D’elle, on n’a aperçu à l’écran qu’une silhouette menue un peu lointaine, aux cheveux noirs, assise face à une caméra dans un bureau de la maison d’arrêt où elle purge sa peine de vingt-trois ans de réclusion criminelle pour assassinat. Lui s’est campé à la barre du tribunal correctionnel de Roanne (Loire), mardi 7 février, les bras croisés sur la poitrine, avec une assurance affichée que démentait son regard fébrile. Au président qui lui demande sa profession, il répond « gérant de société dans le bâtiment ».

- A combien s’élèvent vos revenus ?

- A zéro.

- De quoi vivez-vous ?

- De mes économies.

Près de 17 000 appels et SMS échangés

Avant, Bertrand Arnoud était surveillant pénitentiaire, chef du bâtiment des femmes à la prison de Roanne. C’est là qu’en 2013, il a rencontré Liliane Paolone. Il avait 43 ans, elle est sa cadette de neuf ans.

- Je suis entré dans cette administration, j’avais 22 ans. J’ai travaillé partout, en centres de détention, en centrales. Mon dossier, il est rectiligne. Je n’ai jamais eu de soucis. Mais on ne choisit pas ses sentiments, je suis tombé amoureux d’une femme extraordinaire. Vous pouvez en penser ce que vous voulez mais c’est comme ça…

L’un et l’autre ont été renvoyés devant le tribunal après la découverte en 2015 d’un téléphone portable utilisé par Liliane Paolone, dont le contenu a révélé à l’administration pénitentiaire la liaison qu’elle entretenait avec celui qui était chargé de sa surveillance. Près de 17 000 appels et SMS en huit mois soigneusement consignés dans l’épaisse chemise cartonnée posée sur le bureau du président. Lorsqu’il a découvert l’affaire, le supérieur hiérarchique de Bertrand Arnoud est tombé des nues, convaincu que cet « excellent fonctionnaire s’est fait manipuler par Liliane Paolone », comme il l’a confié aux enquêteurs. Le président se garde d’entrer dans ce débat.

- Nous ne sommes pas là pour juger d’une affaire sentimentale. Vos SMS n’intéressent ni le tribunal, ni le public, indique-t-il aussitôt pour ramener ce dossier à la seule infraction reprochée aux deux amants, l’introduction d’objet illicite et le recel de cet objet.

« Je savais que je commettais une faute »

Bertrand Arnoud nie farouchement être celui qui a fourni le téléphone. « La seule chose qu’on peut me reprocher, c’est d’être tombé amoureux et d’avoir communiqué avec une détenue. Je savais que je commettais une faute, je ne le supportais pas moralement et j’avais déjà entamé la procédure pour démissionner de l’administration pénitentiaire », dit-il.

Depuis cette affaire, Liliane Paolone a été transférée dans une autre prison, un « bébé parloir » est né de cette relation en octobre 2016 et le couple, qui s’est vu interdire de visite par l’administration pénitentiaire pendant quelques semaines, s’est pacsé. Liliane Paolone a déjà effectué douze ans de détention, sa demande de libération conditionnelle a été rejetée.

Le procureur a requis trois mois d’emprisonnement ferme contre la détenue et trois mois avec sursis contre l’ancien surveillant qui s’est « abstrait des règles qu’il avait mission d’appliquer ». Jugement le 13 février.