Le financement des partis politiques depuis 1988
Le financement des partis politiques depuis 1988
Par Lucie Soullier
Dépouillement électoral. | REUTERS/STÉPHANE MAHÉ
Devant la justice, Jérôme Cahuzac prétend avoir placé de l’argent en Suisse au début des années 1990 pour financer le mouvement politique de Michel Rocard. Des allégations à ce stade sans preuves. « Tous les partis faisaient ça », a-t-il assuré lundi 5 septembre. Quoi qu’il en soit, M. Cahuzac fait référence à une époque où les régles encadrant le financement de la vie politique étaient balbutiantes.
Avant 1988 : ni règle ni statut
Avant 1988, les partis politiques étaient certes reconnus par la Constitution, mais ils ne disposaient d’aucun statut. Leur financement n’était codifié par aucun texte législatif.
Les dons des entreprises, s’apparentant à des abus de biens sociaux, étaient cependant illégaux. L’Etat ne leur apportant aucune aide publique, hormis pour l’impression des bulletins de vote et les affiches officielles de campagne, seules les contributions des militants étaient donc censées faire vivre les partis politiques.
Mais les scandales des années 1980 — comme la condamnation d’Henri Emmanuelli pour financement illégal du Parti socialiste par le bureau d’études Urba — incite l’Etat à intervenir dans leur financement. Est alors adoptée, en 1988, la loi « relative à la transparence financière de la vie politique ».
La loi du 11 mars 1988 : le financement public autorisé
Initiative de Jacques Chirac, alors premier ministre de François Mitterrand, la loi de 1988 offre un statut aux partis politiques, qui deviennent des personnes morales, et institue le principe d’un financement public. L’aide d’Etat est accordée aux formations présentes au Sénat et à l’Assemblée nationale, proportionnellement à leur nombre de parlementaires.
En période d’élections, l’Etat prend également en charge, outre les frais de campagne officielle, le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats.
Les dépenses électorales sont, quant à elles, plafonnées pour les candidats aux élections législatives et présidentielles. Ceux-ci ont désormais le droit d’obtenir des dons de particuliers et de personnes morales (entreprises, fondations, associations...) et l’obligation de déposer un compte de campagne.
La loi du 15 janvier 1990 : création d’une commission nationale
Le plafonnement des dépenses électorales est étendu à toutes les élections.
Les partis politiques non représentés au Parlement peuvent désormais bénéficier du financement public, proportionnellement au nombre de voix obtenues au premier tour au dernier renouvellement de l’Assemblée nationale et à condition qu’ils aient présenté des candidats dans au moins soixante-quinze circonscriptions.
Les financements privés sont quant à eux ouverts, mais plafonnés à 500 000 francs (76 224 euros) annuels par personne morale et 50 000 francs (7500 euros au 1er janvier 2002) annuels pour un particulier. Les casinos, cercles et maisons de jeux sont cependant bannis de la liste des donateurs autorisés.
Une Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est créée par cette « loi Rocard », alors premier ministre, pour veiller à la bonne application de ces nouvelles règles.
La loi du 29 janvier 1993 : plus de transparence
Les partis doivent publier la liste des personnes morales leur ayant fait un don, ainsi que le montant de celui-ci.
La loi du 19 janvier 1995 : les entreprises exclues
Tout lien financier entre personnes morales et acteurs de la vie politique est proscrit : entreprises, associations, fondations, syndicats et collectivités locales ne peuvent plus accorder d’aide aux partis, ni aux candidats.
Seuls les partis politiques sont autorisés à se faire des dons entre eux. Pour contourner ces restrictions, les créations de petits « partis satellites », qui peuvent donc reverser ce qu’ils touchent à un grand parti, se multiplient. De 28 en 1990, leur nombre est passé à 255 en 2004 selon la CNCCFP.
En contrepartie, la loi de 1995 augmente le remboursement des dépenses de campagne par l’Etat. Il peut désormais atteindre jusqu’à 50 % du plafond des dépenses, et instaure une politique d’incitation fiscale au financement de la vie politique pour les particuliers.
Loi du 6 juin 2000 : la parité
Les partis qui ne présentent pas le même nombre de candidats et de candidates aux élections législatives (à 2 % près) sont pénalisés financièrement depuis la première loi sur la parité promulguée en 2000. Il ne s’agit pas d’une somme à payer, mais d’une retenue sur le financement public des partis.
Loi du 11 avril 2003 : durcissement de l’octroi de l’aide publique
Les règles permettant aux partis de bénéficier d’un financement public sont durcies. Pour obtenir de l’argent public, ceux-ci doivent désormais obtenir 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions aux élections législatives. Il leur suffisait, depuis la loi de 1988, de présenter au moins cinquante candidats dans plus de trente départements de métropole.