Malgré la décision du Conseil d’Etat, la presse étrangère se désole de la polémique sur le bukini
Malgré la décision du Conseil d’Etat, la presse étrangère se désole de la polémique sur le bukini
Les publications étrangères se passionnent pour le débat français qui entoure en ce moment le port du burkini. Autant qu’elles s’en étonnent.
Des journalistes devant le Conseil d’Etat, le 26 août. | REGIS DUVIGNAU / REUTERS
La décision du Conseil d’Etat, vendredi 26 août, de suspendre l’arrêté municipal « anti-burkini » de Villeneuve-Loubet a été suivie de près par une partie de la presse étrangère, tout comme les débats politiques qui ont précédé la décision de la haute autorité administrative. « La décision est sage et évite un ridicule, mais elle ne fait rien avancer », juge le quotidien suisse La Tribune de Genève dans un édito. « Chaque camp du pire a été renforcé dans sa position », écrit le journal, avant de poursuivre :
« Les tenants d’un islam politique ont, eux, documenté l’hostilité à l’égard de leur religion. En face, l’extrême droite française, et ses copies, (…) a su faire basculer l’opinion publique en sa faveur. Désavouée par la loi, elle peut désormais entonner la litanie du laxisme, de la perte des valeurs et du recul de la République. »
« Absurdité et injustice »
« Le burkini n’est pas du terrorisme », titre de son côté El Pais, dans son éditorial du samedi 27 août. « Les images de policiers obligeant une femme musulmane à se dévêtir sur la plage de Nice ont non seulement montré l’absurdité et l’injustice de cette règle, mais aussi alimenté l’intolérance et soumis le vivre ensemble à des tensions inutiles », écrit le quotidien espagnol.
Des médias britanniques s’étonnent de la polémique nationale et des arrêtés municipaux pris en premier lieu. « Et ensuite quoi ? Va-t-on interdire les nonnes sur les plages ? », s’interroge un chroniqueur du Daily Telegraph, qui applaudit la décision du Conseil d’Etat. De son côté, le quotidien britannique The Guardian décrit une « France divisée » à sa « une » du 27 août. Trois jours plus tôt, le titre publiait une tribune de la créatrice du burkini, qui clamait avoir créé la tenue « pour donner une liberté aux femmes, pas la leur prendre ».
Outre-Atlantique aussi, le sujet est surveillé par la presse. « Non, il n’est en réalité pas possible d’interdire des maillots de bain », assure avec un brin de sarcasme le magazine américain Foreign Policy. « La décision de vendredi, qui suspend l’interdiction à Villeneuve-Loubet, pourrait ouvrir la voie à l’annulation d’autres arrêtés », rappelle la publication.
La laïcité à la française critiquée
Le magazine The New Yorker s’intéresse de son côté à la définition de la laïcité à la française, affirmant que le pays « ne tolère pas facilement les démonstrations visibles de la religion, particulièrement celles qui ne sont pas relatives à la tradition catholique ». La chroniqueuse du magazine américain, Robin Wright, souligne que les arrêtés « anti-burkini » « contrastent grandement avec toutes les autres tentatives occidentales d’apaiser les tensions et d’intégrer les minorités musulmanes ». Elle fait ainsi notamment référence à la récente décision de la Gendarmerie royale du Canada, qui permet désormais le port du voile dans ses rangs.
Le site Quartz s’intéresse moins à ce que cette polémique signifie sur la place des musulmans dans la société française qu’à ce qu’elle dit de la situation des femmes. « Il ne s’agit pas d’islam », titre le site américain, « il s’agit d’hommes qui régissent le corps des femmes, une fois encore ».
« Les hommes, ou les sociétés, qui forcent les femmes à se déshabiller ne sont pas meilleurs ou différents de ceux qui les forcent à se couvrir. Quelle liberté et quel progrès y a-t-il à voir des hommes armés exiger qu’une femme retire ses vêtements ? Il ne s’agissait pas de protéger la laïcité de la France ; il s’agissait du droit d’un homme de contrôler le corps d’une femme – une fois encore. »