JO – basket : sur son bateau, la croisière de la Dream Team s’amuse moyennement
JO - basket : sur son bateau, la croisière de la Dream Team s’amuse moyennement
Par Clément Guillou
Vivant en marge du village olympique sur un paquebot de luxe, les deux équipes américaines de basket profitent moins de Rio. Et les hommes, qui rencontrent la France dimanche, n’écrasent pas la compétition.
Personne n’a entendu se plaindre les stars de la NBA des toilettes bouchées, des douches qui fuient ou du confort sommaire des chambres du village olympique de Rio de Janeiro. Et pour cause : les basketteurs et basketteuses américains n’y habitent pas, comme ils en ont pris l’habitude à chacun des Jeux olympiques depuis 1992. Ils résident sur un paquebot de luxe amarré au port de Rio, à Praça Maura, à l’opposé du Parc olympique. Salle de sport, piscine et lits XXL sont à disposition de Kevin Durant, Elena Delle Donne et leurs collègues sur le Silver Cloud.
Le Silver Cloud, amarré à Praça Maura | David Goldman / AP
« Nos joueurs sont sans doute les athlètes les plus identifiables du monde », a justifié Jerry Colangelo, le directeur de la fédération, au début des Jeux. Hautement sécurisé, le bateau est surveillé par des patrouilles de la police maritime et protégé par une clôture pare-balles.
« On ne peut pas envoyer nos joueurs n’importe où — une fois que le Comité olympique a décidé qu’il voulait des joueurs professionnels, nous devons les protéger. Ce sont des actifs de grande valeur. »
A l’inverse, sans doute d’Usain Bolt, Michael Phelps ou même, pour rester dans le basket, Pau Gasol et Tony Parker. Toutes les stars des Jeux olympiques résident au village, dans des dortoirs pour étudiants, sauf les joueurs américains — et Benoît Paire.
Faire un selfie avec une gymnaste d’1 mètre 43, draguer au self ou faire la queue une heure au McDonald’s du village olympique derrière un haltérophile kazakh : les basketteurs et basketteuses américains n’ont pas le droit à la même expérience olympique que leurs pairs.
« Bien sûr, ça me manque, confie Kyle Lowry, le meneur de la Dream Team, mais c’est une décision qui a été prise par la fédération. » Même refrain pour Jimmy Butler, qui n’a pas caché son mal de mer et a demandé une chambre avec vue sur le port. « Je fais ce qu’on me dit. On me dit de dormir sur un bateau ? Je vis sur un bateau », répond le joueur des Chicago Bulls avec l’enthousiasme d’un claustrophobe assigné à résidence dans un ascenseur.
La pivot Tina Charles regrette de ne pas pouvoir « interagir avec les athlètes, ne pas les voir tous les jours et ne pas construire d’amitié avec eux », tandis que Maya Moore admet que « sur deux semaines, la vie au village olympique peut générer un peu de fatigue ».
DeMarcus Cousins et Carmelo Anthony embarquent à bord du Silver Cloud, le 3 août à Rio. | David Goldman / AP
Les seuls Jeux, avant Rio, durant lesquels la Dream Team avait privilégié le bateau à l’hôtel, étaient ceux d’Athènes, en 2004 : le plus grand fiasco de leur courte histoire olympique, avec une médaille de bronze. Quatre ans plus tard, à Pékin, ils avaient privatisé un hôtel et s’en portaient mieux. « On était coincés sur le bateau », se souvenait Carmelo Anthony, qui était déjà là en 2004 (il vit à Rio sa quatrième campagne olympique). Dès leur arrivée dans la capitale chinoise, ils avaient foncé au village olympique, ce « Disney des athlètes », comme le qualifiait Kobe Bryant, manifestement ravi.
Cette année, lorsque les stars de la NBA ont tenté une excursion hors du ponton, elles ont atterri dans une maison close, faisant les choux gras de la presse à scandale américaine. Ils pensaient, ont-ils dit, entrer dans un spa.
Les Américains étaient donc pressés que leur tournoi commence vraiment pour que la presse arrête enfin de leur poser des questions à ce sujet. Ainsi est-on arrivé un peu tard lundi, pour demander à Mike Krzyzewski, légende du basket universitaire américain et entraîneur de l’équipe nationale depuis onze ans — c’est sa dernière campagne —, ce qu’il pensait de tout ça.
Là, on a vu cet entraîneur réputé pour sa rigueur, son sérieux en toutes circonstances et sa langue d’ébène passer en mode one-man-show. La presse américaine était dans tous ses états. Certains ne l’avaient sans doute jamais vu sourire.
« Je ne vis pas sur un bateau, j’habite en Caroline du Nord où j’ai une piscine et où, parfois, je m’allonge sur un matelas. Ce n’est pas notre bateau, nous ne sommes pas seuls. On s’est fait des amis sur le bateau ! Je n’aurais jamais cru que j’aurais des “boat-friends” ! D’ailleurs, maintenant que vous en parlez… je vais peut-être m’acheter un bateau. Mais il faudra que j’aie une plus grande piscine. »
Après avoir rhabillé l’impudent journaliste français, « Coach K » a lancé, pince-sans-rire :
« Allez, je rentre sur mon bateau. D’ailleurs, j’ai le mal de mer parfois. »
Mike Krzyzewski, pas sur son bateau. | ANDREJ ISAKOVIC / AFP
S’il s’amuse un peu en conférence de presse, Mike Krzyzewski rigole moins sur son banc de touche, pour l’instant : les Américains ont été mis en difficulté par leurs deux premiers sérieux adversaires, l’Australie et la Serbie. Les Australiens ont mené une bonne moitié du match avant de céder dans le dernier quart-temps (98-88), tandis que les Serbes ont eu, vendredi soir, une balle de prolongation entre les mains (94-91).
De quoi donner des idées aux Français, qui affrontent la Dream Team ce dimanche à 19 h 15 dans un match sans enjeu, mais surtout, les rencontreraient en cas de demi-finale du tournoi olympique.
Les filles, elles, n’ont pas l’air perturbé plus que ça par l’air du port de Rio. Elles ont gagné leurs quatre matchs de la compétition avec une moyenne de 40 points d’avance.