Rio 2016 : les coupables lâchetés du CIO
Rio 2016 : les coupables lâchetés du CIO
Editorial. En refusant de suspendre le Comité national olympique russe, le président du Comité international olympique sait que cette décision divisera le mouvement sportif
Thomas Bach, le président du CIO, le 21 juin à Lausanne. | FABRICE COFFRINI / AFP
Editorial du « Monde ». A moins de deux semaines du début des JO de Rio (5 au 21 août), on ne pourra pas décerner la médaille du courage au Comité international olympique (CIO). Dimanche 24 juillet, le CIO a estimé que le rapport de Richard McLaren, publié le 18 juillet, qui accusait la Russie d’avoir mis en œuvre un « système de dopage d’Etat », n’apportait « aucune preuve » contre le Comité national olympique russe (COR). Le CIO a donc décidé de ne pas suspendre le COR. Mettant en avant le respect de la charte olympique et de la « justice individuelle », il laisse le soin à chaque fédération internationale sportive de juger quels athlètes russes sont éligibles ou non.
Thomas Bach, le président du CIO, sait que cette décision divisera le mouvement sportif. A l’origine du rapport McLaren, l’Agence mondiale antidopage s’est déclarée « déçue ». Pour son président, Craig Reedie, si le CIO avait suivi sa recommandation d’exclure la Russie des JO, « cela aurait assuré une approche claire, forte et harmonisée ».
Une autre aberration est le sort réservé à Ioulia Stepanova, cette athlète russe spécialiste du 800 m, qui se voit interdire de participer aux Jeux de Rio. Aujourd’hui exilée aux Etats-Unis, elle a permis, avec son mari Vitali, de mettre au jour, dès 2014, l’existence d’un dopage institutionnalisé en Russie. Le signal envoyé par le CIO ne manquera pas d’inquiéter les lanceurs d’alerte potentiels comme ceux qui luttent pour un sport plus propre.
Comprenne qui pourra
Il en a fallu des contorsions à la commission exécutive du CIO pour reconnaître que « le témoignage et les déclarations publiques de Mme Stepanova ont apporté une contribution à la protection et à la promotion des athlètes propres, au fair-play, à l’intégrité et à l’authenticité du sport », tout en refusant d’accéder à sa demande, appuyée par la Fédération internationale d’athlétisme, de concourir comme athlète neutre.
Arguant du fait qu’elle est une ancienne dopée, le CIO lui a refusé ce droit. Mais, pour lui « exprimer sa reconnaissance », il l’invite à assister à la compétition depuis les tribunes… Elle pourra admirer la foulée du sprinteur américain Justin Gatlin, épinglé deux fois pour prise de produits interdits et qui a toujours nié la moindre faute. Comprenne qui pourra.
Le Comité international olympique s’était pourtant doté, fin 2014, d’un « Agenda 2020 » censé renouveler les pratiques de l’olympisme. Ce document souligne que « protéger et soutenir les athlètes intègres aussi bien sur l’aire de compétition qu’en dehors demeurent la priorité du CIO. Cela signifie que tout investissement dans la lutte contre le dopage et contre le trucage des matchs et la manipulation des compétitions ainsi que la corruption associée (…) ne peut être considéré comme un coût, mais bien comme un investissement au profit des athlètes intègres ».
La situation est ubuesque. Le CIO a fait preuve d’une passivité confinant à la lâcheté vis-à-vis de la Russie. Il est de notoriété publique que M. Bach et Vladimir Poutine entretiennent de bonnes relations. Le chef d’Etat russe a été un des premiers à féliciter M. Bach de son élection en 2013. On peut s’interroger sur le fait que le CIO n’a pas ouvert d’enquête sur le COR alors que les scandales de dopage autour de la Russie se sont multipliés. Le ministre russe des sports, Vitali Moutko, ne s’y est pas trompé en saluant une décision « objective ». La fête olympique a déjà perdu une grande partie de son crédit.