Vladimir Poutine, le 10 août à Moscou. | Alexei Druzhinin / AP

Même dans le contexte de tensions incessantes entre l’Ukraine et la Russie, les accusations formulées par Moscou à l’encontre de Kiev mercredi 10 août apparaissent particulièrement graves et inédites. Les services de renseignement russes (FSB) assurent dans un communiqué avoir arrêté un officier des services ukrainiens préparant des attentats terroristes en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie au printemps 2014. Selon le communiqué, le FSB aurait déjoué durant le week-end plusieurs attaques visant « des infrastructures vitales pour la péninsule », dont l’objectif aurait été d’y « déstabiliser le climat sociopolitique ».

Ces accusations sont appuyées par le président russe Vladimir Poutine, qui estime que l’Ukraine s’engage sur la « voie de la terreur » et cherche à provoquer un conflit pour « détourner l’attention du vol de ses propres citoyens » auquel se livreraient ses dirigeants. M. Poutine assure que la Russie ne laissera pas ces actions sans réponse et juge que la prochaine rencontre, en Chine, au « format Normandie » (Russie, Ukraine, Allemagne, France), qui assure le suivi des accords de paix de Minsk, n’a « aucun sens » dans ces conditions.

Deux morts

Selon la version présentée par les services russes, un agent du FSB et un soldat ont été tués lors d’incursions d’hommes armés venus d’Ukraine et qui seraient liés à ces projets d’attentat. Vingt bombes artisanales et des munitions auraient été retrouvées sur les lieux de l’un des affrontements, samedi, près de la ville frontalière d’Armiansk, côté russe.

Le lendemain, une autre incursion aurait été tentée du côté ukrainien de la frontière, avec l’aide de transports de troupe blindés et le soutien de pièces d’artillerie. Selon Moscou, incursions et projets d’attentat auraient été planifiés par le renseignement militaire ukrainien, un organe dépendant du ministère de la défense. Plusieurs citoyens russes et ukrainiens auraient été arrêtés depuis le week-end.

Aucun témoignage n’a fait état de tels affrontements sur la mince bande de terre séparant la Crimée du reste de l’Ukraine, et encore moins d’un usage d’artillerie. Mais nombre de messages et de vidéos mis en ligne sur les réseaux sociaux ont bel et bien fait état ces derniers jours de mouvements de troupes côté russe, avec plusieurs unités blindées faisant route vers le nord.

Accusations inédites

Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont démenti les accusations russes mercredi, expliquant : « L’Ukraine n’a aucunement l’ambition de récupérer par la force les territoires qui lui ont été pris. » Le député Anton Gerachtchenko, par ailleurs fonctionnaire du ministère de l’intérieur, a donné sa propre explication de la fermeture des accès à la péninsule. Selon M. Gerachtchenko, connu pour ses déclarations à l’emporte-pièce, les forces russes chercheraient à empêcher la fuite de déserteurs désireux de rejoindre l’Ukraine. Ce sont ces déserteurs qui auraient provoqué des échanges de tirs avec des soldats russes.

Si Kiev accuse régulièrement – et sans preuve – la Russie de chercher à « déstabiliser » la situation en Ukraine par des actes terroristes, ces accusations sont inédites venant de Moscou. De même, la tension qui règne autour de la Crimée est une donnée nouvelle. La répression par les autorités russes des voix dissonantes, notamment celles des Tatars, y est une réalité, mais l’activité militaire de ces derniers jours suscite l’inquiétude, alors que l’annexion elle-même, en mars 2014, se fit sans violence, après l’arrivée de troupes russes en grand nombre.

Cette activité militaire et la fermeture inexpliquée des points de passage ont alimenté les craintes de la partie ukrainienne de voir un embrasement dans le sud de son territoire. Ces craintes sont d’autant plus vives que la situation dans le Donbass reste tendue. Des combats continuent de s’y dérouler quotidiennement, y compris à l’arme lourde, en dépit des accords de paix de Minsk, aujourd’hui au point mort. La région de Marioupol, à environ 300 kilomètres à l’est de la Crimée, sur la côte de la mer d’Azov, fait partie des zones les plus touchées.