Grèce : top départ des enchères pour l’attribution des chaînes privées
Grèce : top départ des enchères pour l’attribution des chaînes privées
LE MONDE ECONOMIE
Neuf candidats sont en lice pour reprendre les quatre fréquences mises en vente. Verdict mardi 30 août, après un processus placé sous très haute surveillance.
En Grèce c’est « l’heure zéro » de la grande réforme de l’audiovisuel promise par le gouvernement de gauche Syriza. Depuis des mois, Nikos Pappas, le bras droit du premier ministre Alexis Tsipras, mène ce dossier très polémique qui vise, selon lui, d’une part à rationaliser un marché disproportionné à l’échelle des 11 milions d’habitants du pays mais aussi à s’attaquer au fameux triangle de relations incestueuses entre politiques-médias et banques, appelé diaploki en grec. Car les grands patrons d’industries – les oligarques ont pratiquement tous investi dans la presse et la télévision privée dans les années 1990.
En février dernier, Alexis Tsipras annonçait que seules quatre fréquences nationales privées seraient autorisées, contre près d’une dizaine existante aujourd’hui. Tout au long de l’été a eu lieu un processus de sélection des candidats autorisés à participer à la vente aux enchères de ces quatre fréquences, prévue pour le mardi 30 août.
Au final, neuf entreprises ont été retenues. La bataille s’annonce donc rude. Et dans un pays souvent où le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics est régulièrement souligné, le secrétariat général de l’information en charge de la procédure a mis en place un encadrement et des conditions de sécurité dignes d’un thriller.
Téléphones et ordinateurs portables interdits
D’abord, entre jeudi 25 et lundi 29 août, les neuf candidats et leurs équipes ont été convoqués au siège du secrétariat pour une session de formation au processus d’attribution. Une fois ces opérations terminées, le bâtiment doit être entièrement mis sous scellé. Jusqu’à 6 heures, mardi 30. A ce moment-là, chacune des 9 équipes rejoindra une salle privée sous l’œil vigilant de caméras de surveillance installées partout ces dernières semaines.
Téléphones et ordinateurs portables interdits. Un réseau informatique interne et censément impiratable a été mis sur pied pour permettre aux candidats de participer aux enchères. Dans une autre salle du bâtiment, une commission de cinq personnes sera chargée d’évaluer les offres.
Les enchères commenceront à 3 millions d’euros par fréquence disponible. A chaque hausse de 500 000 euros, les candidats pourront ou non renchérir. Et lorsqu’ils ne seront plus que deux en lice par fréquence, alors ils devront déposer une offre contraignante dans une enveloppe scellée qui sera ouverte et évaluée par la commission. La fréquence sera attribuée au plus offrant.
Dans chaque salle, un policier chargé d’escorter les candidats dans leurs moindres déplacements ; autour du bâtiment, des policiers encore, devant empêcher l’entrée de journalistes ou de toute autre personne… Dans ce qui sera devenu un vaste bunker, les candidats auront tout de même le droit de s’allonger un instant sur l’un des 120 lits pliants de l’armée installés pour l’occasion ou de manger au buffet commandé et livré en amont pour empêcher toute intrusion de dernière minute. Car la procédure prendra de longues heures.
Tsipras, déterminé à aller au bout de cette bataille
Des conditions spartiates certainement inédites pour ces grands hommes d’affaire grecs contraints, pour la première fois, de négocier au prix fort leur survie ou leur entrée sur le marché de l’audiovisuel grec. Jusqu’ici, malgré plusieurs tentatives de régulation, aucun gouvernement n’avait réussi à contraindre les propriétaires de chaînes privées à payer leurs licences d’exploitation, comme la loi les y obligeait pourtant. Il y avait un intérêt entre gouvernements successifs et patrons de presse, pour que rien ne bouge vraiment.
Alexis Tsipras avait promis de mettre fin à cette situation d’illégalité. Il semble déterminé à aller au bout de cette bataille, qui fait bondir le parti d’opposition Nouvelle démocratie (ND). « Tsipras nous dit qu’il veut en finir avec la diaploki, mais il ne fait que mettre en place la sienne et tente de mettre au pas les médias qui ne sont pas d’accord avec lui », affirme un membre de ND, qui s’empresse de citer le cas de Mega. Une chaîne située plutôt à droite sur l’échiquier politique et qui a même farouchement combattu l’ascension de Syriza en 2014 et 2015. Longtemps la plus grosse chaîne privée du pays, Mega sait déjà qu’elle ne bénéficiera pas d’une fréquence : elle a été exclue en phase de présélection pour finances trop fragiles.
Suspendus aux résultats mardi 30 août au soir, les 2 600 employés des chaînes existantes attendent de savoir lesquels d’entre eux resteront sur le carreau. Le gouvernement a posé comme condition que chacune des quatre nouvelles antennes embauche au moins 400 techniciens et journalistes. Au final 1 600 personnes sont assurées d’avoir un emploi. « Cela devrait absorber la grande majorité des techniciens du marché mais rationaliser aussi le vivier de journalistes qui était disproportionné par rapport à la taille du pays », affirme t-on au gouvernement.