Affaire Barroso : le malaise perdure à la Commission
Affaire Barroso : le malaise perdure à la Commission
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Une pétition (« Not in our name » ) lancée par six fonctionnaires et contractuels des institutions de l’Union a dépassé les 140 000 signataires.
L’ancien président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso le 30 août. | THIERRY CHARLIER / AFP
L’« affaire Barroso » ne passe décidément pas à la Commission européenne. Le président de l’institution, Jean-Claude Juncker, a accepté tardivement – le 11 septembre – que le pantouflage de son prédécesseur chez Goldman Sachs, annoncé en juillet, soit soumis à l’examen du comité d’éthique interne. Mais le personnel reste sous le choc.
Les syndicats locaux continuent de donner de la voix. Renouveau et Démocratie, principale centrale de fonctionnaires européens, a adressé une lettre virulente à M. Juncker, le 14 septembre. Elle s’y plaint que le président de la Commission ait mis si longtemps à réagir : « Pendant des semaines, nous avons eu la triste impression que la Commission (…) espérait que la pause estivale aurait raison du scandale politico-médiatique. » Et d’ajouter : « Cela nous paraît inconcevable qu’un ex-président de la Commission, après la fin de son mandat, puisse devenir, agir et être traité comme un simple lobbyiste. »
« Le personnel est très choqué »
Très prompt également à dénoncer le cas Barroso, un autre syndicat de fonctionnaires, U4U, a multiplié les prises de parole ces derniers jours. « Le personnel réagit mal, y compris les anciens qui se souviennent de la Commission Delors. Ils sont encore idéalistes, ils conçoivent un peu leur travail comme une mission au service de l’intérêt européen, ils sont donc très choqués », explique George Vlandas, président du syndicat.
Mais la démonstration la plus flagrante et la plus inhabituelle du malaise interne, c’est cette pétition (« Not in our name » ) lancée par six fonctionnaires et contractuels des institutions de l’Union, deux jours après la révélation de l’affaire Barroso. Hebergée sur Change.org, elle a dépassé les 140 000 signataires. Le Monde a rencontré l’un de ses initiateurs, en poste à l’Easme, l’agence européenne de soutien aux PME, une émanation de la Commission. Comme ses collègues, il tient à garder l’anonymat et s’inquiète un peu pour sa carrière. « Notre contrat de travail stipule que nous devons rester discrets et neutres », précise-t-il.
« Défendre la Commission »
Il explique qu’ils ont décidé de passer à l’acte « spontanément ». « Nous étions encore sous le choc du référendum britannique. Et voilà qu’un ex-président de la Commission allait aider une banque à gérer le Brexit, travailler contre les intérêts de l’Union ? On allait partir en vacances et on redoutait déjà les remarques de nos familles respectives, le “Bruxelles bashing”, etc. », confie le quadragénaire. Combien de fonctionnaires ont signé leur pétition ? « Des milliers », assure-t-il, même s’il est impossible de vérifier, les signatures n’étant pas visibles sur le site Change.org.
Les pétitionnaires souhaitent obtenir une date précise pour l’examen du cas Barroso par le comité d’éthique, un compte rendu public de cet examen et mettent en doute la totale indépendance de cet organe maison. Pour maintenir la pression médiatique, ils comptent remettre un courrier à M. Juncker, à Donald Tusk, le président du Conseil européen, et à Martin Schulz, celui du Parlement de Strasbourg. Ils ne savent pas encore trop de quelle manière, certainement pas en manifestant place Schuman, sous les fenêtres de la Commission, devoir de réserve oblige.
« On utilisera le relais des syndicats, peut-être les associations de retraités », nous explique le fonctionnaire de l’Easme, qui rêve déjà d’actions à plus long terme : « On a besoin de défendre la Commission, son image est si négative, c’est de plus en plus lourd à porter. »