Au lendemain de l’annonce de premières mesures qui n’ont pas convaincu les manifestants, la détermination des « gilets jaunes » ne faiblissait pas à La Réunion, vendredi 30 novembre. Au quatorzième jour de mobilisation, les barrages étaient toujours aussi nombreux sur les principaux axes routiers, une quinzaine selon notre correspondante sur place.

  • Echanges tendus avec la ministre des outre-mer

La ministre des outre-mer, Annick Girardin, en visite depuis mercredi, s’est rendue dans l’ouest de l’île dans la matinée de vendredi et a fait une première halte, non programmée, au Port-Est, seul port marchand et poumon économique de La Réunion. Mme Girardin a traversé une foule de manifestants en colère, la huant et criant « Macron démission », avant d’être exfiltrée par son service d’ordre. Au départ du convoi, des personnes ont poursuivi les voitures.

C’est la première fois depuis son arrivée qu’une rencontre avec les « gilets jaunes » est aussi houleuse. Pour eux, les mesures sociales annoncées mercredi ont déjà été présentées dans le plan pauvreté d’Emmanuel Macron et elles ne sont pas spécifiques à La Réunion. Quant à celles annoncées jeudi soir sur l’emploi, les logements et l’économie, elles apportent peu de nouveau, hormis la création pour les entreprises d’une zone franche globale à 7 % de taux d’imposition.

Après le Port-Est, la ministre a rencontré une nouvelle délégation de « gilets jaunes » à la sous-préfecture de Saint-Paul (ouest), dans des échanges parfois vifs mais toujours courtois, qui ont duré trois heures. Elle a notamment annoncé qu’elle parlerait vendredi soir « des marges et de l’octroi de mer » (taxes sur les produits importés et locaux), et proposé qu’à partir de lundi des « groupes de travail » soient créés avec des « gilets jaunes » afin que tous les prix soient étudiés. Si cette concertation ne porte pas ses fruits, « je fixerai les prix », a-t-elle déclaré.

  • Université fermée, approvisionnement difficile… une île « à bout de souffle »

Vendredi, l’université était toujours fermée aux étudiants, mais les écoles de onze communes sur les vingt-quatre de l’île étaient ouvertes, comme les collèges et lycées. Le député Les Républicains de La Réunion David Lorion a estimé que les « gilets jaunes » devaient « s’arrêter » et trouver « une autre façon » de se faire entendre, tout en critiquant les mesures annoncées par la ministre des outre-mer.

« La Réunion est à bout de souffle, l’essence manque de partout, les commerces ne sont plus approvisionnés (…), plus de 8 000 personnes sont au chômage technique, les agriculteurs voient mourir leurs bêtes. Cela ne peut plus durer, il faut évidemment aujourd’hui desserrer l’étau » et « s’arrêter », sinon « on va s’épuiser pour rien », a estimé M. Lorion sur France Inter. S’« il faut continuer le combat », car « la bataille n’a pas été gagnée », il faut le faire selon lui « d’une autre façon, avec d’autres demandes, en s’organisant différemment ». Selon un bilan établi entre le 26 et le 29 novembre par la chambre de commerce et de l’industrie réunionnaise, « la perte estimée pour l’ensemble des entreprises réunionnaises sur dix jours est comprise entre 500 et 600 millions d’euros ».

  • Plan blanc déclenché dans les hôpitaux

Jeudi, le « plan blanc » a été déclenché dans les hôpitaux de l’île, a indiqué l’agence régionale de santé (ARS) océan Indien dans un communiqué. Il doit permettre aux « directeurs d’établissements de santé publique d’organiser, en fonction de chacun des contextes, la poursuite des activités hospitalières pour répondre aux situations d’urgence, selon des modalités de fonctionnement éventuellement dérogatoires par rapport au droit commun ».

En pratique, les plans blancs sont des protocoles prévus par les autorités face à ces situations exceptionnelles (comme les attentats). Un des objectifs est de répartir au mieux les patients dans les lits disponibles, transports ambulanciers et hôpitaux. Ces plans prévoient aussi la réquisition des personnels médicaux et hospitaliers, rappelle Le Quotidien du médecin.