En Staps, psycho et médecine, l’université de Lille a poussé les murs
En Staps, psycho et médecine, l’université de Lille a poussé les murs
Par Adrien de Tricornot
Reportage à l’université de Lille, où malgré une hausse des capacités d’accueil, un tirage au sort des étudiants n’a pas pu être évité dans la filière sportive.
Premier amphi pour les étudiants en Staps de l’université de Lille, lundi 12 septembre. | D.R.
Sous un chaud soleil, les Journées insertion vie étudiante (JIVÉ) de l’université de Lille en sont à leur bouquet final, lundi 12 septembre, avec la rentrée des étudiants de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Le programme fut chargé : après la projection du film « Demain » (de Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015) et le « troc » d’affaires entre étudiants, une « autoroute de vélos » se prépare pour se rendre au Festival de musique Mix’Cité.
Les amphis ne sont pas moins remplis. Le matin, pour les étudiants de Staps ayant choisi la « préparation kiné », ses 400 places sont occupées. Une deuxième salle permet à 150 autres étudiants de suivre simultanément, en visioconférence. L’exercice se répète l’après-midi avec les 550 étudiants de la voie Staps « classique ». Soit un total de 1 100 étudiants accueillis sur le campus de Ronchin, agréable et bien équipé (piscine, terrains de tous les sports – rugby, tennis, football… –, gymnases, etc.
« On ne peut pas sacrifier la sécurité et la qualité »
Même si elle a accepté un « surbooking » de 20 % face à l’afflux de demandes, l’université a dû sélectionner ses étudiants par tirage au sort. En filière Staps classique, seuls 384 bacheliers de l’académie ayant placé cette filière en premier vœu sur la plateforme APB ont été acceptés, une centaine d’autres refusés. Avec les redoublants, les admis d’avance – sportifs de haut niveau – et 14 étudiants en double cursus avec l’école de journalisme de Lille (ESJ), soit 550 au total.
« Nous sommes moins en tension que d’autres filières Staps, comme à Boulogne, ou dans d’autres régions, en particulier à Bordeaux. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour dissuader de s’inscrire celui qui est sûr de rater : en allant dans les lycées dès la seconde, lors du salon de L’Etudiant à Lille ou de nos journées portes ouvertes », commente Guillaume Penel, Doyen de la fac des sciences du sport. Face à l’afflux, le refus s’impose car « on ne peut pas mettre des étudiants dans le couloir et on ne peut pas sacrifier la sécurité et la qualité de la formation », prévient-il.
« On sait bien que cette fac est trop petite. Mais elle a été ponctionnée de 8 millions d’euros de trésorerie l’an dernier et elle déjà engagée dans la construction d’un nouvel IUT sur ses fonds, qui nous coûte 25 millions d’euros, ajoute Xavier Vandendriessche, président de l’université droit et santé de Lille. Agrandir, ça coûte cher, il faut des mètres carrés, des installations, des enseignants-chercheurs… »
« Ce serait mieux de prendre les plus motivés »
A la sortie des cours de physiologie, les étudiants ont chaud, mais affichent leur sérénité. « Quand on est bachelier S, on ne se sent pas perdu, c’est la même chose », expliquent trois copains originaires du même lycée dans une petite ville du Nord. Deux d’entre eux ont obtenu leur place au premier tour d’APB… le troisième lors de la procédure complémentaire, il y a seulement quelques jours, et se réjouit de cette bonne surprise qui le fait échapper à une école privée à laquelle il ne tenait pas vraiment.
Manon Journet et Adeline Delforge, bachelières S, ont, elles, eu moins de soucis à se faire : « On était dans un pôle espoir pour les sportifs de haut niveau, donc on avait une place garantie », expliquent ces deux passionnées de rugby féminin. La première veut devenir professeure de sport, la seconde, active au club de Villeneuve-d’Ascq, est intéressée par les métiers de préparateur-entraîneur en rugby. « On va passer du maternage du lycée et de la maison, à l’appartement qu’on a loué ensemble et à l’université. Mais le sport, le rugby c’est notre passion, tout va bien se passer », disent-elles.
