Venise se mobilise contre les ravages des « grandi navi »
Venise se mobilise contre les ravages des « grandi navi »
Par Jérôme Gautheret (Venise, envoyé spécial)
Une manifestation festive, en barques, a lieu, dimanche, à l’appel du collectif NoGrandiNavi, pour protester contre les passages de navires de croisière géants dans la lagune.
Malgré les belles paroles assurant qu’il sera bientôt mis un terme aux passages de navires de croisière géants dans la lagune de Venise, les habitants de la ville continuent à voir plusieurs fois par jour, à la saison estivale, des mastodontes des mers frôler au ralenti les façades des palais et des églises, avant de déboucher sur le bassin de Saint-Marc.
De ce spectacle à la fois effrayant et photogénique, symbole d’un tourisme de masse qui étouffe chaque jour un peu plus la ville au point de menacer sa survie, la grande majorité des Vénitiens ne veut plus. A l’appel du collectif NoGrandiNavi, plusieurs centaines d’entre eux sont attendus dimanche 25 septembre sur le canal de la Giudecca, lieu de passage des bateaux, pour une manifestation festive, en barque, comme il ne peut s’en faire qu’à Venise.
Une interdiction qui n’en est pas une
Sur le papier, la cause est entendue. Depuis le décret Clini-Passera, au printemps 2012, l’entrée dans la lagune est interdite aux navires de croisière. Mais en réalité, c’est exactement le contraire, car le texte affirmant le principe de l’interdiction est assorti d’une précaution qui en annule la portée : le passage des navires est interdit, certes, mais il reste autorisé… tant qu’il n’aura pas été mis sur pied de solution alternative.
Or ces solutions sont encore au stade de projet et beaucoup d’acteurs ne font rien pour accélérer les choses. Car si les navires de croisière géants représentent un risque majeur pour une ville fragile, à la merci du moindre accident, si leur passage met en péril l’équilibre précaire de la lagune, ils constituent aussi une manne financière à laquelle il est bien difficile de renoncer.
En 600 passages par an, les navires géants déversent 1 million de touristes sur les restaurants et les commerces de souvenirs, permettant ainsi, selon les avocats du statu quo, le maintien de plusieurs centaines d’emplois. Un argument de poids, face auquel la colère des habitants pèse bien peu.
Pendant ce temps, la ville se dépeuple inexorablement. Le centre de Venise compte chaque année 1 000 résidents de moins. En 2015, ils étaient à peine plus de 55 000.