Pollution automobile : 4 questions sur Renault et la commission Royal
Pollution automobile : 4 questions sur Renault et la commission Royal
LE MONDE ECONOMIE
Sous le coup d’accusations du « Financial Times », le constructeur se défend d’avoir triché. Le ministère de l’environnement reconnaît des maladresses.
Le Captur de Renault, au salon de l’automobile de Paris, en octobre 2014. | AFP / ERIC FEFERBERG
Pour une opération transparence, ce n’est pas tout à fait une réussite. La commission Royal, créée afin d’éclairer le public sur le niveau d’émissions réel de polluants par les automobiles, est accusée, dans une enquête du Financial Times (FT) parue mardi 23 août, d’avoir favorisé Renault en passant sous silence des détails gênants pour le constructeur. Cette commission indépendante a été imposée par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, à la suite du scandale des moteurs truqués de Volkswagen – le « dieselgate » – qui a éclaté en septembre 2015. Retour sur les arguments des uns et des autres.
Que dit le « Financial Times » ?
Selon le quotidien britannique des affaires, le rapport final de la commission Royal aurait omis des informations-clés laissant supposer que des véhicules diesel de Renault émettent dix à onze fois plus de gaz toxiques en conditions réelles que lors des tests antipollution. Le Financial Times, qui s’appuie sur le témoignage de trois des dix-sept membres de la commission, met en cause la version diesel du Renault Captur. La trappe à oxydes d’azote – les très polluants NOx – de ce modèle fonctionnerait en situation de tests, mais pas en conditions habituelles de conduite sur route.
Charlotte Lepitre, membre de la commission pour l’ONG France Nature Environnement, citée par le FT, a confirmé au Monde que l’enquête avait mis en évidence un réglage des véhicules Renault conduisant leur système antipollution à ne plus se déclencher lorsque la voiture roule longtemps. Aucun de ces faits n’apparaît formellement dans le rapport final du 29 juillet. Le FT suppose que l’Etat a, au vu des résultats catastrophiques pour Renault, tenté de préserver l’entreprise dont il est actionnaire à 20 %.
Renault a-t-il triché ?
« Nos véhicules ne sont pas équipés de logiciels truqueurs », répond la direction de Renault. Une affirmation confirmée par Hélène Peskine, représentant le ministère de l’environnement à la commission :
« Très vite, nos tests ont montré que les moteurs des Volkswagen étaient formatés pour se comporter différemment lors de la procédure d’homologation et sur route. Ce n’était pas le cas de Renault. »
Mais il y a quand même eu un problème avec la marque au losange. Dès le début des essais, en décembre 2015, les Captur diesel, ont eu des résultats déplorables : au bout de 1 000 kilomètres, plus aucune dépollution n’était constatée. Les tests étaient tellement mauvais que ces voitures, des best-sellers de Renault, n’avaient même pas le droit de circuler sur les routes de France…
Chez Renault, on le reconnaît volontiers : « Nous avons commis une erreur de calibrage sur nos moteurs 1.5 L DCI qui équipent les Captur diesel, explique un spécialiste de la marque au losange. Du coup, la NOx Trap, cette pièce qui piège les oxydes d’azote, était saturée et ne fonctionnait plus. » Après cette découverte, Renault a décidé, au mois de janvier, le rappel (toujours en cours) de 15 000 véhicules afin de recalibrer correctement la combustion.
Reste que le constructeur français fait clairement partie des mauvais élèves, avec Nissan, Fiat, Opel et Volkswagen. Pour la commission, le doute subsiste sur l’existence d’un logiciel truqueur. Renault est toujours sous le coup d’une enquête de la Direction générale de la répression des fraudes, qui a été transmise au parquet.
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L’Etat a-t-il protégé le constructeur français ?
« Aucun résultat n’a été dissimulé », assure-t-on au cabinet de Ségolène Royal, où l’on reconnaît malgré tout quelques maladresses. « Nous avons tout publié dans le rapport final mais nous aurions dû être plus explicites sur les mesures d’amélioration demandées aux constructeurs, notamment le rappel des 15 000 Renault », détaille un conseiller.
Il n’empêche que la commission a été, à ses débuts, relativement conciliante avec le constructeur français. Lorsque les experts ont découvert les premiers résultats calamiteux de Renault en décembre, il a été décidé de ne pas les divulguer immédiatement.
« Nous n’aurions pas été dans notre rôle, répliquent les experts du ministère de l’environnement. Nous avons un devoir de neutralité. D’ailleurs, PSA, l’autre constructeur français, dont l’Etat est désormais aussi actionnaire, nous a, à l’inverse, reprochés de ne pas mettre en avant ses excellents résultats. »
Côté Renault, l’accusation de connivence avec l’Etat laisse dubitatif. « Nous avons été blanchis de tout soupçon de fraude par les commissions d’enquête allemande, britannique, italienne et coréenne, qui n’ont aucun intérêt à [nous] avantager », souligne un porte-parole de la marque.
Y a-t-il eu des dissensions au sein de la commission Royal ?
Les défenseurs de l’industrie automobile française voient dans cette nouvelle péripétie une mesure de rétorsion plus qu’un scandale environnemental. Chez les constructeurs, on désigne, à mots à peine couverts, les ONG membres de la commission Royal (France Nature Environnement, Réseau Action Climat, Transport et Environnement) comme étant les sources du FT.
Un membre de la commission confirme que de vives tensions ont vu le jour lorsqu’il a été décidé de ne pas révéler les premiers tests ratés de Renault. Toujours selon ce témoin, les représentants des ONG se sont sentis exclus d’un certain nombre de discussions ultratechniques entre représentants des constructeurs et experts publics. Et exposés au risque de manipulation.