Kohei Uchimura, sextuple champion du monde, le 30 octobre 2015, à Glasgow. | ANDY BUCHANAN / AFP

« Cette fois, je cherche la perfection. Il n’y a que ça qui peut me satisfaire. » A Rio de Janeiro, Kohei Uchimura poursuit sa quête de gloire olympique. Au Brésil, le très populaire champion japonais de gymnastique, baptisé par ses adversaires « King Kohei », table sur un nouveau titre après celui décroché en concours général à Londres en 2012.

Considéré comme l’un des meilleurs gymnastes de tous les temps, le sextuple champion du monde – un record – va traîner son 1,61 m, sa dégaine faussement relaxe et son sourire d’adolescent à Rio, où il arrive favori, encore une fois pour le concours complet même si sa virtuosité s’exprime le mieux au sol et à la barre fixe. « C’est peut-être la dernière fois que je me présente aux Jeux olympiques à mon meilleur niveau, soulignait, l’œil coquin, le gymnaste de 27 ans avant son départ du Japon. Je veux réaliser un sans-faute. »

De quoi inquiéter ses adversaires, tous admiratifs de son talent. « Il peut faire des choses incroyablement difficiles avec une facilité déconcertante », estimait en 2012 l’entraîneur de l’équipe américaine Kevin Mazeika. Aux derniers championnats du monde, à Anvers (Belgique) en octobre 2015, il a littéralement écœuré l’opposition par sa facilité. « Il est comme dans un tunnel, estimait alors le médaillé de bronze, l’Allemand Fabian Hambuechen. Il fait son truc tout en restant détendu et se concentrant sur ses enchaînements. » « Tout ce qu’il fait est beau, ajoutait son compatriote Philipp Boy. Et il ne commet jamais d’erreur. »

Une affaire de famille

Pour Kohei Uchimura, la gymnastique est une affaire de famille. Né en 1989 à Kitakyushu, dans le département de Fukuoka sur l’île de Kyushu (sud-ouest du Japon), il a commencé à 3 ans au centre d’entraînement géré à Nagasaki par ses parents Kazuhisa et Shuko, eux-mêmes gymnastes. Sa sœur Haruhi est également professionnelle. « Au début, raconte-t-il, elle était meilleure que moi. Mes parents s’occupaient plus d’elle. C’était aussi parce que je n’aimais pas qu’on me dise quoi faire. » Têtu et un peu délaissé, il reconnaît à ses parents de lui avoir donné la possibilité de « faire de la gymnastique pour le plaisir, que je sois bon ou pas ».

« Je ne crois pas en Dieu. Je n’ai jamais eu d’amulettes porte-bonheur. Je ne crois qu’en l’entraînement. »

Et il est bon. Au point qu’à 15 ans, il vient à Tokyo pour s’entraîner à la Nippon Sports Science University – d’où sont sortis 118 médaillés olympiques nippons depuis 1960 – sous la direction de Yoshiaki Hatakeda, médaillé de bronze par équipe aux Jeux de Barcelone en 1992. Sélectionné en équipe du Japon en 2007, il gagne son premier titre mondial, au sol, l’année suivante. À Pékin, il décroche l’argent du concours complet derrière le Chinois Yang Wei. Depuis, il domine la gymnastique mondiale.

Kohei Uchimura aux championnats du monde de gymnastique à Glasgow, en octobre 2015. | BEN STANSALL / AFP

Marié et père d’une petite fille, Kohei Uchimura travaille beaucoup. « Je ne crois pas en Dieu, avait-il déclaré après son succès aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Je n’ai jamais eu d’amulettes porte-bonheur. Je ne crois qu’en l’entraînement. » Et ce passionné d’avouer son but ultime : « la beauté du mouvement. »

Une équipe solide

Une philosophie qui s’ajoute à la popularité de la gymnastique dans l’archipel. Cette pratique « convient aux Japonais en raison de l’importance accordée à la répétition exigeant des fondamentaux solides », estime Tsunekazu Takeda, le président du Comité olympique japonais qui rappelle que ce sport fait partie depuis longtemps de l’enseignement de l’éducation physique à l’école.

Cette discipline a également une riche histoire olympique au Japon. Avec des personnalités comme Yukio Endo, Sawao Kato ou encore Mitsuo Tsukahara – l’idole de Kohei Uchimura –, l’équipe nippone a enchaîné cinq victoires de rang au JO, en 1960, 1964, 1968, 1972 et 1976.

Kohei Uchimura à Glasgow en 2015. | ANDY BUCHANAN / AFP

Cette année, le Japon arrive fort au Brésil. Epaulé par Koji Yamamuro, Ryohei Kato, Yusuke Tanaka, médaillés mondiaux en concours complet, et surtout Kenzo Shirai, double champion du monde au sol et surnommé le « Prince de la vrille », Kohei Uchimura peut aussi rêver d’un titre par équipe.

En conférence de presse après son succès à Anvers, il lui a été demandé s’il avait une idole. « Usain Bolt, a-t-il répondu. Il arrive tranquillement, dit : Je vais être une légende et puis il le devient. J’admire cela. » Quant à savoir si lui-même est une légende, il répond, toujours modeste et souriant : « Je ne peux pas le dire moi-même. » De nouveaux titres à Rio pourraient inciter certains à le faire, et pousser le gymnaste à poursuivre son histoire jusqu’aux Jeux de 2020 organisés à Tokyo. Il n’exclurait pas de s’y présenter à l’épreuve de la barre fixe.