A qui s’adresse Chrome OS, le logiciel de Google qui concurrence Windows ?
A qui s’adresse Chrome OS, le logiciel de Google qui concurrence Windows ?
Par Nicolas Six
Voici la réponse de Google au fameux Windows que les Français connaissent si bien. Grâce à Chrome OS, les ordinateurs sont moins chers et plus fiables. Faut-il s’y convertir ?
Aux Etats-Unis, un ordinateur sur dix est désormais vendu avec Chrome OS, selon les données de l’institut IDC – un chiffre proche des ventes de Macs. Chrome OS est un logiciel central comparable à Windows ou Mac OS, il occupe le cœur de l’ordinateur et tout s’organise autour de lui. Chrome OS n’a que six ans et sa croissance rapide pourrait perdurer. Car en 2017, il deviendra compatible avec les applications Android, auparavant réservées aux smartphones et aux tablettes. Cette évolution est importante, elle réduit le retard de Chrome OS sur Windows, dont la logithèque fait référence.
Windows ne sera pas détrôné de sitôt. Beaucoup de Français ne pourront se contenter de Chrome OS. Mais les ordinateurs qui en sont équipés sont plus simples, plus fiables, et moins chers. Trois atouts qui en font une alternative intéressante, au moins pour certains utilisateurs. Posons trois regards différents sur ce logiciel, à travers trois personnages fictifs que Chrome OS intéressera particulièrement. Le premier est un « gaffeur » qui vit une relation compliquée avec l’informatique. Le second est un étudiant au budget serré. Le troisième est une experte de l’informatique cherchant un PC d’appoint. A noter : toute ressemblance avec des personnes réelles de votre entourage serait, bien sûr, purement fortuite. Cliquez pour choisir un personnage, ou parcourez l’article comme vous en avez l’habitude.
Les ordinateurs… comment dire… J’ai un problème de magnétisme avec eux. Mes proches en rient beaucoup, je clique toujours au mauvais endroit. Soit j’efface un fichier important, soit j’installe un logiciel dangereux, soit j’attrape un virus. Mais au bout d’un an, mes ordinateurs sont systématiquement essoufflés. Ils mettent cinq minutes à se réveiller et leurs menus sont d’une lenteur épouvantable. Ma fille, qui est une experte en informatique, m’a acheté un Chromebook « pour faire une expérience ».
Les premiers mois, j’étais ravi. Mon ordinateur démarrait en dix secondes et réagissait à toute vitesse. Ses menus sont bien plus faciles à comprendre que ceux de Windows. Pas de fichiers, pas de dossiers, le bureau reste limpide puisque je n’ai pas le droit d’y poser quoi que ce soit. La souris n’a qu’un bouton : terminé les clics involontaires. J’ai même pris l’habitude d’appuyer directement sur l’écran tactile avec mon doigt pour cliquer. Parfois c’est plus facile qu’avec la souris.
Je surfe sur Internet, je regarde Facebook, j’écris des courriels, je récupère les photos de mon téléphone, tout ça, facilement. J’ai même réussi à transférer quelques albums de musique depuis mon ancien ordinateur avec une clé USB. Ma fille est contente aussi : je l’appelle beaucoup moins souvent qu’avant. Je l’ai sonnée en catastrophe le mois dernier en réclamant : « J’ai perdu ma lettre ! ». Elle était ravie, elle m’a répondu « l’ordinateur a fait une copie de secours sur Internet ». On l’a retrouvée en deux minutes.
Nicolas Six / Le Monde
Mais au fil des mois, mon regard est devenu un peu plus critique. Mon Chromebook ne sait clairement pas tout faire. Je suis bloqué à la maison : l’ordinateur a besoin d’une connexion Internet pour fonctionner correctement. C’est dommage parce qu’il est si petit que je l’aurais bien emmené avec moi en voyage. Mais ça n’est pas possible, je n’arrive même pas à l’utiliser dans le jardin… J’ai un autre problème embêtant : impossible de relier mon ordinateur à mon imprimante.
Et puis au fil du temps, les documents se sont accumulés sur mon ordinateur, dans une liste interminable. Je commence à avoir du mal à les retrouver. N’empêche, depuis un an, j’ai fait un bout de route avec cet ordinateur, il fonctionne toujours aussi rapidement et je n’ai pas attrapé de virus. C’est bien la première fois que je m’entends bien avec un ordinateur. Alors oui, je l’avoue, je l’aime bien, ce petit Chromebook. Ma femme ne partage pas mon avis. Elle n’a jamais réussi à s’habituer à ses menus, qui sont très différents de ceux de Windows.
