Bongo le Second : un braquage à la gabonaise
Bongo le Second : un braquage à la gabonaise
Par Hamidou Anne (chroniqueur Le Monde Afrique)
Notre chroniqueur pointe la contradiction d’un dauphin devenu président qui se piquait de modernité mais se montre prêt à tout pour conserver le pouvoir.
Au Gabon, l’élection présidentielle du 27 août, qui réunissait toutes les conditions pour précipiter le pays dans une nouvelle ère de consolidation démocratique, tourne malheureusement à la farce. Le pays confirme encore une fois que l’Afrique centrale est un îlot de désespoir imperméable aux vents de fraîcheur démocratique qui soufflent sur le continent.
En fin de compte, Ali Bongo, qui a « usurpé » pendant sept ans le label de la modernité face au passé qu’incarnait son père Omar Bongo Ondimba use de vieilles recettes qu’on pensait révolues pour rempiler. Lui et son camp nous ont servi une tricherie « vieille école » qui, à première vue, pourrait faire sourire s’ils n’étaient sérieux dans leur forfait. Les Gabonais ont purement et simplement subi un braquage.
Respect ou pitrerie
Le résultat du vote, proclamé quatre jours après l’unique tour de scrutin, constitue une ignominie. L’attribution des suffrages dans le Haut-Ogooué avec un taux de participation de 99,93 % est une pitrerie, une injure faite aux Gabonais, d’autant plus grave qu’Ali Bongo a juré de les servir devant la Constitution.
Présidentielle au Gabon : Ali Bongo tient l’opposition responsable de la crise
Durée : 01:58
Nos parents nous racontent souvent l’époque des votes sans isoloir, du bourrage des urnes et de toute la gamme d’outils de confiscation des suffrages en Afrique. Aujourd’hui, les choses bougent en majorité dans le bon sens. Il subsiste évidemment des dysfonctionnements dans les processus électoraux qui rendent imparfaits les scrutins. En outre, on sait tous que des fraudes existent de part et d’autre des différents camps à chaque compétition. Ce sont des impairs inhérents à une démocratie en construction. Mais, au Gabon, il s’agit clairement d’un détournement des suffrages sur un modèle « vintage ». C’est une triste comédie de boulevard.
Ni l’époque ni le contexte, encore moins la manière, ne se prêtent à ce type de pratiques d’un autre temps. L’Afrique a changé, nonobstant ses dirigeants qui refusent de considérer le continent avec des yeux du présent englués qu’ils sont dans un passé encombrant de mauvaises pratiques.
Ali Bongo, chantre de la modernité, apôtre des campagnes à l’américaine fait pourtant preuve d’une criante naïveté en pensant pouvoir faire avaler à son peuple une pilule aussi grossière.
Restaurer la dignité et l’honneur
La jeunesse et la société civile sont de plus en plus outillées pour faire face à ce type de déni des choix électoraux. Une grande partie de la jeunesse gabonaise est dans la rue et il est à parier qu’elle y restera malgré la répression et les morts enregistrés.
Dans cette crise, il faut tout de même noter le silence des chefs d’Etat africains et la réaction de l’Union africaine, Mme Dlamini-Zuma, qui déclare avoir… « pris note » du vaudeville de Libreville. Les Gabonais sont donc avertis.
N’ayant ainsi pas le choix, la jeunesse gabonaise ne compte que sur elle-même. Dans ce combat, elle ne donne pas sa vie pour Jean Ping qui, au fond, est un homme qui a biberonné au système clanique des Bongo, ni pour aucun autre homme politique. Elle se bat pour sa dignité et son honneur. Elle a raison, et à ce titre nous lui devons un soutien sans faille.
Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées.