Michel Combes, PDG d’Altice, la maison mère de SFR, lundi 5 septembre, à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

Branle-bas de combat chez SFR. Mardi 6 septembre, une partie des salariés de l’opérateur télécoms français a prévu de faire grève. Des rassemblements ont été programmés devant le siège du groupe, en Seine-Saint-Denis, et dans des boutiques à Paris, Marseille, Lyon, Lens, Nantes, Rennes ou Nice. Motif de la protestation : l’annonce en juillet d’un plan de réduction des effectifs, qui prévoit en 2017 la suppression d’un tiers des effectifs du groupe, soit 5 000 des 15 000 postes de l’entreprise.

La perspective du mouvement n’a pas ému Michel Combes, le PDG d’Altice, maison mère de l’opérateur français. « La grève ne change rien à la détermination de la direction. La réorganisation du groupe est nécessaire et impérative », a lancé le dirigeant. Hasard du calendrier, le PDG s’exprimait lundi 5 septembre sur la stratégie du groupe, et commentait les raisons qui ont conduit Altice à proposer de reprendre les 22,5 % des titres de SFR qu’il ne possédait pas encore, dans une opération valorisée 2,4 milliards d’euros.

En attendant, M. Combes n’a pas forcément à s’inquiéter quant aux conséquences du mouvement social. Aussi massif soit-il, le plan a été signé le 4 août par les deux organisations syndicales majoritaires, l’UNSA et la CFDT, ce qui le rend applicable et non contestable. « Nous avons voulu sécuriser le fait qu’il n’y ait pas de licenciements secs », justifie Abdelkader Choukrane de l’UNSA. Du coup, seule la CGT, qui détient 15 % des voix, a appelé à la grève au côté de SUD, syndicat très minoritaire uniquement présent au sein du service client. La CFE-CGC, pourtant à l’origine du mouvement, a elle-même renoncé à la protestation sociale. « Nous n’appelons pas à la grève. Nous avons plutôt opté pour la voie judiciaire. La semaine dernière, nous avons assigné la direction devant le tribunal correctionnel, notamment pour délit d’entrave », justifie sa représentante Manuela Boisramé.

Les centres d’appels visés également

Reste que ce plan d’ampleur ne devrait pas aider – au moins à court terme – M. Combes à réaliser une partie du projet du groupe, qui consiste à faire d’Altice l’« Amazon de la relation client ». « Je ne prétendrais pas que nous soyons au niveau auquel nous devrions être », a-t-il admis, visant de façon à peine voilée SFR.

Outre les effectifs en interne, SFR réorganise également ses centres d’appels. L’opérateur, qui avait dénoncé les contrats de ses principaux sous-traitants, Arvato et Sitel, souhaite réinternaliser 50 % de la relation client. Michel Combes a également annoncé lundi la reprise d’Intelcia pour 50 millions d’euros. Cet opérateur de centres d’appels marocain travaille depuis 2007 avec Numericable, fusionné avec SFR. Son fondateur Karim Bernoussi est réputé proche de Patrick Drahi. Cette acquisition est censée permettre à Altice d’améliorer sa qualité de service.

En attendant, les milliers de salariés des centres d’appels (dont 3 000 en France) ont du souci à se faire. « Je ne comprends pas qu’il y ait 10 000 téléconseillers qui travaillent encore pour le groupe à l’heure du digital », a dit M. Combes.

Un autre défi attend l’ancien patron d’Alcatel. Il devra d’ici au mois d’octobre convaincre les actionnaires minoritaires de SFR d’échanger leurs actions contre des titres Altice, afin de permettre au groupe de Patrick Drahi de reprendre 100 % de l’opérateur français. « Les actionnaires de SFR pourront profiter du potentiel d’appréciation des actifs américains », a tenté de convaincre le PDG d’Altice. Altice a racheté aux Etats-Unis Suddenlink et le quatrième câblo-opérateur américain Cablevision. « Désormais, Altice est divisé en deux pôles, les Etats-Unis et la France générant chacun 40 % du cash du groupe. Avant, la France représentait les trois quarts », s’est félicité Michel Combes. A l’issue de l’échange de titres, le principal actionnaire d’Altice, Patrick Drahi, conservera la majorité des droits de vote.

L’échange de titres inégal

L’opération permettra à Altice d’utiliser plus facilement la trésorerie de SFR au sein du groupe. Elle évitera aussi de partager les dividendes exceptionnels. En 2015, SFR avait dû reverser 500 millions des 2,5 milliards d’euros de dividendes aux minoritaires.

Mais l’échange de titres proposé par Altice aux actionnaires de SFR semble plutôt favoriser les premiers au détriment des seconds. En effet, après une année difficile, la valorisation de SFR a fondu de 45 % en un an. « L’opération est opportuniste car la valeur d’Altice est légèrement supérieure à celle de SFR », corrobore Jean-Michel Salvador, analyste chez AlphaValue. Les actionnaires minoritaires pourraient donc être tentés de faire monter les enchères. Le groupe a besoin d’acquérir 95 % du capital de SFR pour retirer l’opérateur de la cote.

Officiellement, cette intégration de 100 % de SFR dans Altice doit achever la transformation du groupe. « Nous ne sommes plus une collection d’actifs mais un groupe industriel qui a fait des choix novateurs et audacieux », a assuré le PDG, rappelant que la stratégie d’Altice reposait à la fois sur les réseaux, les contenus (Altice avait racheté les droits de la Premier League anglaise) et les audiences. Seront créées deux nouvelles entités, « Altice Channels Factory », consacrée à la création de chaînes à la volée, et « Altice Studios », pour la création originale. « Nous souhaitons répliquer ailleurs le modèle français. Nous avons déjà lancé des chaînes au Portugal et nous sommes le premier créateur de séries en Israël », a lancé Michel Combes, sans s’aventurer toutefois à annoncer des budgets ou de nouveaux programmes.