JO 2016 : la Corée du Nord, au nom des Jeux
JO 2016 : la Corée du Nord, au nom des Jeux
Par Philippe Pons (Tokyo, correspondant)
Les compétitions sportives internationales, et en particulier les JO, sont l’occasion pour Pyongyang de montrer une image plus avenante.
Rim Jong-sim, haltérophile nord-coréenne, 12 aôut aux JO de Rio. | POOL / AFP
En remportant, vendredi 13 août, la première médaille d’or pour son pays aux Jeux Olympiques de Rio dans la catégorie des 75 kg, l’haltérophile nord-coréenne Rim Jong-sim, sauve la face du régime de Pyongyang. C’est la première Coréenne du Nord à être médaillée deux fois de suite (elle l’avait déjà été à Londres en 2012).
La République populaire démocratique de Corée (RPDC) n’avait guère brillé jusqu’à présent : elle a remporté deux médailles de bronze (tir au pistolet masculin et tennis de table féminin) et une médaille d’argent en haltérophilie masculine.
« La tactique de la guérilla »
Les compétitions sportives internationales, et en particulier les JO, sont l’occasion pour la RPDC, isolée et objet de l’opprobre international, de montrer une image plus avenante d’elle-même. La présence à la tête de la délégation nord-coréenne de Choe Ryon-ha, vice-président de la commission des affaires de l’Etat (la plus haute instance dirigeante du pays), qui passe pour le personnage le plus puissant après le dirigeant Kim Jong-un, témoigne de l’importance que le régime accorde aux JO.
Depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, Kim Jong-un promeut le sport. Dans un discours devant l’Assemblée suprême du peuple, en avril 2014, le jeune dirigeant, lui-même fan de basket-ball, avait fait du sport une des priorités nationales. Et depuis, le pays est saisi d’une toute martiale frénésie sportive. L’année dernière, le dirigeant a exhorté les sportifs à s’inspirer de la « la tactique de la guérilla » (mené par son grand-père Kim Il-sung contre le colonisateur japonais) pour propulser le pays sur le devant de la scène sportive internationale. Par le sport, la RPDC espère donner à l’étranger l’image d’un « pays civilisé », leitmotiv des discours officiels.
La « force saine des masses »
Dès sa création, en 1948, la RPDC a suivi le modèle soviétique et a accordé une importance particulière au sport et à la culture physique afin de discipliner les corps et les esprits et d’exhiber la « force saine des masses ». Depuis 2012 ont surgi dans la capitale de nouveaux complexes sportifs. Le sport occupe plus d’espace dans les organes de presse, et la télévision lui consacre davantage d’émissions, dont la retransmission de compétitions internationales.
La RPDC a envoyé une trentaine d’athlètes à Rio, avec l’haltérophilie comme principal espoir de médaille. Depuis les JO de Munich, en 1972, elle remporté 14 médailles d’or, dont 4 en 2012 à Londres.
L’un des espoirs de Pyongyang est la jeune gymnaste Hong Un-jong. Médaille d’or à Pékin en 2008, elle n’avait pas pu renouveler son exploit à Londres, car l’équipe féminine de gymnastes nord-coréenne avait été radiée pour deux ans des compétitions pour avoir falsifié la date de naissance d’une autre athlète, sa sœur, Hong Su-jong, écrit Jean H. Lee dans New York Times.
Agée de 27 ans, originaire d’une famille de musiciens de Tanchon (province de Hamgyong du sud), Hong Un-jong a été choisie, encore enfant, ainsi que sa sœur pour leur agilité. Les deux petites filles furent envoyées à Pyongyang et mirent un certain temps à accepter d’être séparée de leurs parents.
« Pas un héros » avec une médaille d’argent
Devenir un athlète demande des sacrifices. Encore davantage dans le cas de la RPDC. « Nous avons le devoir de gagner une médaille d’or pour le prestige du pays », serinait son entraîneuse, qui joua aussi le rôle de mère à la jeune Hong. Les efforts de la jeune femme furent couronnés par la médaille d’or de gymnastique des JO de Pékin. Elle avait 19 ans
Héros nationaux, les médaillés nord-coréens sont généreusement récompensés. Par contre, faillir aux attentes qui ont été placées en eux est un lourd fardeau pour ceux qui échouent dans la course aux médailles. Le commentaire amer de l’haltérophile Om Yun-chol (médaille d’argent, il n’a cependant pas renouvelé son exploit à Londres, où il avait remporté une médaille d’or) est révélateur : «Je ne pense pas que je puisse être un héros pour mon peuple avec une médaille d’argent. » Le chef de la délégation nord-coréenne, Choe Ryon-hae, a quitté la salle avant la remise des médailles.
La jeune gymnaste Hong Un-jong a fait sensation avec un selfie diffusé à travers le monde sur lequel elle apparaît souriante, serrant la main de sa concurrente sud-coréenne Lee Eun-ju et faisant des doigts le « V » de « Victoire ». Une illustration de l’esprit des Olympiades. Mais il n’est pas certain que cette image d’un rencontre chaleureuse de spontanéité entre deux jeunes femmes d’un pays divisé en deux Etats hostiles vaille une médaille d’or aux yeux de Pyongyang – ni même qu’elle ait été vue par les Coréens du Nord.