cerises disparaître de nos étals : l’espèce reste cantonnée aux zones urbanisées, où la rareté des éperviers ne permet pas d’enrayer son installation. En France, elle niche notamment à Paris et en banlieue, à Cannes, Nice, Fréjus, Marseille, Montpellier, Toulouse, mais aussi à Lille, Nancy, Nantes… Alors ouvrez l’œil, et reconnectez-vous à une nature en péril devenue de plus en plus rare et difficile à observer. Surtout au cœur des villes…