Le procès sur le crash qui a coûté la vie au PDG de Total s’ouvre à Moscou
Le procès sur le crash qui a coûté la vie au PDG de Total s’ouvre à Moscou
Par Intérim
Cinq employés de l’aéroport Vnoukovo sont jugés pour « violation des règles de sécurité » près de deux ans après l’accident qui a causé la mort de Christophe de Margerie.
Le procès pénal sur les circonstances de la mort de Christophe de Margerie doit s’ouvrir, jeudi 28 juillet, à Moscou. Le 20 octobre 2014, peu avant minuit, le PDG de Total s’installe dans son avion privé, stationné sur le tarmac de l’aéroport Vnoukovo. Peu après, le Falcon 50 s’écrase au décollage, coûtant la vie aux trois membres d’équipage et à son passager, « vrai ami » de la Russie selon le président Vladimir Poutine, et fervent défenseur de la levée des sanctions occidentales qui pèsent sur le pays.
Cinq employés de l’aéroport sont jugés pour « violation des règles de sécurité » ayant entraîné la mort. La sortie sur la piste d’une déneigeuse et des erreurs en série des contrôleurs aériens auraient provoqué le crash, selon le porte-parole du comité d’enquête russe, Vladimir Markine.
Ce soir-là, c’est une aiguilleuse du ciel de 23 ans, stagiaire, qui donne au jet l’autorisation de décoller. D’après l’enquête, les deux pilotes voient le chasse-neige sur le tarmac. Mais celui-ci s’éclipse, ils poursuivent donc la procédure. Mais pour une raison encore inconnue, le conducteur de l’engin retourne sur la piste. Les pilotes l’aperçoivent, mais trop tard. L’impact a lieu trois secondes plus tard. Le train d’atterrissage arrière percute le véhicule alors que l’avion est lancé à près de 250 km/h. Ce dernier bascule à droite, s’écrase et prend feu. A cinq mètres près, l’accident aurait pu être évité.
Etat d’ébriété
Le conducteur du chasse-neige s’en sort indemne. Vladimir Martynenko, responsable présumé de la mort du patron du groupe pétrolier, l’un des plus gros investisseurs étrangers en Russie, est un homme de 60 ans, à la crinière blanche et au physique enrobé. Il travaillait depuis dix ans à Vnoukovo.
L’enquête révèle que le soir du drame, le déneigeur est en état d’ébriété – son taux d’alcoolémie est de 0,6 gramme d’alcool par litre de sang. En janvier, après avoir présenté plusieurs versions, M. Martynenko reconnaît sa culpabilité. Son talkie-walkie ne fonctionnait pas, il n’a pas entendu le signal et a commencé à faire demi-tour pour traverser la piste de décollage, précise son avocat. Il aurait enfreint toutes les règles de sécurité, sans aucun contrôle d’ailleurs de son supérieur, Vladimir Ledenev. Cet ingénieur en chef, aussi alcoolisé selon les enquêteurs, n’a pas remarqué l’absence du chasse-neige, « égaré » sur la piste.
Sur le banc des accusés figurent aussi le responsable du contrôle des vols, Roman Dounaïev, et deux contrôleurs aériens, Alexandre Krouglov et Nadejda Arkhipova. Conscients du danger potentiel pour l’avion, ils n’auraient pourtant pas donné l’alerte aux pilotes. Les charges contre la stagiaire ont été abandonnées en janvier. Enceinte au moment des faits et stressée par son arrestation, elle a perdu son enfant.
Graves failles dans le système de sécurité
Les quatre coaccusés du conducteur devraient plaider non coupable. Lors de l’audience préliminaire, leurs avocats ont toutefois échoué à faire convoquer deux témoins supplémentaires, un enquêteur et un expert – une requête rejetée par le tribunal.
L’avocat du contrôleur aérien qui supervisait la stagiaire pointe des dysfonctionnements : l’installation incomplète du système de sécurité par exemple, tronquant la signalisation sonore et visuelle sur l’intersection des bandes.
Il s’appuie sur le rapport du Comité intergouvernemental d’aviation. Cette autorité de contrôle de la Communauté des Etats indépendants (CEI) a également transmis les résultats de ses analyses (boîtes noires, modélisation du vol, etc.) à ses homologues français du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile. Une information judiciaire est d’ailleurs en cours au parquet de Paris pour « homicides involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ».
Ce même avocat affirme en outre que « l’organisation du lieu de travail ne permet pas d’observer simultanément les bandes [sur la piste] et l’écran », rejetant la responsabilité de l’accident sur M. Martynenko. « Toutes leurs actions [des contrôleurs] étaient conformes aux règles de la sécurité aérienne », assure de son côté le défenseur du responsable du contrôle des vols.
A qui imputer la responsabilité de toutes ces négligences ? Au tribunal russe de trancher. L’accident a révélé de graves failles dans le système de sécurité de Vnoukovo. Démissionnaires, le directeur général de l’aéroport ainsi que son adjoint n’ont pas été poursuivis.
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