Les vaccins sont-ils vraiment dangereux pour la santé ?
Les vaccins sont-ils vraiment dangereux pour la santé ?
Par Gary Dagorn
Les Français méfiants envers les vaccins ? Oui, si l’on en croit un sondage indiquant que 41 % d’entre eux n’ont pas confiance. Une méfiance qui peut s’expliquer par les nombreuses idées reçues à propos des vaccins.
Les Français méfiants envers les vaccins ? Oui, si l’on en croit un sondage indiquant que 41 % des sondés français n’ont pas confiance. Une méfiance qui s’explique par les nombreuses idées reçues à propos des vaccins. | HANDOUT / REUTERS
Près de quatre sondés français sur dix pensent que les vaccins ne sont pas sûrs. Les résultats de ce sondage commandé par la London School of Hygiene & Tropical Medicine peuvent surprendre mais, à bien regarder les ventes en baisse des vaccins dans l’Hexagone depuis plusieurs années, il y avait là quelque chose de prévisible.
Les controverses médicales et les peurs entourant certains vaccins, voire la vaccination elle-même, expliquent en partie le rejet et la remise en question partielle que l’on observe en France et dans d’autres pays. En la matière, les préjugés et idées reçues ont la vie dure ; nous en avons examiné plusieurs.
Idée reçue n°1 : « Les vaccins ne sont pas sûrs »
FAUX
Quarante et un pour cent des Français sondés par les chercheurs du Vaccine Confidence Project le pensent. Et pourtant, les conclusions des scientifiques sont tout à fait contraires à cette croyance. Les nombreuses études scientifiques publiées à ce sujet confirment depuis longtemps l’innocuité des vaccins.
Comme tout traitement médical, certains vaccins peuvent engendrer quelques effets secondaires localisés et de courte durée à une incidence non nulle, mais toutefois faible. Des effets secondaires graves sont théoriquement possibles, mais ils restent extrêmement rares.
Les effets non désirés les plus courants sont les réactions allergiques. Par exemple, le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) peut provoquer des chocs anaphylactiques (c’est-à-dire de fortes réactions allergiques) en de très rares occasions (incidence de 3,5 à 10 cas sur un million de doses injectées, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit un taux de 0,0000035 % à 0,00001 %).
Les risques de réagir négativement ne sont pas inexistants, mais ils sont très limités. En comparaison, le risque qu’un enfant non vacciné contracte une maladie provoquée par l’agent infectieux pour lequel il n’a pas été vacciné est très largement supérieur au risque de ressentir des effets secondaires.
Idée reçue n°2 : « Les vaccins peuvent causer l’autisme »
FAUX
Il n’y a aucune relation entre les troubles autistiques et les vaccins. Bien que nous n’ayons, à l’heure actuelle, pas cerné l’ensemble des facteurs qui favorisent les troubles autistiques, ceux-ci n’ont absolument rien à voir avec les vaccins, comme l’ont prouvé au moins cinq études scientifiques indépendantes depuis 1998. Cette année-là, une étude du docteur britannique Andrew Wakefield publiée dans la revue The Lancet tentait de démontrer une relation de cause à effet entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéoles (ROR) et l’autisme. L’article de Wakefield contient pourtant des erreurs d’analyse et de méthodologie grossières et la communauté scientifique ne tardera pas à émettre de nombreuses critiques sur les travaux du chirurgien britannique.
Les pairs de Wakefield pointent, à raison, que les conclusions de l’étude ne s’appuient sur aucune statistique et sur un échantillon exceptionnellement petit (12 sujets), que l’étude n’a utilisé aucun groupe de contrôle et que le protocole établi reposait en partie sur des témoignages faisant appel à la mémoire des sujets, mémoire dont on connaît très bien le fonctionnement et dont les biais et la faillibilité sont abondamment documentés.
Les résultats de l’étude n’ont jamais pu être reproduits par d’autres scientifiques, ce qui est une condition sine qua non pour valider des résultats. Des études successives publiées de 1999 à 2012 portant sur un nombre grandissant d’enfants n’ont jamais pu établir un quelconque lien de causalité entre le vaccin ROR et des troubles autistiques. En 2004, The Lancet publie un communiqué réfutant totalement les conclusions de l’étude de Wakefield, et qualifiant le geste de son équipe de fraude scientifique : « Ils ont délibérément sélectionné les données qui confirmaient leur hypothèse et ont falsifié les faits. » Il a été révélé en 2007 que Wakefield a été payé (plus de 400 000 livres, soit l’équivalent de près de 600 000 euros à l’époque) par un avocat britannique souhaitant poursuivre le laboratoire produisant le vaccin. L’étude a été rétractée par la revue en 2010.
La fraude a eu beau être révélée et les conclusions strictement invalidées, l’exposition médiatique dont ont bénéficié ces conclusions, certes mensongères mais choc, a durablement implanté l’idée dans une partie de l’opinion occidentale que les vaccins présentent des dangers pour les enfants. Aux Etats-Unis par exemple, on estime aujourd’hui qu’un parent sur quatre croit encore que les vaccins peuvent provoquer des troubles autistiques.
Idée reçue n°3 : « Les bébés et prématurés sont trop fragiles pour recevoir des vaccins »
FAUX
Si légitimes soient les inquiétudes des parents pour la santé de leur nouveau-né, celles-ci ne résistent pas à l’étude des faits. Le calendrier vaccinal établi chaque année par le ministère de la santé prévoit de nombreuses vaccinations dès la première année de vie, car de nombreuses affections peuvent toucher un petit enfant. Ces vaccinations permettent aussi de stimuler le jeune système immunitaire.
