L’encadrement des loyers parisiens toujours controversé
L’encadrement des loyers parisiens toujours controversé
Par Marion Biremon, Isabelle Rey-Lefebvre
La loi Alur, qui vise à réguler les loyers de la capitale, montre un bilan « extrêmement positif », selon la ministre du logement, un enthousiasme que ne partagent ni les associations de locataires ni les professionnels de l’immobilier.
Le gel des loyers applicable dans vingt-huit agglomérations, dont Paris, vient d’être reconduit pour douze mois par un décret publié, le 30 juillet. Il stipule qu’entre deux locataires, le loyer ne peut augmenter au-delà de l’indice de référence des loyers… dont l’évolution a été nulle au deuxième trimestre. A ce blocage s’ajoute, à Paris, l’encadrement des loyers en vigueur depuis le 1er août 2015. Un nouvel arrêté préfectoral fixe les valeurs de référence de loyers à respecter, pour les douze mois à venir dans les 80 quartiers de la capitale. Elles sont en hausse de 1 % à 2 %, comparées à celui de 2015.
Ce double mécanisme, plafonnement des valeurs les plus hautes et blocage des augmentations, a eu un réel impact sur les quittances des locataires parisiens. Selon le rapport de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), paru en juillet, 30 % des nouveaux emménagés à Paris, en 2015, ont bénéficié d’une baisse du loyer par rapport à l’ancien locataire, contre 20 % en 2014 et seulement 7 % en 2013. La hausse des loyers pour les non-meublés est de 0,5 %, son taux le plus bas depuis 2001. « Ce dispositif est extrêmement positif et permet une régulation des loyers sans nuire au dynamisme du marché immobilier parisien », s’est félicité Emmanuelle Cosse, la ministre du logement lors d’une conférence de presse le 26 juillet.
« C’est un outil de lutte contre les loyers abusifs, a-t-elle expliqué. On a vu, dans les années 2000, une spéculation folle sur le marché de la location. » Entre 2000 et 2016, les loyers franciliens ont bondi de 38 %, et 73 % dans la seule capitale. Les professionnels de l’immobilier ne partagent pas l’enthousiasme de la ministre. « L’encadrement ne concerne que les nouveaux baux, soit 15 % du parc, et la baisse n’a donc touché que 5 % des locataires, remarque Jean-François Buet, président de la Fnaim. Le dispositif a montré son inaction et les candidats à la location ont toujours autant de difficultés à se loger. »
Plafonds trop élevés
Les associations de locataires déplorent, de leur côté, que les plafonds de loyers soient trop élevés : « Sur les 80 quartiers de la capitale, les nouvelles valeurs de référence applicables à compter du 1er août 2016 restent en forte hausse. Dans 11 quartiers centraux, le haut Marais, la Sorbonne ou les Grands Boulevards, les plafonds de prix des studios anciens bondissent de 7 % », remarque l’association Consommation, logement et cadre de vie.
Le mécanisme reste, en outre, complexe et mal connu : la commission départementale de conciliation chargée d’examiner les requêtes des locataires n’a été saisie que de 73 dossiers en rapport avec l’encadrement des loyers, qui se sont conclus pour la plupart par une baisse du loyer.
Selon l’étude de Meilleurs Agents, seules 70 % des annonces de biens à louer respectent les valeurs plafonds « mais cela est très variable, dans les secteurs hétérogènes comme celui de la Grande Bibliothèque, dans le 13e arrondissement, 70 % des annonces sont hors des clous », note Sébastien de Lafond, directeur de Meilleurs Agents. Autre inquiétude, largement relayée par les agents immobiliers, l’encadrement des loyers découragerait les bailleurs : « Nous ne constatons cependant pas de baisse des volumes d’annonces de biens à louer », rétorque M. de Lafond.