Pourquoi « l’armée numérique » proposée par François Fillon n’a rien de nouveau
Pourquoi « l’armée numérique » proposée par François Fillon n’a rien de nouveau
Par Alexis Orsini
Le candidat à la primaire de la droite préconise la création d’une « armée numérique » pour lutter contre l’Etat islamique. Un dispositif déjà largement engagé en France.
L’armée française prépare déjà ses troupes à lutter contre des cyberattaques. | POOL / REUTERS
Invité sur l’antenne de RTL ce jeudi matin, l’ancien premier ministre et actuel candidat à la primaire de la droite, François Fillon, a déclaré que la France était « en guerre » contre l’Etat islamique, avant d’avancer quelques mesures de lutte contre le terrorisme. Il suggère notamment la création d’une « armée numérique » :
« Il faut que nous ayons une forme d’arme pour lutter sur le plan numérique. Comme on a une armée de terre, une armée de l’air, une marine, il faut que nous ayons une armée numérique. Je propose cette création d’abord parce que le numérique va représenter une menace pour la sécurité (…) et il faut que nous ayons des hommes et des femmes formés avec les moyens nécessaires pour aller attaquer des réseaux qui se comportent en dehors des lois de la République. »
Un dispositif en vigueur depuis 2015
L’armée française n’a pas attendu la proposition de François Fillon pour se préparer à ce danger. Dès 2013, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui sert de base à la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, posait les grandes lignes d’un tel dispositif, avec un budget d’un milliard d’euros : « La croissance continue de la [cyber]menace, l’importance sans cesse accrue des systèmes d’information dans la vie de nos sociétés et l’évolution très rapide des technologies (…) nous imposent aujourd’hui d’augmenter de manière très substantielle le niveau de sécurité et les moyens de défense de nos systèmes d’information, tant pour le maintien de notre souveraineté que pour la défense de notre économie et de l’emploi en France. » Le chef d’état-major des armées a sous ses ordres un officier général « cyber ».
Le rapport, qui cite le terrorisme comme l’une des « menaces les plus probables », préconise ainsi d’augmenter les « moyens humains » dévolus à cette stratégie de défense et souligne l’importance de « produire en toute autonomie nos dispositifs de sécurité, notamment en matière de cryptologie et de détection d’attaque » grâce à un « effort budgétaire annuel ». « Un effort significatif sera conduit pour développer dans le cyberespace nos capacités à détecter les attaques, à en déterminer l’origine et, lorsque nos intérêts stratégiques sont menacés, à riposter de manière adéquate. »
En pratique, depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015, et l’actualisation de la LPM, les militaires ont suivi, en mars 2015, des exercices d’entraînement contre une cyberattaque, tandis que le ministère de la défense ouvrait en parallèle un recrutement de volontaires pour rejoindre sa « réserve citoyenne cyberdéfense ». Elle compte aujourd’hui environ 150 membres.
Des « cyberpatrouilles » françaises contre la propagande djihadiste
Dans son plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme présenté lundi 9 mai, le gouvernement annonce sa volonté de mener de « véritables campagnes offensives contre la propagande » terroriste en ligne.
Notant que « les réseaux terroristes ont recours à de nombreuses sociétés de production et de diffusion médiatiques », en référence notamment à Dabiq et à Dar Al-Islam, les deux principales publications de l’organisation Etat islamique, le gouvernement prône « l’infiltration de leurs réseaux de propagande » et la mise en place de « cyberpatrouilles destinées à détecter, répertorier et entraver les sites ou réseaux-clés de la propagande des filières terroristes ».
Mieux, le gouvernement prône de véritables cyberattaques, dont l’existence est très rarement reconnue par les autorités, et notamment la « destruction » de sites djihadistes présents sur le « dark Web », cette zone d’Internet non référencée par les moteurs de recherche, dont les djihadistes sont pourtant quasi absents.