La Réserve fédérale américaine (Fed) va-t-elle remonter ses taux directeurs d’ici à la fin de l’année ? Les marchés espéraient que Janet Yellen, la présidente de l’institution, donnerait quelques indices en la matière lors de son discours le vendredi 26 août à Jackson Hole (Wyoming), à l’occasion du symposium annuel des banquiers centraux.

« Au vu de la solide performance du marché de l’emploi comme de nos perspectives d’activité économique et d’inflation, les arguments en faveur d’une augmentation des taux directeurs se sont renforcés ces derniers mois », a-t-elle déclaré.

Il y a quelques années, une telle phrase aurait suffi à convaincre la majorité des investisseurs que la Fed était sur le point de relever ses taux – par exemple, lors de sa prochaine réunion, les 20 et 21 septembre. « Cette probabilité a en effet augmenté : Mme Yellen a indiqué que même si la croissance n’a pas été rapide, elle est suffisamment solide pour que le marché du travail s’améliore », estime ainsi Thibault Prebay, directeur général adjoint de la société de gestion financière Arbevel. Un point de vue partagé par Andrew Hunter, chez Capital Economics, ainsi que par les analystes de Goldman Sachs.

« Ils procrastinent »

Tous se montrent néanmoins très prudents. « Les membres de la Fed pourraient certes agir en septembre, mais nous continuons tout de même de penser qu’ils attendront plutôt décembre », souligne M. Hunter. « En dépit du plein-emploi, ils procrastinent et ne cessent de repousser la hausse des taux : ils nous feront encore le coup en septembre », parie un investisseur parisien.

Selon lui, l’institution attendra que les élections présidentielles américaines de novembre soient passées avant d’agir. Résumant l’état d’esprit de beaucoup d’observateurs, Aaron Back, éditorialiste au Wall Street Journal, a un jugement plus tranché encore : « Yellen crie au loup : elle tente de convaincre les investisseurs que les taux vont monter, mais désormais, ils ne l’écoutent plus », a-t-il écrit sur le site Internet du quotidien financier.

Faiblesse de l’inflation, ralentissement chinois, incertitudes liées au Brexit… à chaque réunion, la Fed juge bon d’opter pour la prudence

Il faut dire que depuis la précédente hausse – le 16 décembre 2015, la Fed avait relevé ses taux directeurs d’un quart de point (ils évoluent désormais dans une fourchette de 0,25 % à 0,50 %) rompant ainsi avec des années de politique de taux zéro – l’institution ne cesse de reporter une poursuite de ce mouvement. Faiblesse de l’inflation, ralentissement chinois, incertitudes liées au Brexit… à chaque réunion, la majorité de ses membres ont jugé bon d’opter pour la prudence.

Un risque de se retrouver « sans cartouche »

Au point qu’aujourd’hui, nombre d’observateurs s’interrogent : et si l’institut monétaire avait attendu trop longtemps ? Cela fait en effet sept ans que l’économie américaine est sortie de la récession. Or, en temps normal, un cycle économique dure environ six ans outre-Atlantique. « En cas de nouveau coup de mou de la croissance ou de choc externe, la Fed risque alors de se retrouver sans cartouche pour soutenir l’activité », prévient Joseph LaVorgna, chef économiste chez Deutsche Bank, à New York.

Les banquiers centraux doivent-ils aller plus loin ? Modifier leur cadre d’action ?

Les inquiétudes portent aussi sur l’efficacité des politiques monétaires actuelles. Et pas seulement celle de la Fed. Pour faire face à la crise de 2008, les banquiers centraux des pays industrialisés ont déployé une série d’outils innovants : rachats de dettes publiques et privées, taux négatifs… En dépit de ce zèle, la croissance reste décevante. Doivent-ils aller plus loin ? Modifier leur cadre d’action ? Abandonner leur cible de 2 % d’inflation pour se fixer plutôt un objectif de croissance à atteindre ?

Mme Yellen a évoqué ces différentes options lors de son discours à Jackson Hole, en soulignant que les banques centrales continueraient à faire leur possible. Elle a néanmoins rappelé que d’autres mesures, non monétaires, sont tout aussi indispensables pour soutenir la croissance et le niveau de vie des Américains. Comme par exemple, « améliorer le système éducatif, la formation des travailleurs », ou encore « promouvoir la recherche publique et privée ».

Les activistes de Fed Up interpellent la banque centrale américaine

En marge du symposium annuel des banquiers centraux, réunis à Jackson Hole (Wyoming) du 25 au 27 août, l’association Fed Up a tenu une conférence, à laquelle une dizaine de membres de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont accepté de participer. Une première. Les militants de Fed Up, une coalition œuvrant pour une croissance plus équitable, reprochent à la banque centrale de pas prendre suffisamment en considération les classes défavorisées, notamment celles issues des minorités noire et latino. Ils s’opposent aussi au relèvement des taux directeurs. Lors d’un débat animé, les membres de la Fed ont assuré qu’ils n’avaient aucune intention d’étouffer la reprise, et que la hausse à venir des taux permettra d’éviter une éventuelle surchauffe de l’économie.