Emmanuel Macron, peu de soutiens politiques mais des relais économiques
Emmanuel Macron, peu de soutiens politiques mais des relais économiques
Nicolas Chapuis, chef du service politique du « Monde », a répondu aux questions des internautes au sujet de la démission d’Emmanuel Macron et de ses ambitions politiques.
Emmanuel Macron, lors de son élocution au ministère de l'économie et de la finance, à Bercy, le 30 août. | KAMIL ZIHNIOGLU POUR "LE MONDE"
Nicolas Chapuis, chef du service politique du Monde, a répondu aux questions des internautes au sujet de la démission d’Emmanuel Macron et de ses ambitions politiques.
« Je souhaite aujourd’hui entamer une nouvelle étape et construire un projet qui serve l’intérêt général », a déclaré Emmanuel Macron. Cela peut-il être interprété comme une déclaration de candidature ?
Emmanuel Macron a tout fait, ce mardi 30 août, pour éviter le sujet de sa candidature en 2017, tout en envoyant des signaux évidents. Il a clairement fixé comme horizon « l’année prochaine ». Déjà, en juillet, il avait assuré que le mouvement En marche ! était destiné à porter un « projet présidentiel ». Le suspense paraît faible. Il est peu probable qu’Emmanuel Macron se donne tout ce mal pour finalement renoncer.
Cela dit, le désormais ex-ministre de l’économie et des finances veut rester maître de son calendrier et surtout de sa communication. Avec l’annonce de sa démission, il s’offre une grosse visibilité. Il réserve certainement sa déclaration de candidature pour plus tard afin de garder des cartouches.
Le moment choisi pour cette annonce surprend un peu. Pourquoi maintenant, alors qu’il pouvait laisser se poursuivre la zizanie à droite ?
Emmanuel Macron envisageait déjà de partir en juillet. Les attentats qui ont frappé la France l’ont poussé à différer sa démission pour ne pas donner l’impression de quitter le navire au pire moment. En cette rentrée, il profite d’une toute petite respiration, juste après le week-end où la droite s’est déchirée, pour avoir sa propre fenêtre médiatique. La communication joue un grand rôle dans le timing de cette décision.
Quels sont aujourd’hui les soutiens – de politiques et de personnalités – d’Emmanuel Macron qui peuvent l’aider à mener campagne pour 2017, ou au moins à développer son mouvement ?
Politiquement, Emmanuel Macron dispose de peu de soutiens. On peut citer les députés Richard Ferrand et Arnaud Leroy ou le maire de Lyon, Gérard Collomb... Il faudra voir dans les semaines qui viennent combien d’élus le suivent dans sa démarche. La grande majorité des élus de gauche ne devrait pas le rejoindre.
En revanche, M. Macron bénéficie de nombreux relais dans les milieux économiques. Des réseaux tissés lorsqu’il était banquier d’affaires, puis à l’Elysée et, enfin, à Bercy.
L’ex-ministre de l’économie fait enfin le pari qu’il peut convertir le capital dont il dispose dans les enquêtes d’opinion en réelle assise politique. Son mouvement, En marche !, va être rapidement éprouvé. Est-ce une coquille vide ou les 60 000 adhérents revendiqués (chiffre dont on peut sérieusement douter) représentent-ils une véritable base ?
Peut-on raisonnablement penser à une candidature sachant la nécessité de se forger un réseau de soutien politique, organisationnel, et surtout financier en aussi peu de temps ?
Les obstacles sur la route d’Emmanuel Macron sont nombreux s’il veut se présenter : il doit trouver les cinq cents parrainages d’élu ; il doit trouver des sources de financement ; il doit se bâtir un réseau capable de porter la campagne... La liste n’est pas exhaustive. Ce n’est pas pour rien que les candidatures hors parti, venues de la société civile, ont toujours échoué à s’imposer dans les différentes présidentielles. Emmanuel Macron est-il capable de réussir là où tous les autres ont échoué ?
Connait-on son agenda des prochaines semaines ?
Il devrait présenter, d’ici à la fin du mois de septembre, la conclusion des séances de porte-à-porte réalisées par ses équipes. Pour le reste, l’agenda reste indexé sur le moment où il décidera de présenter ou non sa candidature à la présidentielle.
Participera-t-il aux primaires ? Compte-t-il rejoindre une autre organisation politique ?
Emmanuel Macron a clairement expliqué qu’il souhaitait se consacrer à En marche !, et ne devrait donc pas rejoindre une autre organisation. Quant à sa participation à la primaire de la gauche, elle paraît improbable. Il n’y aurait aucune cohérence politique à se prétendre « ni de droite ni de gauche » et à se présenter à une primaire de la gauche. Emmanuel Macron sait en outre que s’il a une base électorale, ce n’est peut-être pas celle qui va aller voter à une primaire de la gauche.
Pensez-vous qu’Emmanuel Macron puisse finalement être au service de François Hollande, en se présentant au premier tour ou en participant à la primaire citoyenne du Parti socialiste et en lançant les thèmes de campagne de François Hollande ?
C’est ce qu’ont longtemps voulu croire les soutiens de François Hollande, les plus optimistes. Emmanuel Macron serait en réalité un atout pour François Hollande, il serait chargé de rameuter un électorat qui ne croit plus en François Hollande et alimenter la campagne en idées. Mais, si tant est que François Hollande ait jamais eu le contrôle, la créature a échappé au maître depuis longtemps. Emmanuel Macron joue sa propre partition depuis qu’il est à Bercy. Sa décision de démissionner semble acter une nouvelle étape de son émancipation.
Dans l’hypothèse d’une candidature à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron aurait-il des chances de l’emporter ?
Impossible de répondre à une telle question. Emmanuel Macron a une forte cote de popularité. Mais beaucoup de personnalités très populaires dans l’opinion ont dégringolé dès qu’elles se sont lancées dans une campagne présidentielle.
Pour Emmanuel Macron, “le grand saut dans l’inconnu”
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