J’ai lu que les Chromebooks étaient très populaires dans les universités américaines. Comme mon budget était particulièrement mince, j’ai décidé de suivre la mode. Six mois plus tard, je suis plutôt satisfait de mon choix. Mon Chromebook me sert à rédiger des exposés, faire des recherches, consulter le site de l’université… Il est pratique, avec son poids plume et sa batterie qui tient sept heures. Je m’en sers souvent sur mon lit pour surfer sur des sites d’actu, discuter sur Facebook, regarder des vidéos. Pour un ordinateur à 300 euros, je suis même surpris qu’il fonctionne aussi bien. Il réagit presque aussi vite qu’un PC à 1 000 euros. Je n’ai pas encore retrouvé les logiciels que j’utilisais sur le PC de mes parents, mais le catalogue du Web Store et surtout celui d’Android sont vastes. Je déniche petit à petit des applications qui compensent au moins en partie les manques. Les menus de Chrome OS sont d’une clarté reposante. Ils sont beaucoup plus simples que ceux de Windows, parfois même, un peu simplistes, mais c’est plutôt agréable.
Le Chromebook Acer R11 est le premier Chromebook permettant d’accéder au catalogue des applications Android. | Nicolas Six / Le Monde
Les premiers mois, j’avoue que j’ai bien galéré avec Chrome OS. Il fait clairement moins de choses que Windows. La première fois que j’ai emmené mon Chromebook à l’université, rien ne fonctionnait. Je ne trouvais pas de Wi-Fi : impossible de prendre des notes, de consulter mon agenda, de lire les e-mails de la veille. J’ai fini par trouver la solution en passant chaque application en mode « offline ». Elles fonctionnent sans Internet désormais. Mais ça n’a pas été facile : l’option est cachée à des endroits différents selon les applications.
C’est pratique pour un étudiant de pouvoir imprimer. Impossible de faire fonctionner l’imprimante de mes parents. Un ami m’a conseillé d’acheter un multifonctions Wi-Fi compatible « Cloud Print ». J’en ai trouvé une à 50 euros. J’ai pris dix minutes pour relier ma nouvelle imprimante au Wi-Fi, quinze pour l’associer à Google Drive. Mais ça en valait la peine, je peux enfin imprimer et scanner. Dommage que les imprimantes de l’université ne soient pas compatibles « Cloud Print ».
Parlons de la mémoire du Chromebook : 16 Go, c’est une blague ? Un ami m’a passé une clé USB avec vingt films. Je n’ai pu en copier que cinq : la mémoire était déjà remplie. J’ai fini par investir dans une carte mémoire de 64 Go pour étendre le stockage. Ça fait mal au portefeuille (30 euros) et l’espace reste trop juste. L’autre problème, c’est que très rapidement, la mémoire est devenue un fouillis indescriptible. Tout atterrit au même endroit : photos, vidéos, textes, dessins, etc. J’ai mis du temps à m’aperçevoir que je pouvais créer des dossiers pour tout ranger. Ça m’a sauvé la vie.
Je me souviens qu’en première année, j’ai perdu un exposé sur l’ordinateur de mes parents. Ça n’arrivera plus. Mon Chromebook sauvegarde tous les documents que je crée sur Internet, c’est super sécurisant. Mais franchement, Google aurait pu soigner l’explorateur de fichiers. Difficile de comprendre où vont mes documents : en ligne ? Hors-ligne ? Les deux ? D’autant qu’un document met parfois trois minutes à apparaître dans un dossier. J’ai fini par comprendre : les documents que j’enregistre dans le dossier Drive sont automatiquement stockés online et offline. Ceux que j’enregistre dans « Téléchargements » sont stockés seulement hors-ligne sur mon Chromebook. A quoi ça sert, me direz-vous ? Je n’ai pas envie que mes vidéos, qui sont très lourdes, soient sauvegardées sur Internet. Parce qu’au-delà de 15 Go d’espace, il faut payer 20 euros par an. J’ai autre chose à faire de mon argent.
Côté jeux, je regrette l’ordinateur des parents. Sur le Web Store, je ne trouve que des jeux 2D un peu vieillots. Sur le Play Store d’Android, les jeux 3D sont plus sympas. Mais la plupart ne fonctionnent pas : l’affichage débloque, les commandes ne répondent pas. Je prends mon mal en patience, ça marchera mieux dans quelques mois. Je ne vais pas vous mentir, je regarde les PC Windows avec envie. Je suis passionné de photo, j’aimerais pouvoir installer Lightroom sur mon ordinateur pour apprendre à retoucher comme un pro. Pour le moment, je me contente de PixlR Touch, qui marche pas si mal.
Je ne conseillerais Chrome qu’aux étudiants persévérants. Il m’a fallu des semaines pour résoudre tous mes problèmes. Mais Chrome reste un choix rationnel pour moi. Mon Chromebook m’a coûté 400 euros, carte mémoire et imprimante comprises. J’ai comparé avec l’ordinateur d’un ami, qui a investi 450 euros dans un PC Windows. Son ordinateur est lourd et lent. J’attends Noël avec impatience. Je vais demander un grand écran et une souris, parce que j’ai mal au dos à force de travailler sur un ordinateur de 13 pouces. J’ai testé avec l’écran d’un ami, ça passe très bien sur mon Chromebook.
