Football : le règne des Louis-Dreyfus à l’OM, vingt ans de désillusions
Football : le règne des Louis-Dreyfus à l’OM, vingt ans de désillusions
Par Maxime Goldbaum
Depuis l’arrivée du patron d’Adidas Robert Louis-Dreyfus en 1996, l’Olympique de Marseille n’aura remporté qu’un titre de champion et trois Coupes de la Ligue.
Robert Louis-Dreyfus aux côtés de Bernard Tapie, en avril 2001 au stade Vélodrome. | FRANCK FIFE / AFP
Robert Louis-Dreyfus voulait faire de l’Olympique de Marseille le « Bayern du Sud ». Aujourd’hui, le club se morfond dans les tréfonds du classement et le désamour entre cette institution du football français et ses supporters n’a jamais été aussi grand. Un fossé qui était devenu impossible à combler. Après des mois de folles rumeurs, l’OM va finalement être racheté par Frank McCourt, un entrepreneur américain, ancien président de la franchise de baseball des Dodgers de Los Angeles. Un rachat qui met fin à l’ère des Louis-Dreyfus à la tête du club. Vingt ans de désillusions, entrecoupées de très rares éclaircies, pour les supporters marseillais.
En vingt ans, l’OM a surtout vu ses deux principaux concurrents, Lyon et le PSG, garnir leurs vitrines de trophées, pendant que le club phocéen voyait son prestige s’étioler au fil du temps. En vingt ans, l’OM n’aura remporté qu’un titre de champion, en 2010, et trois Coupes de la Ligue (2010, 2011, 2012). Un bilan famélique pour le plus titré des clubs français. Un bilan indigne pour les supporters, qui appelaient de leurs vœux un changement de propriétaire.
« Presque vingt ans de perdus »
Leur souhait a été exaucé. Et le soulagement prédomine. Interrogé par le quotidien La Provence, Christian Cataldo, le président des Dodgers, l’un des groupes de supporters du club olympien, résume le sentiment de la grande majorité des fans olympiens.
« Le bilan des Louis-Dreyfus ? Il n’y a pas grand-chose à retenir. Un titre de champion en 2010… C’est bizarre on ne garde aucun souvenir marquant de ces vingt ans en comparaison avec les sept-huit ans de Tapie où on a une foule de matchs et d’émotions ! Au niveau du palmarès, c’est presque vingt ans perdus. On s’est fait rattraper par Paris et Lyon. Maintenant, il faut des titres. »
L’histoire avait pourtant bien commencé entre le club marseillais et son nouveau propriétaire, l’homme d’affaires franco-suisse Robert Louis-Dreyfus. C’est en 1996 que le patron d’Adidas, diplômé de Harvard, prend la tête du club phocéen, qui sort de trois années de galères sportives et judiciaires. Plombé par l’affaire de corruption « OM-VA » qui éclate dans le courant de l’année 1993, l’OM a été exclu de toutes les compétitions européennes par l’UEFA et rétrogradé en deuxième division française avant d’être placé en liquidation judiciaire.
Le club retrouve alors de nouvelles ambitions sous l’impulsion de son nouveau mécène. Car si l’arrivée de Robert Louis-Dreyfus à l’OM est d’abord une question de stratégie commerciale pour Adidas, l’homme d’affaires permet au club de se montrer de nouveau ambitieux, dans le recrutement puis sur le terrain. L’équipe, bâtie autour de joueurs d’expérience prestigieux (Laurent Blanc, Fabrizio Ravanelli) et de jeunes prometteurs, échoue en finale de la Ligue Europa face à Parme, en 1999. Quelques semaines après, l’OM voit s’envoler ses chances de redevenir champion de France lors de la dernière journée face à Bordeaux. Un tournant dans l’histoire du club version « RLD ».
Instabilité chronique
Hormis une courte éclaircie, symbolisée par Didier Drogba, qui a porté son équipe jusqu’en finale de la Ligue Europa en 2004, encore perdue, cette fois face à Valence, l’OM végète dans le championnat de France et frôle la relégation à plusieurs reprises. Pis, le club est également touché par des affaires judiciaires visant des hauts dirigeants. Robert Louis-Dreyfus, malade, mal conseillé, est ainsi condamné en 2006 pour « abus de biens sociaux ». L’épisode de la vraie-fausse vente du club à l’obscur Jack Kachkar en 2007 entame le peu de crédit qu’il restait encore au club.
Il faut attendre 2010 et l’arrivée de Didier Deschamps comme entraîneur pour voir le club phocéen remporter son premier titre depuis dix-sept ans. Sous sa houlette, l’OM gagnera aussi trois Coupes de la Ligue. Robert Louis-Dreyfus, morté en juillet 2009 – et dont l’épouse, Margarita, prendra la succession à la tête du club – n’aura ainsi jamais vu « son » OM remporter le championnat de France. Mais ces trophées sont plus à mettre au crédit du serial-winner qu’est Didier Deschamps qu’à une organisation pérenne digne des grands clubs européens.
L’OM aura en effet été marqué par une instabilité chronique durant le règne des Louis-Dreyfus. Le club aura consommé pas moins de 19 entraîneurs et, outre « RLD », six présidents se sont succédé aux commandes : un Suisse (Yves Marchand), trois Français (Christophe Bouchet, Jean-Claude Dassier et Vincent Labrune), un Franco-Sénégalais (Pape Diouf) et un Italien (Giovanni Ciccolunghi), proche de la famille, nommé il y a cinq semaines.
Tout n’est pas à jeter dans le bilan des Louis-Dreyfus, dont la famille conservera d’ailleurs 5 % de l’actionnariat du club. RLD a ainsi préservé le club marseillais de la faillite financière à plusieurs reprises en injectant des millions d’euros de ses propres fonds pour résorber les déficits. La famille Louis-Dreyfus a également permis à l’OM d’acquérir les terrains de la Commanderie, où s’entraînent actuellement les joueurs, le seul actif tangible du club aujourd’hui. La feuille de route du futur propriétaire de l’OM, Frank McCourt, est toutefois assez claire : il aura tout à rebâtir.