Chico Whitaker, militant altermondialiste brésilien et cofondateur du Forum social mondial, s’exprime lors d’une conférence de presse le 8 août, la veille de l’ouverture de l’édition 2016 du rassemblement, à Montréal. | MARC BRAIBANT / AFP

Le douzième Forum social mondial (FSM) s’ouvre mardi 9 août à Montréal, au Canada, où il se tient jusqu’au 14 août. Pour la première fois organisé dans un pays du Nord, ce grand rassemblement altermondialiste doit accueillir environ 50 000 participants, réunis pour « construire des alternatives concrètes au modèle économique néolibéral et aux politiques fondées sur l’exploitation des êtres humains et de la nature ».

Le forum est marqué cette année par le refus des autorités canadiennes de délivrer des visas d’entrée à près de 200 conférenciers ou invités étrangers. C’est notamment le cas de la militante altermondialiste malienne Aminata Traoré, du président du syndicat palestinien des postiers Imad Temiza ou encore de Rogerio Batista de la Centrale unique des travailleurs, un syndicat brésilien.

Qu’est-ce que le Forum social mondial ?

Présenté comme un « contre-Davos », une alternative au Forum économique mondial qui se tient en Suisse, et où se rassemblent annuellement grands patrons et des chefs d’Etat et de gouvernement, le premier FSM avait eu lieu du 25 au 30 janvier 2001 à Porto Alegre (dans le sud du Brésil).

Le rassemblement était toutefois enraciné dans des mouvements de contestation antérieurs. La manifestation de Seattle en 1999 a, par exemple, constitué l’un des moments fondateurs du FSM. Des associations de consommateurs, mouvements de défense de l’environnement et des petits paysans avaient alors arpenté les rues de la ville américaine pour dénoncer le projet d’accord sur la libéralisation du commerce international, qui était négocié à Seattle sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce et auquel les pays pauvres et émergents n’avaient pas été associés. Ils avaient ainsi participé à l’échec du sommet.

Cette victoire a ensuite encouragé d’autres militants, qui ont multiplié les contre-sommets et manifestations contre les institutions financières internationales, menant à la création du FSM.

Le forum de Porto Alegre a été initialement organisé par plusieurs associations brésiliennes, dont l’Association brésilienne des hommes d’affaires pour la citoyenneté (Cives) et l’Institut brésilien d’analyses socio-économiques (Ibase), avec l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac).

Quels enjeux pour le forum de Montréal ?

Les dernières éditions du FSM ont été marquées par une participation en baisse : 50 000 personnes sont attendues à Montréal, alors que les inscrits étaient deux fois plus nombreux auparavant. En 2005, l’affluence avait même atteint un pic de plus de 150 000 personnes, selon les organisateurs.

Par ailleurs, lors de la dixième édition, en 2010, les participants avaient exprimé leurs frustrations face à la difficulté de transformer leur réseau d’influence en un véritable contre-pouvoir planétaire. Une question aujourd’hui toujours en suspens.

En choisissant pour la première fois une ville d’un pays du Nord pour organiser l’événement, « nous essayons de donner un nouveau départ au mouvement », a expliqué à l’AFP le coordonnateur du collectif du FSM, Raphaël Canet. « Les inégalités sociales sont partout, nous voulons dépasser l’opposition Nord-Sud et dire qu’il y a effectivement des problèmes mondiaux, mais qu’il y a aussi des pistes de solutions. »

Le FSM affirme avoir choisi Montréal en raison de la présence d’une société civile animée mais aussi en tant que relais des mouvements ayant émergé ces dernières années comme Occupy Wall Street, les Indignés ou Nuit debout. Une meilleure connexion avec ces groupes pourrait participer au renouvellement du FSM.

Les organisateurs y voient par ailleurs la possibilité d’impliquer d’avantage les mouvements nord-américains et de diversifier les origines des organisations portant le mouvement altermondialiste, ainsi que de voir « comment la lutte peut être menée au Nord ».

En quinze ans d’existence, le FSM s’est déroulé à quatre reprises à Porto Alegre. L’événement a aussi eu lieu au Mali, en Inde, au Pakistan, au Kenya, au Venezuela, et deux fois en Tunisie.

Quel est le but du forum et qui le compose ?

Le FSM se veut un lieu d’échanges et de débat « visant à approfondir la réflexion d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme ». A l’issue de la rencontre, aucune résolution finale n’est adoptée. Les différentes organisations participantes publient néanmoins des déclarations ou profitent de l’événement pour lancer des pétitions, ou adresser des demandes précises à un gouvernement, une institution.

Le FSM est historiquement composé de mouvements écologistes, féministes, de syndicats et de partis de gauche, de mouvements pacifistes, en partie issus du monde chrétien.

A Montréal, les participants pourront prendre part à plus d’un millier d’activités diverses, allant d’ateliers d’échanges solidaires à des conférences ou même des spectacles. Près de 80 conférenciers ont été invités : des professeurs, des politiciens, des syndicalistes et également des militants altermondialistes, comme la journaliste environnementaliste canadienne Naomi Klein, le vice-président bolivien Alvaro Garcia Linera ou le sociologue et philosophe français Edgar Morin.

Quels sont les combats du mouvement ?

Sécurité alimentaire, droits humains fondamentaux, lutte contre la pauvreté, rejet du libre-échange, justice climatique, droits des femmes ou encore création d’une taxe sur les transactions financières… les causes défendues par le FSM sont variées, à l’image des militants composant le mouvement.

Le premier rassemblement de Porto Alegre avait comme slogan « un autre monde est possible », et cinq principales revendications : l’annulation de la dette des pays les plus pauvres, la réforme des institutions financières internationales, la suppression des paradis fiscaux et la lutte contre la spéculation financière, et de nouvelles règles du jeu pour le commerce international.

Les sujets évoqués lors des forums dépendent de l’actualité, mais aussi des enjeux propres au pays hôte. En 2003, les participants du rassemblement avaient multiplié les déclarations antimilitaristes et contre la guerre, alors que les Etats-Unis s’apprêtaient à envahir l’Irak.

A Montréal, seront notamment abordées la question de l’autodétermination des peuples, la solidarité internationale, et « les migrations et citoyenneté sans frontières ».