Ainsi va la vie !
Ainsi va la vie !
Par Véronique Cauhapé
Avec précision et légèreté, Anne Giafferi met en scène trois sœurs confrontées à la maladie d’Alzheimer de leur mère (mercredi 21 septembre à 20 h 55 sur France 2).
LA VIE A L'ENVERS : Bande-annonce
Durée : 00:48
Avec précision et légèreté, Anne Giafferi met en scène trois sœurs confrontées à la maladie d’Alzheimer de leur mère.
Suffisamment espacés les uns des autres pour tromper leur monde, les premiers symptômes interrogent plus qu’ils n’inquiètent. Quand leur mère, Nina (Marthe Keller), 68 ans, commence à montrer quelques signes de décrochage avec la réalité, ses trois filles, Odile (Pascale Arbillot), Claire (Isabelle Carré) et Julie (Barbara Schulz), n’échappent pas à ce schéma. Pas de quoi en faire un drame si Nina se retrouve perdue sur une plage d’Etretat, endroit qu’elle fréquente pourtant depuis des dizaines d’années. Pas de quoi s’alarmer non plus de ces quelques phrases déconnectées qu’elle se met à sortir dans les conversations.
Nina (Marthe Keller, au centre), entourée de ses filles, Julie (Barbara Schulz), Odile (Pascale Arbillot) et Claire (Isabelle Carré). | GILLES SCARELLA /FTV
Mais alors, à quel moment les choses vont-elles devenir sérieuses ? Les soucis réels ? La gravité du pronostic imminent ? Eh bien, paradoxalement, au moment où les dérapages de Nina deviennent hilarants. Quand elle offre 30 000 euros au Front de gauche de Mélenchon, qu’elle se met à vanter auprès de tous les voisins de son immeuble les plaisirs de la fellation, qu’elle remplit ses placards de boîtes de sardines à l’huile… autant d’informations que les trois sœurs découvrent en même temps que nous au fil des semaines, provoquant chez elles des mines déconfites et chez le téléspectateur de bons éclats de rire.
Des informations qui finissent par mener à l’évidence – Nina est atteinte de la maladie d’Alzheimer – sans pour autant changer le ton du film, ni cet équilibre tragi-comique mis en place dès le début par sa réalisatrice et scénariste Anne Giafferi.
Petit théâtre névrotique
Auteure notamment du téléfilm Des frères et des sœurs (2014) et du film Ange et Gabrielle (2015), Anne Giafferi a également créé avec Thierry Bizot la série « Fais pas ci, fais pas ça » diffusée depuis 2007 sur France 2. C’est dire si elle sait rendre compte de la vie de famille, raconter et mettre en scène ce petit théâtre névrotique où s’expriment tous les excès, des plus nobles aux plus minables.
Dans La Vie à l’envers (récompensé du Prix du meilleur scénario au Festival de la fiction TV de La Rochelle en 2014), elle ne se départ pas de ce savoir-faire. De cette plume et de cette caméra qui ne s’attardent pas, qui ne cherchent ni à démontrer ni à tenir un quelconque discours. Alzheimer n’est pas son propos.
Ce qui importe à Anne Giafferi, en revanche, c’est de saisir ce que cette maladie entraîne au quotidien dans la vie de ces trois sœurs et de leur mère, les défenses que chacune met en place pour faire face, les moments de franche rigolade et les remises en question qu’elle provoque.
Balancier entre drame et humour
Le film tout entier, et jusqu’à sa (presque) fin, repose sur cet effet de balancier qui jamais ne bascule d’un côté (le drame qui recadre la vie de chacune) ou de l’autre (l’humour qui sauve du chagrin). Parce que, au fond, ainsi va la vie.
Et ainsi va l’univers d’Anne Giafferi, habité ici par un quatuor d’actrices délicates, légères et émouvantes ; capables de dessiner en quelques traits le caractère de leur personnage et de le nuancer ensuite par touches successives : regard brouillé par des larmes retenues, bouche qui tremble, phrases qui fusent sans éclats… Il faut du tact pour jouer cette palette de petits riens qui font barrage aux stéréotypes. Toutes en possèdent. La réalisatrice comprise.
La Vie à l’envers, d’Anne Giafferi. Avec Marthe Keller, Pascale Arbillot, Isabelle Carré, Barbara Schulz, Guillaume de Tonquédec (Fr., 2014, 90 min). Suivi d’un débat, à 22 h 25, présenté par Julian Bugier : « Alzheimer : le combat des familles » et, à 1 h 05, d’« Histoires courtes » : L’Age de déraison, de Christophe Louis. Avec Nicolas Cazé, Dominique Besnehard, Ludmila Mikaël (20 min). Sur France 2.