Telegram, un outil de discussion prisé des djihadistes… mais pas seulement
Telegram, un outil de discussion prisé des djihadistes… mais pas seulement
Régulièrement décrite comme « l’application préférée des djihadistes », cette messagerie ne se résume pas à cela.
Une chaîne Telegram d’une candidate aux législatives iraniennes, le 24 février. | Vahid Salemi / AP
Les deux tueurs de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) l’utilisaient : Abdel-Malik Nabil Petitjean y a diffusé sa vidéo d’allégeance à l’organisation Etat islamique ; Adel Kermiche y a fait paraître, pendant plusieurs semaines, des messages annonçant qu’il allait faire « un gros truc ». Telegram, une application de messagerie populaire, est régulièrement décrite comme « l’application préférée des djihadistes », mais ne se résume pas à cela.
C’est quoi ?
Telegram est une application de messagerie principalement utilisée sur téléphone portable, qui dispose de nombreuses fonctionnalités. Elle peut servir à la fois à communiquer directement avec une personne, y compris dans des « tchats secrets », chiffrés, ou à participer à des groupes de discussion. Elle permet également de partager facilement des photos et des vidéos.
Les principales fonctionnalités de l’application rappellent ses concurrents WhatsApp ou Facebook Messenger. Principale différence, Telegram propose aussi des « chaînes » publiques que les utilisateurs peuvent suivre, et l’application affirme qu’elle est particulièrement sécurisée et confidentielle.
Qui l’utilise ?
L’application revendique 100 millions d’utilisateurs dans le monde. Parmi eux, on compte certes des djihadistes – l’EI recommande d’utiliser cette application – mais aussi beaucoup d’autres personnes… Dont une bonne partie de la classe politique française.
En Iran, le service s’est imposé comme l’un des principaux canaux d’information : les Iraniens l’utilisent à la fois pour discuter et pour s’informer sur l’actualité, en s’abonnant à des « chaînes » qui ne sont pas censurées comme le sont Facebook ou Twitter.
Qui l’a créée ?
Telegram est l’œuvre de deux frères, nés en Russie, Nikolaï et Pavel Durov. Le premier a conçu l’infrastructure technique du service, le second est le visage de l’entreprise – il avait aussi cofondé Vkontakte, le Facebook russe, avant de devoir en abandonner le contrôle à des proches de Vladimir Poutine.
Pavel Durov a, depuis, fui la Russie, où il se sentait menacé, et est devenu citoyen de Saint-Christophe-et-Niévès, un micro-état des petites Antilles. Libertaire assumé, M. Durov dit détester « la bureaucratie, les polices d’Etat, les gouvernements centralisés, les guerres, le socialisme et l’excès de régulation ».
Que fait Telegram contre l’EI ?
Telegram, qui a bâti en bonne partie sa réputation sur le fait que son service n’était pas censuré, a longtemps rechigné à bloquer les comptes se revendiquant de l’EI. En novembre 2015, Pavel Durov avait été interrogé sur la présence de comptes ouvertement terroristes sur Telegram, quelques jours après les attentats de Paris. « Je pense que le droit à la vie privée est plus important que notre peur de voir de mauvaises choses se produire, comme le terrorisme », avait-il répondu.
Cette politique a évolué cette année. En février, Telegram a fermé 78 comptes et toutes les chaînes « officielles » de l’EI.
Est-ce vraiment confidentiel et sécurisé ?
C’est ce que promet le service, mais en pratique, il n’offre pas toutes les garanties en la matière. Seules les conversations « secrètes » – une option du service – sont chiffrées de bout en bout, une technique qui assure la confidentialité des échanges et utilisée, par exemple, par WhatsApp.
Surtout, de nombreux experts en cryptographie estiment que le protocole de chiffrement utilisé par Telegram n’est pas aussi abouti que des technologies concurrentes. L’anonymat de l’application est également relatif, puisque les comptes créés sont liés au numéro de portable de l’utilisateur. Informations que Telegram ne dévoilent jamais aux autorités, mais qui peuvent permettre a posteriori de confirmer l’identité de la personne se cachant derrière un pseudonyme.