Les grandes écoles veulent lever les « tabous » de la sélection et des droits d’inscription
Les grandes écoles veulent lever les « tabous » de la sélection et des droits d’inscription
A l’approche de la présidentielle, elles préconisent une hausse des frais de scolarité, la sélection à l’entrée à l’université, et des investissements massifs dans l’enseignement supérieur.
Anne-Lucie Wack, présidente de la Conférence des grandes écoles. | CGE Christian JACQUET
Les grandes écoles s’invitent dans le débat présidentiel. Embrassant l’ensemble des problématiques de l’enseignement supérieur et soulignant l’importance de « l’enjeu, la réussite de la jeunesse », la présidente de la Conférence des grandes écoles, Anne-Lucie Wack, a présenté vingt-quatre propositions, jeudi 29 septembre, au Sénat. Avec cinq objectifs : améliorer la réussite en premier cycle, faire de l’ouverture sociale une « cause nationale », renforcer les dynamiques d’innovation territoriales et l’attractivité internationale, simplifier l’organisation et développer un nouveau modèle de financement.
« Nous travaillons en étroite concertation avec la Conférence des présidents d’université (CPU) et nous avons beaucoup de points de convergence dans nos propositions », a pris soin de souligner Mme Wack, au nom des 222 établissements membres de la CGE (écoles d’ingénieurs, de gestion, d’architecture, Sciences Po, etc.) dont 60 % sont publics. Avant d’appeler à un « changement de culture », et à poser les questions « taboues » de la sélection, des droits d’inscription ou des relations entre écoles, universités et entreprises, etc.
A l’entrée à l’université, tout comme à l’entrée en master, la CGE préconise une « orientation active » – soit la sélection des étudiants, qui serait définie et mise en œuvre par les établissements eux-mêmes. S’y ajouteraient des cursus communs d’un à deux ans, dits de « propédeutique », « permettant une orientation effective des étudiants à leur issue ».
Dans le supérieur technologique : 200 000 places à créer
Avec pour objectif de diviser par deux la « sélection par l’échec » en premier cycle universitaire d’ici à 2025, la CGE propose également de doubler le nombre de places en enseignement supérieur technologique court, pour les porter à 400 000. En parallèle seraient développées les bourses étudiantes, et les programmes d’égalité des chances changeraient d’échelle en associant le Programme d’investissements d’avenir (PIA).
Pour la CGE, ces 200 000 nouvelles places seraient créées principalement en IUT, en STS, et en licences pro – ce qui offrirait une perspective aux bacheliers professionnels qui peinent actuellement à intégrer ces filières. Le président de Paris-Dauphine, Laurent Batsch, associé aux travaux de la CGE, a aussi évoqué à la tribune l’idée de remplacer le cursus en deux des IUT par une licence universitaire de technologie. Au passage, la CGE revendique le statut de licence pour les bachelors, ces diplômes bac + 3 ou 4 souvent coûteux, qu’un nombre grandissant de ses membres propose.
Investir 20 milliards d’euros en dix ans
Mais la CGE défend, plus généralement, l’idée d’un plan pluriannuel d’investissement dans le supérieur, évalué à 20 milliards d’euros sur dix ans. Les pouvoirs publics en financeraient 11,5 milliards, le reste provenant de ressources privées : formation continue, contributions des entreprises (chaires, contrats de recherches, etc.), dons émanant notamment des anciens élèves, ainsi qu’une hausse des droits d’inscription. Ceux-ci seraient modulés « en fonction des revenus des parents et/ou de l’étudiant » dans la limite d’un plafond défini par l’Etat en licence, et qui pourrait atteindre un « niveau significativement plus élevé » en master. Les grandes écoles relancent également l’idée de faire payer aux étudiants étrangers non issus de l’UE le vrai coût de leurs études sur le sol français.
Lors du débat qui a suivi la présentation des propositions, le sénateur centriste Jean-Léonce Dupont a rappelé, devant un public largement conquis, sa proposition de loi visant à généraliser la possibilité de sélectionner les étudiants à l’entrée en licence. La sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller, soutien d’Alain Juppé, a, pour sa part, appelé à la « prudence sur les frais de scolarité, pour ne pas mettre les familles dans la difficulté ».
« Aux Etats-Unis, le MIT coûte très cher facialement… mais 80 % des étudiants ont une bourse, car il existe un système de fondations sans équivalent en France », a-t-elle plaidé. Elle s’est aussi démarquée sur les frais d’inscriptions des étudiants étrangers, rappelant que leur modicité actuelle permet d’attirer d’excellents profils, et font de leurs bénéficiaires, une fois diplômés, des ambassadeurs de la France dans le monde.