Distancé sur Internet, l’américain Walmart rachète le site de e-commerce Jet
Distancé sur Internet, l’américain Walmart rachète le site de e-commerce Jet
LE MONDE ECONOMIE
Le premier distributeur mondial met 3,3 milliards de dollars sur la table pour réduire l’écart avec Amazon.
Dans un entrepôt du site de commerce en ligne Jet, à Kansas City (Kansas), en novembre 2015. | DANIEL ACKER /BLOOMBERG / GETTY
Walmart passe à l’offensive. Distancé sur Internet par Amazon, il a annoncé, lundi 8 août, la plus importante acquisition jamais réalisée dans le commerce en ligne. Il va racheter la start-up de distribution américaine Jet pour 3,3 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros), dont 3 milliards en numéraire.
« Jet va nous permettre d’accélérer nos progrès, assure Doug McMillon, le directeur général de Walmart. Nous cherchons de nouveaux moyens de baisser nos prix, d’augmenter notre gamme de produits et d’offrir l’expérience la plus simple et facile. » Le responsable espère finaliser l’opération avant la fin de l’année.
Ce rachat intervient à un moment critique pour Walmart. La société de Bentonville (Arkansas), qui a bâti un gigantesque empire – 11 500 magasins dans 28 pays, plus de 2,2 millions d’employés dans le monde, 260 millions de clients par semaine et un chiffre d’affaires de 482 milliards de dollars en 2015 –, demeure nettement en retrait sur Internet. En 2015, ses ventes en ligne ne se sont élevées qu’à 13,7 milliards de dollars, soit moins de 3 % de ses recettes, quand le chiffre d’affaires d’Amazon (hors activités dans le cloud) a flirté avec la barre des 100 milliards de dollars.
Plus inquiétant encore, la branche e-commerce de Walmart subit depuis plus de deux ans un net ralentissement de sa croissance. Entre février et avril, celle-ci est tombée à 7 %, un rythme significativement inférieur à celui de son grand rival.
Aveu d’échec pour Jet
Afin de se relancer, le groupe prévoit d’investir 2 milliards de dollars en deux ans, qui serviront notamment à construire de nouveaux entrepôts. Il a ouvert un deuxième centre de recherche dans la Silicon Valley, dans lequel sont employées plus de 2 000 personnes. Fin juin, il a lancé le programme « ShippingPass », sa réponse à la populaire offre premium d’Amazon qui propose la livraison gratuite en deux jours.
Pour Jet, ce rachat sonne comme un aveu d’échec. Certes, le prix de vente est deux fois plus élevé que sa dernière valorisation de 1,6 milliard de dollars. Mais la jeune pousse fondée en 2014 nourrissait de plus grandes ambitions, elle qui voulait révolutionner le commerce en ligne et attaquait Amazon sur les prix, son point fort. Les espoirs suscités étaient à la hauteur des promesses : avant même le lancement officiel de sa plate-forme en juillet 2015, la start-up avait levé 220 millions de dollars. Et sa valorisation atteignait près de 600 millions de dollars. Ces chiffres record reposaient en grande partie sur le curriculum vitae de son fondateur, Marc Lore.
Marc Lore au centre du jeu
L’entrepreneur n’en était pas à son coup d’essai. Il y a dix ans, il avait fondé Diapers.com, pour vendre des couches sur Internet. La société, rebaptisée Quidsi, s’est rapidement diversifiée (produits ménagers, animaliers…). En 2010, elle générait 300 millions de dollars de chiffre d’affaires. Elle attire alors l’attention d’Amazon, qui la rachète pour 545 millions de dollars.
Avec Jet, M. Lore voulait répliquer sur Internet le succès de Costco et des autres magasins-entrepôts, qui comptent plus de 100 millions d’adeptes aux Etats-Unis. En échange d’un abonnement annuel de 49 dollars, l’e-marchand promettait des prix inférieurs de 10 % à 15 % par rapport à ses concurrents. Mais la recette n’a jamais fonctionné et, après des débuts compliqués, Jet est rapidement revenu à un modèle plus traditionnel.
La société revendique désormais près de 4 millions d’acheteurs aux Etats-Unis. Mais elle « dépense énormément pour attirer de nouveaux clients », souligne Sucharita Mulpuru, analyste chez Forrester. Son budget publicitaire oscille, par exemple, entre 20 et 25 millions de dollars par mois. M. Lore avait prévenu que Jet ne serait pas rentable avant au moins 2020 et a donc eu besoin de multiplier les levées de fonds. Mais la dernière, réalisée fin 2015, avait été plus compliquée que prévu à mener.
Ouvrir son site à d’autres vendeurs
« Rejoindre Walmart va nous permettre de concrétiser notre vision », assure M. Lore. Jet continuera d’opérer de manière indépendante. Mais Walmart va piocher dans ses actifs pour améliorer son propre site. Il intégrera bientôt la technologie de « chariot intelligent » de la start-up : à chaque fois qu’un article est ajouté au panier, les prix sont automatiquement ajustés afin d’optimiser les économies offertes aux clients.
Le distributeur va aussi mettre à profit les relations entre Jet et plus de 2 000 commerçants. Comme l’a déjà fait avec succès Amazon, Walmart souhaite ouvrir son site à d’autres vendeurs pour étendre sa gamme de produits. Son site propose aujourd’hui 11 millions de références, contre près de 400 millions pour Amazon.
En outre, cette acquisition est un moyen pour Walmart de recruter M. Lore qui, une fois l’opération finalisée, prendra la direction des activités Internet du groupe. Une clause l’oblige à rester à ce poste pendant plusieurs années. « Il fait partie de la petite liste de personnes capables de relancer Walmart sur Internet », juge Mme Mulpuru.
Pour autant, « rattraper Amazon est un objectif irréaliste », nuance Charles O’Shea, analyste chez Moody’s. Le groupe de Seattle dispose d’avantages considérables, comme ses dizaines de millions d’abonnés premium ou encore sa redoutable logistique. Et il est désormais rentable. « Mais Walmart béneficie maintenant d’une longueur d’avance sur ses concurrents pour s’assurer la place de numéro deux », convient M. O’Shea.