Je regrette juste une chose : je suis devenu très dépendant aux services Google. Pour chaque application Google, il existe probablement un service de meilleure qualité, proposé par une boîte indépendante.
J’ai déjà un gros PC Windows. Je cherchais un ordinateur d’appoint léger, pour surfer sur le canapé, ou pour le brancher sur ma TV. Je voulais aussi pouvoir l’emmener en voyage de temps en temps. J’ai trouvé la solution sans dépenser un centime : recycler un vieux portable qui prenait la poussière depuis quelques années. J’y ai installé Chrome OS, qui est gratuit, contrairement à Windows.
Chome OS a aussi la réputation de tourner plus vite. J’ai effectivement constaté une nette accélération. J’arrive à ouvrir quatre sites lourds sous Chrome en simultané, ça reste assez fluide. Les applications s’ouvrent toujours un peu lentement. Je crois avoir compris pourquoi, mon portable est équipé d’un disque dur ordinaire, les Chromebooks qu’on trouve en magasin embarquent un SSD rapide. Mais j’accède sans problème à des sites gourmands comme Netflix ou Arte7. J’ai même trouvé un client BitTorrent qui fonctionne pas mal. J’ai branché l’ordinateur sur la TV via un câble HDMI sans rencontrer de problème.
Nicolas Six / Le Monde
Ce que j’apprécie le plus avec Chrome OS, c’est son entretien extrêmement simplifié. Les mises à jour sont automatiques. Pas besoin d’installer un antivirus, les malwares sont rares, même si l’ordinateur en attrapera peut-être un, puisqu’aucun OS n’est totalement impénétrable. Par prudence, j’ai créé un second compte Google rien que pour cet ordinateur. Mes infos sensibles n’y apparaissent pas.
Evidemment tout n’est pas rose. J’espérais pouvoir installer quelques applications Android : c’est raté. Il manque à mon ordinateur un écran tactile pour que ça fonctionne. C’est très dommage, car j’en avais quelques-unes dans le collimateur. Elles m’auraient permis de faire des trucs plus pointus, comme mettre mon ordinateur en réseau. Je reste donc coincée avec les applications du Web Store, qui sont franchement passables. On n’y trouve ni Facebook, ni Skype, ni Whatsapp, ni Word, ni Libreoffice, ni OpenOffice, etc. Ce qui signifie qu’on est prisonnier de Google Docs, qui est beaucoup trop basique à mon goût.
C’est en voyage que je suis le plus gênée. Quand je perds ma connexion Internet, la moitié de mes applis cessent de fonctionner. Je me connecte en passerelle via mon smartphone, mais ça use mon forfait 4G. Et la rapidité de Chrome dépend beaucoup de la qualité de la connexion, excellente en 4G, moyenne en 3G, catastrophique dans le train.
Pour couronner le tout, le système de fichiers de Chrome OS est totalement opaque. La racine et l’arborescence sont invisibles. A l’inverse de Windows, Mac OS, ou Linux, les fichiers système sont cachés. J’ai calculé que deux gigaoctets échappent totalement à ma surveillance. J’avoue que ça m’énerve un peu… Sans compter que l’interface utilisateur de Chrome OS est figée, rien n’est personnalisable. La souplesse de Windows me manque. Beaucoup de raccourcis clavier ne fonctionnent pas, mes automatismes me manquent aussi. On ne peut pas dire que je sois séduite par Chrome OS. Mais vu la facture finale de zéro euros, je ne me plains pas.
Conclusion
Les Chromebooks, c’est plutôt pour vous si :
- votre budget est inférieur à 500 euros ;
- vous trouvez Windows compliqué ;
- votre ordinateur sert surtout à aller sur Internet.
Ce n’est pas pour vous si :
- vous avez besoin des tout meilleurs logiciels et voulez jouer à des jeux vidéo récents ;
- vous voyagez beaucoup avec votre ordinateur ;
- vous stockez vos musiques et vos vidéos sur PC ;
- vous détestez qu’on choisisse à votre place.
C’est décidé, Chrome OS vous intéresse ? Le mieux serait probablement d’attendre 2017 avant de craquer : vous trouverez plus facilement un Chromebook compatible avec les applications Android. Aujourd’hui, tous les modèles en magasin sont loin d’être conçus pour. Si votre besoin est urgent, jetez un œil à https://sites.google.com/a/chromium.org/dev/chromium-os/chrome-os-systems-supporting-android-apps?rd=117:42">cette liste de Chromebooks compatibles, mais difficiles à trouver en France.