La ministre de la défense, Tomomi Inada, entourée des membres du nouveau cabinet, le 3 août, à Tokyo. | KAZUHIRO NOGI / AFP

En nommant des proches à son gouvernement, dont une femme connue pour ses positions nationalistes à la défense, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, renforce un peu plus sa mainmise sur le pouvoir. La nouvelle équipe, qui a été dévoilée mercredi 3 août, inclut les piliers de son administration, à commencer par son porte-parole, Yoshihide Suga, le vice-premier ministre et ministre des finances, Taro Aso, ou encore le ministre des affaires étrangères, Fumio Kishida.

Officiellement présenté par le premier ministre pour « accélérer la mise en place des abenomics » – sa politique économique –, le nouveau cabinet est nommé trois semaines après la large victoire du Parti libéral-démocrate (PLD, conservateur) aux élections sénatoriales. Depuis, ce parti et ses alliés détiennent les deux tiers des sièges aux deux Chambres, ce qui doit permettre à M. Abe de concrétiser sa vieille ambition de réviser la Constitution.

Tomomi Inada nie le massacre de Nankin par l’armée impériale japonaise en 1937 ou l’existence des femmes dites « de réconfort »

Il a choisi de confier le ministère de la défense à Tomomi Inada. Deuxième femme à occuper cette position après Yuriko Koike en 2007 – dans le premier gouvernement Abe –, elle n’a pas d’expertise particulière dans ce domaine. Elle sera pourtant chargée de mener la délicate mise en œuvre des législations sécuritaires votées en 2015, notamment le nouveau cadre d’intervention des Forces d’autodéfense à l’étranger.

Mais Mme Inada bénéficie de sa proximité avec le premier ministre, dont elle serait la « protégée ». M. Abe la considérerait même comme son potentiel successeur, en raison notamment de leur proximité idéologique. Il l’a nommée en 2014 à la tête du conseil d’analyse politique du PLD, un poste qui revient traditionnellement à des élus plus expérimentés, après qu’elle a détenu le portefeuille de la réforme administrative de 2012 à 2014. « M. Abe veut perpétuer son pouvoir, analyse Koichi Nakano, de l’université Sophia. Il n’envisage pas d’autres successeurs que Mme Inada, qui n’est toutefois pas encore prête pour le poste. »

Mme Inada multiplie les prises de position révisionnistes

Elue depuis 2005 du département de Fukui (centre), cette ancienne avocate de 57 ans est connue pour ses prises de position nationalistes, proches de celle de M. Abe. Avant de s’engager en politique, elle a notamment défendu des officiers nippons s’étant sentis diffamés par les écrits de l’écrivain Kenzaburo Oe sur leur comportement pendant la bataille d’Okinawa, en 1945.

Depuis son entrée au Parlement, elle multiplie les prises de position révisionnistes, niant le massacre de Nankin par l’armée impériale japonaise en 1937 ou l’existence des femmes dites « de réconfort ». En 2015, année des 70 ans de la fin de la guerre, elle a plusieurs fois appelé à ne pas s’excuser.

Membre de l’organisation ultranationaliste Nippon Kaigi, elle a également rejeté l’emploi du mot « invasion » pour qualifier l’action du Japon en Asie et défend les visites au controversé sanctuaire Yasukuni, qui honore les soldats morts pour la patrie, parmi lesquels des criminels de guerre. Mme Inada est également favorable à la révision de la Constitution. Des positions qui ne manqueront pas de compliquer encore plus les relations avec la Chine et la Corée du Sud.

Pour son remaniement, le chef du gouvernement s’est séparé des deux ministres ayant perdu leurs sièges aux sénatoriales, Mitsuhide Iwaki (justice) et Aiko Shimajiri (chargé des affaires d’Okinawa). Bien que sollicité pour rester au gouvernement, Shigeru Ishiba a choisi de le quitter. Ce poids lourd de la politique japonaise ambitionnerait de succéder à M. Abe.

Le premier ministre a par ailleurs intégré plusieurs membres de la Seiwakai, sa propre faction au sein du PLD et la plus puissante du parti, notamment Hiroshige Seko, qui remplace Motoo Hayashi au ministère de l’économie, le METI.

Battre le record de longévité au pouvoir depuis la guerre

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe (au centre), quitte sa résidence officielle pour se rendre au palais impérial, le 3 août, à Tokyo. | KAZUHIRO NOGI/AFP

Egalement dans la perspective de conforter son pouvoir, le chef du gouvernement a renforcé son emprise sur le PLD. Outre la promotion de Hiroyuki Hosoda – un autre membre de la Seiwakai – à la tête du conseil général du parti, il a choisi Toshihiro Nikai, un baron du PLD favorable aux abenomics et disposant d’un excellent réseau d’amitiés en Chine, pour en occuper le secrétariat général en remplacement de Sadakazu Tanigaki, victime en juillet d’un grave accident de vélo.

M. Nikai dirige sa propre faction au PLD. Il fut longtemps considéré comme un rival potentiel de M. Abe, qui, depuis plusieurs mois, fait tout pour l’amadouer. Si bien que celui-ci serait désormais favorable à la prolongation du mandat de M. Abe à la tête du parti. De fait, M. Abe, dont le mandat de président du PLD se termine en septembre 2018, aimerait le conserver. Il souhaiterait rester au pouvoir au moins jusqu’aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020 et battre le record de longévité au pouvoir depuis la guerre. Ce record est détenu par son grand-oncle Eisaku Sato, en poste de 1964 à 1972.

Mais ses choix de nommer des proches et des membres de sa propre faction aux postes-clés du gouvernement et du parti rappellent la gestion de son premier gouvernement en 2006. Le fonctionnement du cabinet avait été un échec, notamment par l’enchaînement des maladresses de personnalités qui maîtrisaient mal leurs attributions.