Classement de Shanghaï : « Tous les Etats n’ont pas de prix Nobel »
Classement de Shanghaï : « Tous les Etats n’ont pas de prix Nobel »
Par Adrien de Tricornot, Marine Miller
Si le classement de Shanghaï fait encore autorité, d’autres sélections, sur d’autres critères, sont également très attendues et offrent un éclairage parfois plus adapté aux aspirations des étudiants.
Initiative européenne, le classement U-Multirank a été lancé face au risque de voir le classement de Shanghaï marginaliser les établissements du Vieux Continent. Depuis 2014, ce classement tente de prendre en compte de nombreux critères, et pas seulement la recherche comme celui de Shanghaï : « Compte tenu des spécificités de chaque pays, il permet de valoriser les cursus en fonction des aspirations des étudiants », explique Ghislaine Filliatreau, ancienne directrice de l’Observatoire des sciences et techniques (OST) et membre de l’International Advisory Board (conseil consultatif international) du classement de Shanghaï.
« Ménager tous les intérêts »
Pour autant, son impact reste encore limité. « Multirank combine à mes yeux tous les inconvénients : les données à l’intérieur ne sont pas bonnes et il a été initié par la commission européenne », critique le président de l’université de Strasbourg, Alain Beretz. « L’Europe peut donner des informations et des labels mais elle ne peut pas faire un véritable classement du type Shanghaï car tous les Etats n’ont pas de prix Nobel, de la recherche de haut niveau, etc. autant que les autres. Or elle doit ménager tous les intérêts », ajoute Valérie Pécresse, ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Néanmoins, les acteurs de l’enseignement supérieur se réjouissent de la multiplication des classements, qui offre d’autres éclairages que celui de Shanghaï. « Les enquêtes que nous avons menées auprès de nos membres montrent que les institutions d’enseignement supérieur et de recherche regardent trois classements : QS, Times Higher Education (THE) et Shanghaï – dans cet ordre, mais avec une proportion presque équivalente pour les trois –, et ensuite des classements nationaux », précise Tia Loukkola, directrice du développement institutionnel de l’Association européenne des universités (EUA). L’EUA recommande ainsi à ses membres d’analyser les indicateurs qui composent les classements et de se demander s’ils sont pertinents pour eux. « Notre message aux institutions ou aux pays européens, c’est : “Prêtez attention aux classements mais ne les laissez pas conduire votre stratégie car la performance dépend aussi d’autres facteurs” », explique Tia Loukkola.
Pluralisme
C’est aussi la logique du classement élaboré par le Centre for Higher Education (CHE) de Gütersloh, en Allemagne. Son directeur général, le professeur Frank Ziegele, loue le classement de Shanghaï « réalisé sur des critères académiques, sans but commercial », et non pas sur des enquêtes de réputation plus subjectives. Mais il souligne que la performance globale d’un système d’enseignement supérieur ne repose pas seulement sur l’excellence de la recherche dans quelques établissements. La qualité de l’enseignement, la responsabilité vis-à-vis de l’environnement local et le transfert de connaissance font aussi partie des missions de l’enseignement supérieur : « Notre classement se fonde sur tous les critères, y compris la recherche appliquée, qui ne figure pas dans le classement de Shanghaï. Il évalue, en partenariat avec l’industrie, la recherche appliquée faite par les “hochschulen” : elles ne publient pas dans les grandes revues scientifiques, mais elles mènent des recherches appliquées de grande qualité, copublient leurs résultats avec les entreprises, déposent des brevets, participent au transfert de technologie, etc. ».
« Le but de notre classement est d’aider chaque étudiant à s’orienter vers les formations qui répondent le mieux à leurs aspirations professionnelles, ce qui est aussi la logique du classement européen U-Multirank », défend-il également. Le pluralisme des classements aide à dépasser les limites de chacun.