Le prélèvement à la source, ultime legs du quinquennat
Le prélèvement à la source, ultime legs du quinquennat
Par Sarah Belouezzane
Dévoilé dimanche 31 juillet, le dispositif sera mis en place le 1er janvier 2018.
le ministre des finances, Michel Sapin,à l’Assemblée le 13 juillet 2016. | JACQUES DEMARTHON / AFP
A ceux qui en doutaient, Michel Sapin, le ministre des finances, et Christian Eckert, son secrétaire d’Etat au budget, ont tenu en ce dernier week-end de juillet à faire passer un message fort : le prélèvement des impôts sur le revenu à la source sera bien mis en place dès le 1er janvier 2018. Et ce, quelle que soit la majorité au pouvoir. « Je ne vois pas qui remettrait en cause une disposition de cette nature, qui sera votée en fin d’année et entrera en vigueur au 1er janvier 2018 », a déclaré dimanche 31 juillet M. Sapin dans une interview au Journal du dimanche.
« Nous prenons les dispositions nécessaires pour que cette réforme entre en vigueur en 2018 », a quant à lui indiqué M. Eckert aux Dernières Nouvelles d’Alsace. Pour lui, « personne ne reviendra » sur le dispositif, qui serait « irréversible ». MM. Sapin et Eckert, qui ont publié dimanche un deuxième point d’étape sur la mise en place de la réforme, ont ainsi tenu à rassurer sur le calendrier : consultation des acteurs concernés à l’automne 2016 avant l’adoption, en décembre, des articles concernant le dispositif dans le cadre du projet de loi de finances 2017.
Les ministres ont, au passage, répondu à l’opposition, dont certains membres ont manifesté des doutes quant à la faisabilité et à l’efficacité du prélèvement à la source tel que voulu par le gouvernement. « Le prélèvement à la source n’est pas une simplification nécessaire. Notre système actuel fonctionne bien », a réagi sur France Info Gilles Carrez, président (LR) de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Eric Woerth, secrétaire général des Républicains, s’est quant à lui précipité dimanche sur Twitter pour rappeler qu’une « majorité garde toujours sa liberté ».
Taux neutre
Concrètement, les Français assujettis à l’impôt sur le revenu feront, comme d’habitude, une déclaration au printemps 2017 sur leurs revenus de 2016. Ils recevront ensuite, comme tous les étés, un taux de prélèvement qui sera ensuite transmis à l’employeur. Celui-ci sera alors appliqué à partir du 1er janvier 2018 sur une base mensuelle et sera prélevé directement du salaire. Fini donc les virements mensuels – sur dix mois pour ceux qui ont opté pour cette possibilité – ou trimestriels à l’administration fiscale. Le taux appliqué sera ensuite révisé en septembre 2018 à partir de la déclaration faite au printemps de la même année. Dès l’été 2019, les contribuables pourront récupérer le trop-perçu des sept premiers mois de l’année en fonction de leurs revenus déclarés au printemps 2019. Ils devront en revanche s’acquitter d’un reliquat, si le taux calculé était trop bas.
En cas de changement de situation (mariage, naissance d’un enfant, chômage, départ à la retraite), les contribuables pourront faire une simulation en ligne et modifier leur taux de prélèvement mensuel en temps réel afin de l’adapter à leurs nouveaux revenus.
« Le calcul des impôts ne change pas, c’est le prélèvement qui aura lieu à la source, comme pour la CSG ou les cotisations, au moment où l’on touche son revenu. Pour 90 % des Français, qui perçoivent uniquement un salaire ou une retraite, ce sera d’une simplicité absolue et d’une grande sécurité », a expliqué M. Sapin dans le JDD.
Pas de quoi rassurer Les Républicains. Pour l’opposition, qui préfère un système de mensualisation obligatoire du paiement de l’impôt, le prélèvement à la source alourdit les charges de l’entreprise et pose surtout des questions de confidentialité vis-à-vis de l’employeur. C’est en effet ce dernier qui devra prélever l’impôt directement sur le salaire du contribuable avant de le reverser au fisc.
Des inquiétudes qu’a tenté de balayer M. Sapin : « Pour garantir la plus grande confidentialité, nous allons donner une liberté de choix. Les contribuables pourront opter pour des taux différents entre conjoints, ou bien choisir un taux identique dans le couple, et chacun pourra opter pour un taux standard, qui ne reflète que son niveau de salaire. Ainsi, l’employeur n’aura aucune indication sur leur imposition réelle. Je précise que le seul interlocuteur fiscal pour les Français, c’est l’administration fiscale. »
En clair cela signifie que les contribuables pourront opter pour un taux neutre, calculé en fonction du salaire et que leur appliquera leur employeur. S’ils ont d’autres revenus imposables, ils pourront régler le solde directement à l’administration fiscale.
S’il était bien appliqué, ce dispositif constituerait la dernière grande réforme du quinquennat de M. Hollande. La France rejoindrait alors les grandes nations européennes qui, toutes, à l’exception de la Suisse, pratiquent le prélèvement de l’impôt à la source.