Transports : la filière gaz veut être une alternative au trio diesel-essence-électricité
Transports : la filière gaz veut être une alternative au trio diesel-essence-électricité
LE MONDE ECONOMIE
Les industriels souhaitent être mieux soutenus par les pouvoirs publics.
La station-service « multi-énergies », ouverte par Air Liquide fin juin à Fléville-devant-Nancy (Meurthe-et-Moselle) permet aux routiers de faire le plein de leur camion avec du gaz naturel liquéfié. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
L’élection présidentielle approche et les syndicats professionnels fourbissent de beaux argumentaires pour promouvoir leur secteur. L’Association française du gaz (AFG) a rendu public, mardi 27 septembre, un Livre blanc contenant dix propositions en faveur d’une source d’énergie qui, pour ses adhérents (Total, Engie, EDF, GRDF, GRTgaz…), doit être mieux soutenue par les pouvoirs publics – y compris fiscalement – dans le cadre de la transition énergétique amorcée en France. D’autant que cette filière emploie 160 000 personnes, rappelle le président de l’AFG, Jérôme Ferrier.
Malgré ses handicaps (coûts et d’autonomie), la voiture électrique restera la vedette du Mondial de l’automobile organisé à Paris du 1er au 16 octobre. Mais pour la première fois, l’AFG aura un stand au salon de la porte de Versailles pour vanter les mérites du gaz naturel pour véhicules (GNV), le biogaz produit à partir de déchets organiques et le gaz de pétrole liquéfié (GPL). Les « gaziers » l’assurent, cette énergie peut être une alternative à l’essence et au gazole, mais aussi à l’électricité. « Nous sommes au tout début, il y a de formidables perspectives de développement », note M. Ferrier, en évoquant notamment les bus dans les villes, les transports de marchandise, le fret maritime et les navires de croisière.
« Techniquement opérationnel »
L’AFG rappelle que, en France, le transport routier représente 15 % des émissions de particules et 56 % de celles de dioxyde d’azote (NO2), sans parler des rejets de CO2. Or le gaz émet moins de carbone, peu de NO2, et ni de particules ni de soufre par rapport aux carburants traditionnels, avance-t-elle. Pour les poids lourds, « le gaz est le seul carburant alternatif techniquement opérationnel face au diesel », indique un récent rapport du ministère de l’environnement.
Qu’il soit plus « vert » que le pétrole, surtout quand il s’agit de biométhane, ne suffira pas à l’imposer tant qu’une filière complète n’aura pas fait la preuve de sa compétitivité. Et que tous les acteurs ne se seront pas regroupés pour la créer. L’AFG plaide pour un « comité de pilotage regroupant acteurs publics et privés ». Il aurait pour mission d’accélérer l’usage du gaz dans la « mobilité durable » : véhicules privés et camions, mais aussi navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL). L’Association réclame également le maintien sur dix ans de l’« écart fiscal » entre le gaz carburant et les carburants traditionnels.
« Le politique doit prendre l’initiative, donner des signaux positifs et établir des règles pérennes », résume M. Ferrier. Le gouvernement a déjà reconduit et accentué l’avantage fiscal accordé au GNV pour 2016 et 2017, ainsi que la détaxation partielle (40 %) pour l’achat de poids lourds de plus de 3,5 tonnes fonctionnant au GNV. M. Ferrier juge qu’il faut aller plus loin pour convaincre les constructeurs automobiles, les producteurs de gaz, les distributeurs de carburants et les acheteurs de véhicules.
La France est très en retard sur l’Italie (885 000 véhicules et 1 049 stations) et l’Allemagne (94 000 et 920) en 2014, selon le cabinet Sia Partners. Elle ne compte que 48 stations GNV ouvertes au public et environ 250 dans les entreprises et les collectivités. Le gouvernement avait pourtant annoncé, en 2005, un ambitieux programme cosigné par Renault, Renault Trucks, PSA, Total, Gaz de France et Carrefour : 100 000 véhicules et utilitaires légers en 2010, 300 stations-service, un accroissement de la distribution privée aux particuliers et aux entreprises et une promesse de l’Etat à maintenir une fiscalité incitative en faveur du GNV.
Un relais de croissance pour GRDF
Ces ambitions ont fait long feu. Les acteurs avancent aujourd’hui à pas comptés, d’autant plus que les produits pétroliers sont compétitifs par rapport au gaz en raison de la baisse des cours du brut depuis deux ans. « En 2018, il n’y aura qu’une soixantaine de stations-service dans l’Hexagone dans un scénario “business as usual” », regrette M. Ferrier. L’association française du GNV préconise le déploiement de 100 stations supplémentaires d’ici à 2020, surtout pour les camions. Un investissement de 150 millions d’euros qui, selon elle, pourrait être en grande partie financé par le privé.
Les fédérations de transporteurs routiers y croient. Les normes sur les carburants sont toujours plus drastiques et la Commission européenne a demandé que chaque pays installe une pompe à GNV tous les 150 kilomètres. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), 42 % des transports en France rouleront au GNV en 2050. Elle a lancé, en juillet, un appel à projets qui prévoit un financement dans le cadre du programme d’investissements d’avenir : une aide de 300 000 euros par « lot » (une station-service et 20 véhicules), dont 100 000 euros de subventions et 200 000 euros de prêts remboursables.
Filiale d’Engie, GRDF pousse les feux sur le réseau de distribution pour trouver des relais de croissance au moment où la consommation de gaz recule. Air liquide, numéro un mondial des gaz industriels, a récemment inauguré près de Nancy (Meurthe-et-Moselle) une station-service « multi-énergie » pouvant alimenter les camions en gaz naturel comprimé (GNC) et en GNL. Du côté des utilisateurs, Monoprix à Paris et La Poste à Lyon jouent la carte du GNV, tandis que les deux tiers des villes françaises de plus de 200 000 habitants ont une partie de leur flotte d’autobus au gaz. Mais il faut aller en Allemagne (Audi, Volkswagen, Mercedes, Opel…) et en Italie (Fiat) pour trouver un large choix de voitures au gaz délaissées par des constructeurs français focalisés sur le diesel, puis l’électrique.