Les études comparant le calendrier vaccinal classique à un calendrier décalé dans le temps ne concluent ni à un bénéfice pour la santé de l’enfant ni à une meilleure efficacité du vaccin inoculé plus tardivement.
Idée reçue n°4 : « Les vaccins ne sont pas efficaces »
FAUX
Les campagnes de vaccination à travers le monde ont prouvé leur grande efficacité en réduisant grandement l’incidence de nombreuses maladies infectieuses. L’OMS estime que la vaccination évite entre deux et trois millions de morts chaque année, en luttant principalement contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la rougeole. De nombreuses maladies ont vu leur incidence chuter après la mise au point de leurs vaccins. C’est le cas de la variole, qu’une grande campagne mondiale a pu éradiquer totalement en 1980. Cette maladie extrêmement contagieuse a tué environ 300 millions de personnes rien qu’au XXe siècle. Toujours au niveau mondial, l’OMS a enregistré une baisse de 99 % des cas de poliomyélite entre 1988 et 2003 et une baisse de 40 % des cas de rougeole entre 1999 et 2003.
Aux Etats-Unis, une étude publiée en 2013 faisait un bilan chiffré de l’incidence de 54 maladies contagieuses de 1888 à 2013. Toutes les maladies dont on a trouvé un vaccin ont connu une baisse impressionnante du nombre annuel de cas.
En France, l’incidence des oreillons est passée de 859 à 9 cas pour 100 000 habitants entre 1986 et 2013. Mais l’existence de vaccins ne garantit pas à elle seule le recul d’une maladie. La couverture vaccinale doit être constante et maximale afin de faire durablement reculer la propagation des agents infectieux.
A ce niveau-là, un manque de vigilance ou une méfiance de la part de la population entraînent un manque de suivi des recommandations vaccinales et ont des répercutions immédiates. C’est ainsi que la France et l’Allemagne ont connu uneépidémie de rougeole entre 2010 et 2012. De 1 176 cas de rougeole en 2009, la France a connu 14 949 cas en 2011.
Au Japon, la couverture vaccinale des enfants contre la coqueluche est passée de 80 % à 10 % entre 1974 et 1979. Alors qu’on ne comptait que 393 cas de coqueluche dans tout le pays sans un seul décès en 1974, le nombre de cas a rapidement augmenté pour atteindre plus de 13 000 cas cinq ans plus tard. Cette année-là, on dénombra 41 décès liés à cette maladie.
Idée reçue n°5 : « L’aluminium contenu dans les vaccins peut être dangereux pour la santé »
PLUTÔT FAUX
L’aluminium est utilisé comme un adjuvant dans tous les vaccins commercialisés en France. Son rôle est de stimuler ou d’amplifier la réponse immunitaire de l’organisme afin que celui-ci produise les anticorps combattant la souche infectieuse contenue dans le vaccin. L’adjuvant améliore grandement l’efficacité des vaccins, surtout lorsque ceux-ci sont dits « inactivés », c’est-à-dire ceux qui contiennent des agents infectieux morts. Mais l’utilisation exclusive de l’aluminium comme adjuvant depuis 2008 est régulièrement critiquée. Michèle Rivasi, candidate à la primaire EELV, milite contre l’aluminium dans les vaccins, mettant en avant des effets néfastes pour la santé constatés à plusieurs reprises chez des patients ayant reçu des vaccins contenant de l’aluminium.
D’après nos connaissances actuelles et les études menées sur le sujet, aucun lien de causalité n’a été établi entre la présence d’aluminium dans les vaccins et des troubles de la santé. Il est reconnu que la présence d’aluminium dans les muscles peut provoquer des lésions musculaires connues sous le nom de myofasciites à macrophages. Ces lésions sont surtout observées en France, où l’on a dénombré en 2012 environ 1 000 cas.
Si l’existence de ces lésions est avérée, il n’en est rien de ses symptômes supposés. Les myofasciites à macrophages sont en effet souvent associés à trois symptômes majeurs : des myalgies (douleurs musculaires), une fatigue chronique qui peut être invalidante ainsi que des troubles de l’attention et de la mémoire. Céphalées et troubles du sommeil font aussi partie des symptômes rapportés. Plusieurs associations, dontl’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M), se battent pour faire reconnaître ces lésions comme une maladie. Mais les différents rapports scientifiques publiés jusqu’à présent ont tous conclu à l’absence de lien entre ces symptômes et les myofasciites à macrophages.
Dans un rapport datant de 2004, l’Afssaps (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) concluait qu’en l’état des connaissances scientifiques il n’était pas possible d’imputer de symptôme clinique à la myofasciite à macrophages. Le rapport du HCSP (Haut-Conseil de la santé publique), publié en 2013et synthétisant l’état des connaissances scientifiques, a confirmé depuis qu’il n’existe aucune preuve tangible que ces lésions musculaires soient la cause des symptômes constatés.
De manière générale, les sels d’aluminium, largement utilisés dans les vaccins depuis les années 1920 (il s’agit précisément d’hydroxyde d’aluminium ou de phosphates d’aluminium) sont jugés efficaces et sont très bien tolérés par l’organisme. Le HCSP précise également que les adjuvants à base d’aluminium présentent des « limitations » dans certains vaccins (typhoïde, influenza) et ne sont pas efficaces contre tous les pathogènes (mycobactéries). En conséquence de quoi, il conclut qu’« il y a donc un besoin de développer de nouveaux adjuvants ».