Francois Hollande, le 25 septembre aux Invalides à Paris, lors de la Journée nationale d’hommage aux harkis et autres mebres des formations supplémtives. | ERIC FEFERBERG / AFP

Editorial du « Monde ». Un pas de plus a été franchi, dimanche 25 septembre, dans la reconnaissance par la France de la tragédie des harkis, les auxiliaires algériens de l’armée française abandonnés à un sort terrible lors de l’indépendance, ou réfugiés en France dans des conditions indignes. En admettant solennellement, dans la cour d’honneur des Invalides à Paris, « les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France », le président François Hollande s’est honorablement acquitté du devoir de vérité à l’égard de cette communauté victime d’une injustice historique.

C’était une de ses promesses de campagne de 2012. Signe que l’élection présidentielle de 2017 approche, la plupart des candidats étaient présents dimanche aux Invalides, pour la Journée nationale d’hommage aux harkis – une initiative qui revient à Jacques Chirac. La veille, à Perpignan, Nicolas Sarkozy avait qualifié le drame des harkis de « tache indélébile sur notre drapeau ». En Camargue, François Fillon a rencontré la famille du bachaga Boualem, figure historique de cette communauté, et a souligné la nécessité de « réparer ces injustices ».

Un laborieux effort de mémoire

Au-delà des préoccupations électorales – la communauté harkie, avec ses descendants, est estimée à un demi-million de personnes –, la déclaration du président Hollande est importante, car elle poursuit l’effort laborieux de mémoire de la France à l’égard de la guerre d’Algérie. Deux lois, en 1994 et en 2005, avaient déjà évoqué une « reconnaissance » partielle dans le drame des harkis. Deux présidents de la République, M. Sarkozy en avril 2012, puis M. Hollande en septembre de la même année, avaient reconnu « l’abandon » des supplétifs. Dimanche, le président Hollande est allé plus loin, en admettant la responsabilité des « gouvernements français » dans les « massacres » des harkis restés en Algérie.

Après les accords d’Evian en 1962, entre 55 000 et 75 000 auxiliaires de l’armée française ont été abandonnés en Algérie. Des appelés se souviennent de ces hommes, leurs camarades, suppliant de partir avec eux, tentant de s’accrocher aux ridelles des camions. Certains ont été massacrés dans des conditions atroces, égorgés ou ébouillantés. Quelque 60 000 autres ont été « accueillis » en France, en réalité parqués dans des camps de fortune, où ils ont végété pendant des décennies. Ces hommes et ces femmes, pas plus que leurs enfants, n’ont jamais réussi à se fondre dans une société française qui les méprisait. Dans les banlieues, « harki » reste une insulte.

Cette injustice exige que l’effort de vérité soit mené à son terme. La responsabilité des « gouvernements français » n’est pas tout à fait celle de « l’Etat français », que M. Chirac a reconnue dans la déportation des juifs de France pendant l’Occupation. Et si la France avance lentement dans la reconnaissance du drame des harkis, ce n’est pas seulement par souci de ménager le pouvoir algérien ; c’est aussi parce qu’une reconnaissance totale ne peut que déboucher sur une demande de réparation. Pour Mohamed Otsmani, délégué régional du Comité de liaison national des harkis, « maintenant, il est important que cette reconnaissance soit actée par une loi, qu’elle soit inscrite dans le marbre de l’Histoire de France : la reconnaissance ne va pas sans la réparation ». Doit-elle être symbolique ou financière ? Prudents, les candidats ont évité de se prononcer sur cette question complexe.