« Joe » : La rédemption du perdant
« Joe » : La rédemption du perdant
Par Yann Plougastel
David Gordon Green signe, avec cette adaptation d’un roman de Larry Brown, un film âpre mais lumineux aux accents faulknériens (jeudi 18 août à 20 h 45 sur Ciné+ Club).
Joe- Bande-Annonce (VOST)
Durée : 02:01
David Gordon Green signe, avec cette adaptation d’un roman de Larry Brown, un film âpre mais lumineux aux accents faulknériens.
Joe, il n’a pas toujours les mots qu’il faut. Bien sûr, on ne peut pas dire qu’il marche au Coca, mais il connaît tous les bars et les coins noirs de la petite ville du Texas où il vit. Il est presque libre, Joe. Surtout par rapport à l’époque où il était en taule. Mais, quand même, sacrément seul. Et ce ne sont pas les blondes du lupanar le plus proche qui vont y remédier.
A l’aube, dans son pick-up de cul-terreux, il joue au contremaître pour une boîte d’abattage de bois et convoie une équipe de journaliers dans la forêt. Et puis, un matin, débarque un ado de 15 ans, Gary, qui cherche un job pour échapper à la mouise familiale. En décidant de l’aider, Joe va trouver un sens à sa vie de perdant pas du tout magnifique.
Totalement paumé
Joe, c’est Nicolas Cage, 50 ans. La mine un peu défaite. A mille lieues des films qui l’ont rendu célèbre (Cotton Club, Peggy Sue s’est mariée, Sailor et Lula, A tombeau ouvert). Pas craquant pour deux ronds. Alcoolo. Vaguement impuissant. Totalement paumé. « Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que Joe, c’est moi. Je voulais me servir de tout ce que j’avais vécu pour donner corps à un personnage qui avait tout perdu, se cherchait une raison de vivre et la trouvait avec ce gamin. Et puis “Joe” m’a prouvé que j’étais encore capable d’être un acteur, pas un guignol qui hante le cinéma d’action », confiait l’acteur dans M le magazine du “Monde” du 26 avril. Il a mis dans ce rôle toute l’épaisseur existentielle d’un type qui cherche à transmettre un tant soit peu de sentiment dans le vide où il patauge.
Nicolas Cage (Joe) et Tye Sheridan (Garry) dans le film « Joe » de David Gordon Green. | Wild Side
Joe est un film âpre, mais en même temps lumineux, qui raconte une belle histoire d’amitié entre deux paumés, dont les rêves tiennent dans des breaks glissant dans la plaine. Au volant, ils oublient tout. Les coups. Les rapines. Les filles faciles. Les chiens qui aboient. Les bouteilles qui se vident. Le boulot pas transcendant.
Le réalisateur, David Gordon Green, ancien jeune prodige d’Hollywood capable du meilleur (George Washington) et du n’importe quoi (Baby-sitter malgré lui), a réussi un de ces films implacables qui vous collent à la peau aussi sûrement qu’une chemise de bûcheron après l’abattage d’un arbre. Il n’y a pas l’ombre d’une faute de goût dans les cent treize minutes de ce long-métrage qui semble sortir tout droit d’un roman de William Faulkner.
Joe, au départ, était un livre de Larry Brown, publié en France dans « La Noire » (Gallimard) par Patrick Raynal, en 1994, et republié aujourd’hui chez Gallmeister (Totem, 336 pages, 10€). Larry Brown (1951-2004), ancien pompier à Oxford (Mississippi), la ville où vivait Faulkner, est un de ces romanciers américains qui ont pris le temps d’en baver avant de se lancer dans l’écriture. D’où des pages à vous couper le souffle, dans lesquelles surgit toute la vibration des nuits sans fin et des petits matins difficiles.
Joe, de David Gordon Green. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins, Gary Poulter, Adriene Mishler (Etats-Unis, 2013, 115 min). Le jeudi 18 août à 20 h 45 sur Ciné+ Club.