Pour les aspirants kinésithérapeutes, la pression est plus forte. Il n’y aura, à l’issue de l’année, que 67 places pour les 550 étudiants de cette rentrée. Ce qui n’empêche pas Corentin Heller, qui triple sa L1, de croire à son rêve. Après sa double rupture des ligaments croisés du genou lorsqu’il jouait pour le club de Vermelles, « c’est un kiné qui m’a remis debout, explique le jeune homme à la taille imposante. J’ai aimé son travail et le relationnel avec les patients. Je connais plein de kinés de la région qui ont passé trois fois le concours et qui me disent de m’accrocher. Si je ne triplais pas, je me dirais toute ma vie que j’aurais dû ». Lui n’a pas choisi de prendre, comme d’autres étudiants, le chemin de la Belgique pour poursuivre en kiné. Ni de continuer la filière Staps classique.
Polo et short blancs, Corentin Debruyne, 18 ans, ne boude pas son plaisir de faire sa rentrée à Ronchin. « Après ma troisième, j’ai su que je voulais travailler dans le monde du sport, c’est un ami qui est en deuxième année qui m’a fait connaître cette formation », explique ce passionné de football depuis l’âge de 6 ans, membre de l’US Lesquin. Son projet : devenir préparateur sportif. Lui a été « tiré au sort » sur APB, mais un de ses camarades n’a pas eu cette chance. « Ce serait mieux de prendre ceux qui sont les plus motivés », regrette-t-il.
« En Staps, on accueille des sportifs, pas des supporters »
Au sein de l’université aussi, le tirage au sort est un mode de sélection très critiqué. Guillaume Penel préférerait admettre des candidats remplissant des critères – option EPS au bac, implication dans le mouvement sportif, bacs généraux. « Ici, on accueille des sportifs, pas des supporters, c’est une vraie culture, il faut être impliqué dans le milieu sportif, engagé et encadrants de jeunes », précise-t-il. D’autant que le contenu de la formation ne plaît pas toujours : « Il y a de l’anatomie, de la physique, de la biomécanique et des sciences humaines et sociales : psychologie, sociologie, sciences de l’éducation, ainsi que huit activités pratiques différentes et une neuvième à choisir en option. »
« Souvent, on a un bon noyau de 200 étudiants (sur 550) qui aiment vraiment les Staps. En général, ils ont déjà un projet professionnel et vont jusqu’au master sans difficulté, confirme Brigitte Mainguet, enseignante. Beaucoup d’autres sont déçus ou décrochent. Nous mettons pas mal de moyens, avec des passerelles, pour essayer de le réorienter en cours d’année, mais c’est difficile pour eux de changer. »
« Il y a un numérotage, chacun est sûr d’avoir sa place d’amphi »
En cette année où les bacheliers étaient plus nombreux, l’université a accepté d’augmenter ses effectifs de 5 %, et a pu éviter les tirages au sort ailleurs qu’en Staps. En médecine, filière également « en tension », neuf amphis sont mobilisés pour chaque promotion, avec deux sessions du même cours dans la journée ! Ilona Lemaître, vice-présidente étudiant de l’université, qui débute sa quatrième année de médecine, y a toujours connu des amphis en visioconférences : « Il y a un numérotage des places, chacun est sûr d’avoir sa place attribuée chaque semaine, et les enseignants changent d’amphi à chaque fois pour que les étudiants les voient chacun leur tour ».
En psychologie, autre licence très demandée, l’université a finalement choisi d’accepter les 1 300 bacheliers de l’académie qui l’avaient choisie en premier vœu, alors qu’une « capacité d’accueil » de 1 100 places, incluant les redoublants et les étudiants en réorientation, avait été votée. Les étudiants seront donc plus nombreux que les 1 050 de l’an dernier. « On peut et on sait gérer cette situation, puisque avant de fixer des capacités d’accueil, nous en avions 1 500, explique Sabine de Bosscher, directrice de l’UFR psychologie. Tous les cours d’amphis sont déjà assurés quatre fois. Les TD seront plus nombreux, avec des groupes de 40 à 45 étudiants, on l’a déjà fait, même si bien sûr nous préférerions enseigner dans d’autres conditions… »