JO 2016 – athlétisme : des records, le roi Bolt incontesté et des Bleus à la fête
JO 2016 - athlétisme : des records, le roi Bolt incontesté et des Bleus à la fête
Par Yann Bouchez (Rio de Janeiro, envoyé spécial), Anthony Hernandez (Rio de Janeiro, envoyé spécial)
Le « triple triplé » du Jamaïcain Usain Bolt a marqué la semaine athlétique des ces Jeux de Rio. Mais pas seulement.
Usain Bolt, seul sur la piste du stade Engenhao, vendredi 19 août. | DAVID GRAY / REUTERS
Après une première semaine de natation, les Jeux ont laissé place à l’autre sport roi des Jeux, l’athlétisme. Du 12 au 21 août, dans un stade Engenhao parfois aux trois quarts vide, et parfois presque plein, quand Bolt était annoncé, il y eut du beau spectacle, des surprises et quelques huées mémorables. Retour sur les événements marquants avec une liste subjective.
Un stade à records (pas d’affluence)
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43 s 03, 29 min 17 s 45 et 82,29 m. Des chiffres qui donnent le tournis aux connaisseurs. Alors que les scandales de dopage se multiplient, ces performances incroyables, réalisées au stade olympique de Rio, éblouissent, sans rassurer.
La première est à mettre à l’actif du Sud-Africain Wayde van Niekerk. Le 14 août, autour de 22 heures, le spécialiste du 400 m a effacé des tablettes le record du monde de l’Américain Michael Johnson, « la loco de Waco ». Il l’a abaissé de quinze centièmes, améliorant son record personnel de 45 centièmes, un gouffre… Déjà premier coureur à passer sous les trois barrières symboliques du sprint : 10 s sur 100 m, 20 s sur 200 m et 44 s sur 400 m, van Niekerk osera-t-il défier Usain Bolt à l’avenir sur 200 m ?
Sur 10 000 m, l’Ethiopienne Almaz Ayana a, elle, écrasé la concurrence. Et elle a mis 14 secondes au sulfureux et vieux record de 1993 détenu par la Chinoise Wang Junxia. Cette dernière, coureuse de « l’armée » de l’entraîneur Ma Junren, carburait alors au « sang de tortue », assurait la propagande nationale. La fédération internationale a mis en demeure l’Ethiopie pour la faiblesse de sa lutte antidopage. Mais Ayana n’a que faire des soupçons : « Mon dopage, c’est mon entraînement et Jésus. » Quelques jours plus tard, elle semblait avoir perdu la foi et n’a pu faire mieux qu’une troisième place sur 5 000 m.
Anita Wlodarczyk a battu son propre record du monde du lancer du marteau à Rio. | FRANCK FIFE / AFP
Enfin, la lanceuse de marteau polonaise Anita Wlodarczyk a amélioré pour la troisième fois le record du monde. À Rio, elle l’a fait passer de 81,08 m à 82,29 m. Elle est la seule femme à avoir dépassé la distance des 80 mètres.
Usain Bolt et son « triple triplé »
Usain Bolt en lévitation, vendredi 19 août, lors du relais 4 × 100 m. | Jae C. Hong / AP
Il n’y en a eu que pour lui, ou presque. L’affluence du stade olympique était indexée sur sa présence sur la piste. Mais il n’y avait pas que le public qui semblait énamouré. Lors de sa dernière conférence de presse, le Jamaïcain, vainqueur pour ses troisièmes Jeux consécutifs du 100 m, du 200 m et du 400 m, a encore dû répondre aux questions sans concessions, à l’image de celle-ci : « Avec vos neuf médailles d’or et votre célébrité mondiale, que pensez-vous représenter pour votre pays, au-delà du sport ? » La réponse fut à la hauteur, pas vraiment modeste : « Au-delà du sport, je suis un grand ambassadeur. J’essaie de pousser mon pays vers le haut. J’ai amené beaucoup de touristes à mon pays. J’ai permis la création de plein d’emplois. J’ai fait tout ce que je pouvais pour mon pays et je continuerai de faire cela après ma retraite sportive. »
Pour les rares qui auraient une dent contre le Jamaïcain, il est possible de retenir qu’il n’a pas réussi à battre de record du monde sur la piste bleue du stade Engenhao, et surtout pas celui du javelot, même s’il se débrouille pas mal (voir ci-dessous). De là à dire qu’il a moins réussi ses Jeux qu’Anita Wlodarczyk…
Il est 1h40 du matin. Je travaille au stade olympique. Les lumières sont éteintes. J'entends du bruit #UsainBolt https://t.co/S9gVaHmQk9
— FranckBALLANGER (@Franck Ballanger)
La moisson française, la « résurrection » de Lemaitre
Christophe Lemaitre, avec un autre coureur en arrière-plan. | MARTIN BUREAU / AFP
Six podiums : depuis les Jeux de Londres en… 1948, les Bleus n’avaient pas ramené autant de médailles. S’il fallait en ressortir un – exercice forcément injuste et subjectif –, ce serait le bronze de Christophe Lemaitre sur le 200 m. Sur une épreuve qui ne comptait, en la présence d’Usain Bolt, que deux strapontins disponibles, le sprinteur d’Aix-les-Bains a dû se « déchirer jusqu’à la fin ». Mais son cassé lui offre la première médaille olympique individuelle pour un sprinteur français depuis le bronze d’Abdoulaye Seye, aux Jeux de Rome, en 1960. Aussi le Français a-t-il eu raison de savourer sa « résurrection » après des années difficiles.
