« Guy Bord s’en va-t-en guerre » : les tribulations d’un Haïtien au Québec
« Guy Bord s’en va-t-en guerre » : les tribulations d’un Haïtien au Québec
Par Jacques Mandelbaum
À travers une fable, Philippe Falardeau épingle les travers de la vie politique de son pays.
« Guibord s’en va-t’en guerre », film canadien de Philippe Falardeau, avec Patrick Huard. | DR
Philippe Falardeau, cinéaste québécois de 48 ans, a réalisé son premier long-métrage, La Moitié gauche du frigo, faux documentaire sur un chômeur, en 2000. Depuis lors, ses films sont plus ou moins régulièrement distribués en France sans qu’on trouve à y redire, sans non plus qu’on en redemande. Falardeau, c’est un peu l’anti-Xavier Dolan. A rebours de l’esthétique « doigts dans la prise multiple internationale » prisée par le jeune prodige, les aficionados de Falardeau aiment à retrouver sa modestie affichée, sa veine populaire et bon enfant, sa couleur Belle Province. Qui pourrait les en blâmer à l’heure où l’agressivité, le cynisme et la violence sont partout ?
Nouvel exemple avec Guibord s’en va-t-en guerre, son sixième long-métrage. Son titre, comme chacun sait, est inspiré d’un tube anti-britannique qui fut longtemps en tête des charts français dans les années 1780 (Malbrough s’en va-t-en guerre).
Camionneurs contre Algonquins
Lesdits Britanniques, ne l’entendant pas de cette oreille, la transforment en chant de célébration des vertus individuelles (For He’s a Jolly Good Fellow). Le diapason est en tout cas donné. Ce sera une fable décontractée et railleuse, épinglant travers et tentations de la vie politique nationale. Steve Guibord, ex-hockeyeur et plutôt brave homme devenu député d’un territoire francophone, en est le personnage principal, épaulé par son nouvel assistant haïtien, Souverain Pascal, qui commente pour sa famille et ses amis, par Internet, les subtilités de la politique canadienne, apportant ce faisant au film une Montesquieu’s touch.
Le cinéaste s’amuse à placer son personnage au milieu de divers nœuds dramaturgiques. Les routes perpétuellement barrées par les autochtones algonquins, qui ne se libèrent que pour être occupées par les camionneurs qui protestent contre les actions des Algonquins. La voix décisive de Steve Guibord dans le vote qui partage le Parlement sur l’opportunité d’une intervention de l’armée canadienne au Moyen-Orient. La pression qu’exerce le premier ministre anglophone et interventionniste sur Steve, lui promettant en échange du bon geste une nomination au gouvernement. Les pressions féroces entre « pro » et « anti » qui se déclenchent dans la province dont il est le député. Sa propre famille, enfin, qui se divise sur le sujet. Beaucoup pour un seul homme. Mais on peut compter sur Philippe Falardeau pour le sortir, très aimablement et avec les honneurs, du pétrin.
GUIBORD s'en va-t-en guerre / Bande-annonce / Au cinéma le 27 juillet
Durée : 02:48
Film canadien de Philippe Falardeau. Avec Patrick Huard, Suzanne Clément, Irdens Exantus (1 h 44). Sur le web : www.guibord-lefilm.com