Le MoDem veut faire du Brexit une opportunité pour l’UE
Le MoDem veut faire du Brexit une opportunité pour l’UE
Par Matthieu Goar
Lors de son université de rentrée à Guidel (Morbihan), le parti de François Bayrou s’est penché sur les solutions pour sortir l’Union européenne de sa crise morale.
François Bayrou Université d'été Modem Guidel France 24 septembre 2016 | Thierry Pasquet / Signatures pour Le Monde
Comment soigner l’Europe ? Samedi 24 septembre, le MoDem a réfléchi à cette question lors de la seconde journée de son université de rentrée à Guidel (Morbihan) pendant plusieurs discours et d’une table-ronde, « L’Europe à refonder », avec des invités extérieurs au parti. Entre la montée des populismes, la crise des migrants, la difficulté de la relance économique et la défiance politique (43,09 % de participation au niveau du continent lors des élections européennes de 2014), les difficultés sont multiples pour l’Union européenne (UE) qui vient de perdre un de ses membres avec le Brexit.
Et si le vote des Britanniques était finalement une opportunité pour relancer l’UE ? « Mes compatriotes, fidèles à leur réputation de perversité, vont vous aider car quand les Européens vont voir ce que le Brexit va donner, cela va vous permettre de faire avancer les choses », a estimé Alex Taylor, journaliste anglais qui définit le Royaume comme un pays « échoué ». Lui vient de déposer son dossier pour devenir Français : « Le Brexit m’a obligé à choisir mon camp. » « Il faut attendre des crises pour que les hommes politiques bougent. (…) Il faut que l’on soit devant le gouffre pour faire avancer l’Union européenne. Nous avons une opportunité, c’est le Brexit », a approuvé le fédéraliste Guy Verhofstadt, président du groupe Alliance des libéraux et des démocrates européens au Parlement européen.
L’agitation électorale sur fond d’euroscepticisme
Sauf que les trois mois qui se sont écoulés depuis ce vote n’ont pas vraiment démontré cette volonté de réforme. « Les chefs d’État et de gouvernement ne se parlent tellement plus qu’ils sont incapables de converger tout seuls », a déclaré Guillaume Klossa, président et fondateur du think tank EuropaNova qui appelle à une mobilisation des politiques, des citoyens et des journalistes : « Qu’ils fassent tous leur coming out car si l’on entend seulement 10, 15 voix sur les quinze à vingt millions de Français qui sont en faveur de l’Union européenne, il y a un problème. »
L’approche des échéances électorales ne favorise pas les discours europhiles noyés dans le bruit de l’europhobie. En Allemagne, l’AfD, parti anti-euro et xénophobe, a devancé la CDU d’Angela Merkel lors des élections régionales dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, le 4 septembre. En France, certains candidats à la primaire de la droite promettent beaucoup de rénover l’UE pour mieux la critiquer. Bruno Le Maire veut organiser un référendum sur un nouveau traité. Nicolas Sarkozy veut réécrire les traités en évoquant un possible référendum. Lors de ses meetings, l’ancien président de la République passe beaucoup de temps à critiquer la « technocratie européenne », l’excès de normes, les « frontières passoires » et prône le rétablissement des contrôles aux frontières tant que de nouveaux accords de Schengen ne sont pas signés. Une stratégie électorale qui n’a pas échappé à Guy Verhofstadt : « Il y a quelques années, j’avais demandé devant le Parlement européen : “Qui dirige l’extrême-droite en France, Marine Le Pen ou Nicolas Sarkozy ?” On était venu me voir pour me dire que j’exagérais. Quand je vois les dernières semaines, je n’exagérais pas. Ce n’est pas comme ça que l’on va regagner les cœurs. »
L’attente des élections en Allemagne et en France
Face à cette agitation électorale, comment mobiliser les opinions publiques ? Le fédéraliste belge, ancien candidat pour présider la Commission européenne, milite, lui, pour des listes transnationales lors des prochaines élections européennes en 2019 et une politique de relance plus efficace avec une recapitalisation du secteur financier. Selon lui, les États-Unis ont réinvesti 1 300 milliards d’euros dans leur économie depuis la crise de 2008 et ont récupéré tout l’argent prêté aux banques. « Voilà les capacités d’un continent unifié », a-t-il lancé en appelant à revenir aux « thèses des pères fondateurs » pour faire de l’UE une fédération et non « une confédération d’Etats-nations », selon ses termes.
« Le seul moyen est d’arriver à montrer que l’unité des Européens peut nous faire faire des pas de géant sur quelques dossiers. (…) Prouvons son intérêt avant de rouvrir le débat théologique entre l’Europe des Etats-nations, le fédéralisme, etc », a poursuivi Bernard Guetta, journaliste spécialiste de géopolitique, avant de citer quelques exemples concrets : la création d’un airbus des industries de défense, la mise en place de dix universités d’excellence, l’agriculture biologique…
Quant à une hypothétique évolution des institutions ou des traités, elle ne paraît pas possible avant les grandes échéances électorales à venir dans les principaux pays. L’élection présidentielle française et les élections fédérales allemandes auront lieu en 2017. Le président du MoDem, François Bayrou, n’a pas encore annoncé s’il serait candidat pour porter cette idée d’une rénovation européenne qu’il avait défendue le 24 juin, sur Europe 1, au lendemain du Brexit :
« Concrètement, une réforme des institutions européennes donnant davantage de prérogatives au Parlement européen et allant dans le sens d’une “détechnocratisation” de la Commission européenne serait salutaire pour une légitimité retrouvée et renforcée de l’UE auprès des peuples qui la composent. »
M. Bayrou s’exprimera dimanche pour clôturer cette université de rentrée. Cette relance européenne se fera de toute façon sans les Britanniques qui ont choisi le large sans être très sûr de leur avenir, selon Alex Taylor : « Pour le moment, ils sont dans le bateau, ils ont voté pour sauter à l’eau mais ils en sont juste à discuter sur la bonne décision qu’ils pensent avoir prise. »