Tir d’un missile nord-coréen retransmis par la télévision, à Séoul, le 24 août 2016. | Ahn Young-joon / AP

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un possède le sens de la dramaturgie. Deux jours après le début de manœuvres annuelles mobilisant 50 000 militaires sud-coréens et 25 000 Américains, et alors que se réunissaient à Tokyo les ministres des affaires étrangères nippon, chinois et sud-coréen, un sous-marin de Pyongyang a procédé mercredi 24 août à un tir de missile balistique en direction du Japon.

Le projectile, un « KN-11 » qui a été suivi par l’état-major interarmées sud-coréen, a parcouru un demi-millier de kilomètres. Dans un communiqué, l’armée sud-coréenne a déclaré qu’elle réagirait « avec fermeté et sévérité à toute provocation », estimant que le tir représentait un « sérieux défi ». Et, ce qui n’était jamais arrivé pour un projectile de cette nature, le missile est « entré dans la zone d’identification de défense aérienne » du Japon, a déclaré le premier ministre Shinzo Abe. Dans cet espace, tous les avions doivent s’identifier auprès des autorités locales. Le premier ministre japonais a dénoncé une « sérieuse menace pour la sécurité du Japon, un acte irresponsable qui ne peut être toléré ».

Pour les experts, c’est une nouvelle preuve que le régime nord-coréen progresse lentement mais sûrement dans son programme balistique, non seulement sur terre mais aussi sur mer. « Beaucoup de questions se posent quant à cet essai, mais il a certainement été un succès », a estimé Jeffrey Lewis, le directeur du programme sur la non-prolifération en Asie orientale à l’Institut Middlebury des études internationales de Californie et l’un des meilleurs spécialistes de la question. « Les Nord-Coréens avancent méthodiquement », relève de son côté François Godement, directeur du programme Asie et Chine du Conseil européen des relations internationales (ECFR).

Seuls quelques pays dans le monde – Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Inde – disposent de la capacité de lancer des missiles depuis un sous-marin, la meilleure dissuasion possible car potentiellement indétectable. Ce test nord-coréen, après un précédent effectué le 9 juillet, montre la volonté de Pyongyang de renforcer sa capacité de défense face à la Corée du Sud et aux Etats-Unis, alors que les deux pays ont prévu de déployer le système antimissile Thaad sur le sol sud-coréen. Pour eux, « c’est une claque », remarque Antoine Bondaz, chercheur associé au Centre de recherches internationales-Sciences Po. Pour Camille Grand, le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, la Corée du Nord ne pose plus à la communauté internationale un problème de « prolifération » mais de « dissuasion » avec sa capacité de développer à la fois un programme balistique et un programme nucléaire.

A Tokyo, les ministres des affaires étrangères des trois pays voisins de Pyongyang, réunis pour leurs discussions annuelles, ont condamné le tir. La Chine, par la voix de son ministre des affaires étrangères, a de nouveau fait part de son opposition au programme nucléaire de Pyongyang, autre priorité du régime nord-coréen. « Nous avons discuté des derniers développements sur la péninsule coréenne. La Chine est opposée au développement nucléaire nord-coréen et à toute action qui pourrait provoquer des tensions », a déclaré Wang Yi.

« La Chine est opposée à toute action qui violerait la résolution 2270 du Conseil de sécurité de l’ONU », a-t-il ajouté. Les résolutions du Conseil de sécurité, dont la dernière a été adoptée le 2 mars après un compromis entre Washington et Pékin, plus proche allié de Pyongyang, interdisent au régime de Kim Jong-un de développer son programme balistique, mais la Corée du Nord a multiplié les essais de missile depuis son quatrième essai nucléaire en janvier.

Le climat est à la tension, provoquée par le début, lundi, des manœuvres conjointes américano-sud-coréennes « Ulchi Freedom » sur la péninsule, dénoncées par Pyongyang comme une répétition avant une invasion. La Corée du Nord y voit une provocation, son ministère des affaires étrangères allant jusqu’à les qualifier d’« acte criminel impardonnable » qui pourrait précipiter la péninsule « au bord de la guerre ».