C’est un sigle imprononçable qui s’est progressivement imposé dans le paysage administratif du transport : l’Afitf, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, est chargée depuis 2004 de porter les investissements pluriannuels de l’Etat pour les nouvelles routes, autoroutes, voies fluviales et ferroviaires, et notamment les lignes à grande vitesse.

Et elle n’a pas très bonne presse auprès de la Cour des comptes. Dans un référé cinglant rendu public lundi 29 août, les magistrats financiers s’en prennent à un opérateur qu’il qualifie de « quasi coquille vide » et qui, selon eux, servirait seulement au ministère des transports à contourner le droit budgétaire.

L’Afitf, qui n’emploie que quatre personnes, est « gérée de facto » par le ministère des transports

Selon la Cour, l’Afitf, qui n’emploie que quatre personnes, est « gérée de facto » par le ministère des transports. Malgré son conseil d’administration, elle ne fait qu’appliquer ce que ce dernier lui demande. D’ailleurs, elle ne fait l’objet d’aucun cadrage stratégique ni de programmation de la part de ses tutelles technique et budgétaire, celles-ci lui refusant toute liberté pour se prononcer sur la pertinence des projets financés par l’établissement.

Bref, pour les magistrats financiers, son rôle est au mieux inutile. Au pire, elle ne permet qu’à l’Etat de « s’affranchir du droit budgétaire » :

« Les engagements financiers pris par l’Afitf ne font l’objet d’aucun plafonnement résultant de la loi de finances et sont autorisés ex nihilo par le conseil d’administration de l’établissement. »

Comptes dans le rouge

Dans les faits, l’Afitf autorise des projets, alors qu’elle ne sait pas comment elle les financera. Les autorisations de paiement excèdent de loin les crédits de paiement, essentiellement constitués de taxes (sur le gazole ou sur les concessions d’autoroutes) et des produits des amendes liés au radars.

Au 31 décembre 2015, les comptes de l’Afitf sont largement dans le rouge. La différence entre les autorisations de paiement et les crédits se montait à 11,86 milliards d’euros, tandis que l’Agence comptabilisait 746 millions d’euros de dette auprès de SNCF Réseau.

Selon la haute juridiction financière, l’avenir s’annonce sombre. Même en gelant les engagements déjà pris par l’Afitf, celle-ci sera en déficit d’environ 600 millions d’euros en 2019 sauf si l’Etat lui trouve de nouvelles sources de financement. Si le gouvernement décide de lancer de nouveaux projets, en particulier le tunnel ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, ce découvert pourra se creuser jusqu’à 4,7 milliards d’ici à la fin de la décennie.

La Cour des comptes demande en conclusion à l’Etat de « réduire considérablement les engagements nouveaux » dans les infrastructures de transport. Un message que ne semble pas vouloir entendre le premier ministre. Dans sa réponse, Manuel Valls défend mordicus la légitimité de l’Afitf. Le premier ministre assure que les prévisions de déficit de l’agence « méritent d’être fortement nuancées ». D’après lui, sur les 11,9 milliards restant à payer fin 2015, « plus de 6 milliards » concernent des projets réalisés en partenariat public-privé qui seront payés « sur des durées supérieures à huit ans ».