Dans les méandres du trafic d’œuvres d’art
Dans les méandres du trafic d’œuvres d’art
Par Joël Morio
Un documentaire révèle les proportions insoupçonnées d’un marché clandestin mais lucratif (mardi 5 septembre à 20 h 55 sur Arte).
Trafic d'art - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31
Un documentaire révèle les proportions insoupçonnées d’un marché clandestin mais lucratif.
La destruction partielle de la cité de Palmyre par l’organisation Etat islamique (EI) aura peut-être eu comme contrecoup positif de faire prendre conscience à la communauté internationale des dangers d’un trafic largement ignoré, celui des œuvres d’art. L’organisation terroriste tirerait une partie de ses financements grâce au recel des objets antiques qu’elle ne saccage pas devant les caméras. Les revenus générés par cette activité sont modestes par rapport à ceux qui proviennent de la vente de pétrole. Cependant, la mobilisation est générale pour sensibiliser les différents acteurs (les collectionneurs, les maisons de ventes, les musées) sur l’origine d’une œuvre d’art.
Statue assyrienne du Musée de Bagdad, pillé en 2003. | Arte
Si le problème est bien plus vieux que l’émergence de l’EI, il a pris cependant des proportions insoupçonnées. Derrière les marchés de la drogue et des armes, celui, clandestin, des œuvres d’art est le troisième plus vaste du monde. Il s’élèverait, chaque année, à plusieurs milliards d’euros. Emmanuel Fansten et Tania Rakhmanova ont mené une enquête sur les nombreuses facettes méconnues de ce trafic. Elle nous conduit à Paris, Genève, Pékin, Berlin, Rome, en passant par la frontière turco-syrienne.
Le vol et le trafic d’antiquités ne concernent pas uniquement d’obscurs pilleurs ou des terroristes, mais aussi des collectionneurs renommés, des musées nationaux ou de simples particuliers ignorant la législation. Depuis 1970, une convention de l’Unesco oblige les Etats à restituer les objets pillés aux pays d’origine. Mais cette réglementation est sujette à interprétation. Pour certains, elle ne s’applique qu’aux faits commis après 1970, pour d’autres à tous les vols. Certaines institutions se sont lancées dans de vastes inventaires pour reconstituer le parcours des œuvres qu’elles exposent, car les pays n’hésitent plus à réclamer des pièces qui ont quitté leur sol depuis des dizaines, voire des centaines d’années.
Chinois patriotes
Les Chinois sont particulièrement attentifs à ce que les trésors nationaux retrouvent leurs terres d’origine. Et quand ce ne sont pas les autorités de Pékin qui sont à la manœuvre, des particuliers rachètent des œuvres afin de les restituer aux musées chinois. Certaines pièces mises en vente dans des officines ayant pignon sur rue ont, comme le révèle le documentaire, des parcours pour le moins douteux. Et pour cause, le marché privé des antiquités fonctionne selon ses propres règles, en dehors des législations internationales. Aussi, plutôt que de se lancer dans de longues procédures, de riches Chinois font preuve de patriotisme en écumant les salles de ventes pour récupérer des antiquités. De leur côté, les professionnels tentent de se protéger des fraudes, mais ferment les yeux sur certaines pratiques.
Ce documentaire sur les méandres du trafic des œuvres d’art ouvre une Thema consacrée aux nouveaux marchés noirs. Il sera suivi d’une enquête sur le parcours d’une statue en grès arrachée au temple millénaire de Koh Ker, au Cambodge, qui fut volée en 1972 avant de réapparaître chez Sotheby’s à New York. La soirée se terminera avec un documentaire tourné en Afrique et en Asie sur le commerce de l’ivoire qui, bien qu’interdit en 1989, demeure très lucratif.
Trafic d’art, le grand marchandage, de Tania Rakhmanova (France, 2016, 86 min). Le mardi 5 septembre à 20 h 55 sur Arte. Rediffusions le mercredi 14 à 9 h 20 et le jeudi 20 octobre à 9 h 25. Sur Arte+7 du 6 septembre au 13 septembre.