Mais Lemaitre ne fut pas le seul à surprendre positivement, à l’image de la lanceuse du disque Mélina Robert-Michon, qui, à 37 ans, ajoute l’argent olympique à celui qui avait déjà été récolté aux Mondiaux de Moscou (2013). Kévin Mayer a treize ans de moins, mais sa deuxième place au décathlon, pas si loin de l’Américain Ashton Eaton, lui offre de jolies perpectives pour l’avenir. Enfin, comment ne pas évoquer le bronze de Mahiedine Mekhissi, désormais triple médaillé olympique, au terme d’un incroyable scénario.
Vicaut manque sa finale, Lavillenie enrage
La fête de l’athlétisme français aurait pu être encore plus belle, notamment parce qu’il lui manque une récompense en or. En l’absence de Teddy Tamgho, champion du monde du triple saut en 2013, certains leaders n’ont pas été jusqu’au bout de leurs ambitions. Impressionnant lors de sa demi-finale, vainqueur en 9 s 95, Jimmy Vicaut, recordman d’Europe (9 s 86) du 100 m, a flanché en finale, dimanche 14 août, alors qu’un podium semblait dans ses cordes. Le jeune Canadien Andre de Grasse (21 ans) a pris le bronze en 9 s 91 tandis que le Français de 24 ans échouait à la 7e place en 10 s 04. Pour enfin répondre présent le moment opportun, Vicaut devra progresser mentalement.
Renaud Lavillenie a vécu des JO compliqués. | JOHANNES EISELE / AFP
Peut-on le classer dans les déceptions alors qu’il a terminé deuxième du concours de saut à la perche et qu’il s’est incliné après quatre essais parfaits, dont le dernier à 5,98 m, synonyme à ce moment-là de record olympique ? Oui, car le champion olympique sortant Renaud Lavillenie a passé, lundi 15 août, une sale soirée. Entre les huées de la foule et le Brésilien Thiago Braz, qui le prive de l’or en battant son record personnel de dix centimètres (6,03 m), le Français ne peut qu’être déçu de ses Jeux. Et ses déclarations aux médias fustigeant les spectateurs cariocas ajoutent un goût amer à sa deuxième médaille olympique.
Enfin, la déroute des relais français – aucun en finale – l’élimination précoce en série de la coureuse de 800 m Rénelle Lamote, ou le terrible calvaire vécu par le marcheur Yohann Diniz sur le 50 km resteront comme des moments difficiles pour l’équipe de France.
Les ennuis kényans
Première nation au classement des médailles lors des Mondiaux de Pékin, en 2015, le Kenya termine deuxième cette fois, avec 13 récompenses, dont 6 d’or. Rien de déshonorant. Oui, sauf que le pays spécialiste du demi-fond, déjà empêtré dans les scandales de dopage ces derniers mois, s’est quelque peu couvert de ridicule à Rio. Il y eut d’abord cette histoire impliquant le manageur de l’athlétisme kenyan, Michael Rotich, qui s’est fait piéger par des journalistes se faisant passer pour des agents d’athlètes : il leur aurait demandé de l’argent pour les prévenir à l’avance de contrôles antidopage. Et puis, surtout, celle de cet entraîneur national, John Anzrah, qui a passé un test urinaire à la place d’un coureur de 800 m, Ferguson Rotich. Les deux entraîneurs ont été renvoyés dans leur pays.
A ce moment, le Kényan Ezekiel Kemboi semble déçu de sa médaille de bronze. Il en sera finalement privé par une réclamation de la délégation française. | DAVID GRAY / REUTERS
Comme si cela ne suffisait pas, Ezekiel Kemboi, double champion olympique du 3 000 m steeple, a perdu sa médaille de bronze sur tapis vert. La faute à son « ami » Mahiedine Mekhissi.
Du coup, les Etats-Unis ont récupéré la première place des nations (13 or, 10 argent, 9 bronze), même s’ils sont apparus moins dominateurs sur le sprint que par le passé. Ah oui, et il ne faudrait pas oublier la piètre performance des Russes, qui n’ont récolté aucune médaille. Bon d’accord, cela peut s’expliquer par le fait que l’IAAF, la Fédération internationale d’athlétisme, avait décidé d’exclure Isinbayeva, Shubenkov et compagnie, avec l’aval du CIO. Darya Klishina, la seule athlète russe acceptée sur la piste du stade Engenhao au terme d’un rocambolesque retournement de situation, a terminé 9e de la longueur. Dans l’indifférence générale.