Sommet à l’ONU sur la crise migratoire : « Il faut des décisions contraignantes »
Sommet à l’ONU sur la crise migratoire : « Il faut des décisions contraignantes »
Propos recueillis par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
La présidente de Médecins du monde, Françoise Sivignon, revient pour « Le Monde » sur les espoirs déçus du sommet qui s’ouvre lundi à l’ONU sur la question des réfugiés.
Des gendarmes sécurisent le quartier de Stalingrad, à Paris, avant l’évacuation d’un camp de migrants, le 16 septembre 2016. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
En prélude de l’Assemblée générale annuelle de l’Organisation des Nations unies (ONU), les 193 pays de l’institution doivent adopter lundi 19 septembre à New York une série d’engagements pour répondre à la plus grave crise migratoire depuis la seconde guerre mondiale. Certaines organisations non gouvernementales (ONG) dénoncent une occasion manquée.
Pour Françoise Sivignon, la présidente de Médecins du monde, les déclarations d’intention ne suffisent pas. L’ONG, à l’origine de la campagne « Migrer n’est pas un délit », est présente dans 44 pays par l’intermédiaire de 73 programmes d’aides aux plus vulnérables.
Vous travaillez sur le terrain auprès des réfugiés. Aujourd’hui se tient une grande réunion sur les questions migratoires à l’ONU. Un tel sommet peut-il réellement faire bouger les lignes ?
C’est la première journée qui est dédiée aux migrants et aux réfugiés depuis que l’ONU existe, donc on peut considérer cela, malgré tout, comme un premier pas qui doit être teinté d’espoir. Surtout quand on voit ce qui se passe sur le terrain, dans les îles grecques de Lesbos et de Chios, ou à Calais. Nous avons vraiment besoin d’une forte volonté politique pour répondre à ce drame humain en Europe et ailleurs.
La présidente de Médecins du monde, Françoise Sivignon, le 24 juillet 2014. | BERTRAND GUAY / AFP
Est-ce que cette volonté politique existe ? Le texte qui va être adopté est un texte de compromis, non contraignant…
Nous avons lu le texte de la déclaration politique, qui est en recul par rapport au texte initial, donc c’est une déception. Notamment en ce qui concerne le pacte mondial sur les réfugiés, qui proposait aux pays d’accueillir 10 % du total des réfugiés chaque année. Ce chiffre et cette volonté ont disparu. L’autre déception concerne le manque d’évolution des lois internationales et des conventions.
On parle de la Convention internationale des droits de l’enfant et du droit des réfugiés qui auraient pu, à l’occasion d’une journée comme celle-là, évoluer. Parce que, clairement, la migration et les mouvements de population ne sont pas ceux de 1951 de la Convention de Genève. Il y a donc une étape qui n’est pas encore franchie. Nous sommes toujours dans l’espoir que le cadre d’action qui sera voté, certes non contraignant, évolue dans les deux ans qui viennent. On espère beaucoup, mais ce n’est rien en comparaison des personnes migrantes et réfugiées qui ont un espoir encore plus fort que les décideurs prennent enfin en compte leur souffrance, leurs difficultés de vie et surtout leur fort besoin de survie.
Cinquante pour cent des réfugiés et déplacés (qui représentent 65 millions de personnes dans le monde) sont des femmes et des enfants. Leurs droits (santé, éducation, etc.) ont-ils été suffisamment pris en compte ?
Nous sommes dans des déclarations d’intention d’un meilleur accueil, protection et assistance des femmes et des enfants. Cependant, pour une partie d’entre eux, les migrants qui n’ont pas accès au droit d’asile, nous sommes passés du terme de « protection » au terme d’« assistance ». Ce n’est pas suffisant.
On ne peut pas assister une femme. Certaines migrent dans des conditions difficiles, seules parfois, et elles sont extrêmement vulnérables, exposées à la violence. On constate sur le terrain que les principales pathologies concernent des troubles psychologiques importants et graves chez ces femmes. On sait également que ne pas traiter, ne pas répondre à ces troubles psychologiques graves, c’est empêcher le processus d’intégration. Donc ça compromet leur avenir, quel que soit le pays d’accueil.
Qu’auriez-vous souhaité voir figurer dans ce texte ?
Il aurait fallu faire plus. Il aurait surtout fallu engager les Etats sur des décisions contraignantes. Nous n’y sommes pas. Mais nous allons essayer de rester un peu optimistes et dire qu’il reste deux ans malgré tout pour que les Etats membres réalisent l’ampleur de ce qu’il se passe et considèrent la migration sous un angle non pas gestionnaire mais humain.
La migration n’est pas une option. Elle a toujours été là. Elle est circulaire, elle est pendulaire. Elle peut être qualifiée de multiples façons, mais elle fera partie de ce monde de demain qui bouge et qui se globalise. C’est la réalité. On ne peut pas la balayer par un texte non contraignant.