Alain Juppé à Paris, le 29 juillet. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Quelques heures après la décision du Conseil d’Etat suspendant l’arrêté municipal de Villeneuve-Loubet contre le « burkini », le maire de Bordeaux, Alain Juppé, a fait entendre une voix dissonante à droite dans les pages du Figaro, vendredi 26 août.

Alors que l’ensemble de la classe politique de droite dénonce la décision du Conseil d’Etat et appelle à légiférer sur les tenues religieuses à la plage, M. Juppé a en effet déclaré qu’il refusait « d’exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques ». Tout en évoquant un « durcissement » de la religion musulmane, le maire de Bordeaux a appelé à « calmer le jeu d’un côté comme de l’autre ». Il ajoute :

« Dans l’état de tension et de souffrance dans lequel se trouve la société française, nous serions tous bien inspirés d’arrêter de jeter de l’huile sur le feu. »

M. Juppé se pose en cela contre plusieurs figures du parti, et d’abord contre son adversaire à la primaire des Républicains, l’ancien président Nicolas Sarkozy. Mercredi 25 août, ce dernier a donné deux interviews dans lesquelles il attaquait fermement le burkini. Dans Le Figaro, il a proposé « une loi qui interdise tout signe religieux ostensible non seulement à l’école, mais également à l’université, dans l’administration et aussi dans les entreprises ».

Christian Estrosi, le premier adjoint au maire de Nice et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a réclamé plusieurs fois l’engagement de l’Etat sur ce dossier et a réitéré la même demande sur Twitter quelques minutes après l’annonce de la décision du Conseil d’Etat. De leur côté, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti et le député de l’Yonne Guillaume Larrivé ont annoncé qu’ils préparaient « une proposition de loi pour sécuriser les décisions des maires interdisant le burkini » qui sera présentée à l’Assemblée nationale en septembre.

Menus de substitution dans les cantines

Autre tacle à peine caché contre l’ancien président, Alain Juppé évoque les menus de substitution dans les cantines. Il déclare que « la liberté de choix à la cantine entre différents menus, viande, poisson, végétarien (…) permet d’apaiser complètement les choses ». Il précise qu’il n’est pas question d’introduire des menus préparés selon tel ou tel rite religieux.

Ce débat avait enflammé la droite au cours de la campagne des élections départementales du printemps 2015. Nicolas Sarkozy avait soutenu la décision du maire UMP de Chalon-sur-Saône de ne plus servir de plats sans porc dans les écoles de la ville. Il avait déclaré sur TF1, en mars 2015 : « Si vous voulez que vos enfants aient des habitudes alimentaires confessionnelles, vous allez dans l’enseignement privé confessionnel. »

Dans cette interview, M. Juppé se dit favorable à une « charte de la laïcité ». « Tout le reste en découlera, on regardera au cas par cas pour les entreprises, pour le foulard à l’université, etc. » Cette charte réaffirmerait la « séparation entre le temporel et le spirituel ». Ce que garantit déjà la loi de 1905… Mais « elle ne parle pas de l’égalité entre hommes et femmes », argumente M. Juppé, qui se dit favorable à « des dispositions sur le recrutement et la formation des ministres du culte » et à la fin des financements des lieux de culte depuis l’étranger.