Les promesses non tenues du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
Les promesses non tenues du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
Par Adrien Sénécat
La mesure est loin d’avoir permis de créer les « 300 000 emplois » évoqués initialement par le gouvernement, selon France Stratégie.
Le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, et François Hollande, le 11 mars 2015. | PHILIPPE WOJAZER / REUTERS
L’avantage fiscal accordé par François Hollande aux entreprises a-t-il eu les effets escomptés ? Un rapport de France Stratégie, un organisme rattaché au premier ministre, apporte quelques réponses à cette question sur l’une des principales mesures économiques du mandat présidentiel, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Ce dispositif, mis en place en 2013, consiste en un crédit de cotisations sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le smic, de 4 % la première année, puis de 6 %. Voici ce que l’on sait de son efficacité.
1. Pour l’emploi, des résultats au-dessous des promesses
Favoriser les embauches en abaissant les charges des entreprises, c’était l’un des premiers objectifs fixés au CICE à sa mise en place. Michel Sapin, alors ministre du travail, évoquait ainsi la création de « 300 000 emplois d’ici à deux ans » sur BFM TV et RMC le 28 novembre 2012.
En pratique, le comité de suivi du CICE de France Stratégie estime « probable » que la mesure ait permis de créer ou de sauvegarder « 50 000 à 100 000 emplois » sur les années 2013 et 2014. Attention, il ne s’agit que d’une estimation : l’une des deux études menées par l’organisme conclut à la création ou à la sauvegarde de 45 000 à 115 000 emplois, l’autre à l’absence d’impact. France Stratégie juge la première plus précise, parce qu’elle a pris en compte un plus grand nombre de facteurs.
Il semble en tout cas que la réalité soit, s’agissant de l’emploi, bien en deçà des espérances initiales du gouvernement. Interrogé par Le Monde mercredi 28 septembre, Michel Sapin a dit qu’« on voit bien que les entreprises n’ont commencé à recréer des emplois qu’à partir de 2015. Les effets attendus du CICE sur l’investissement et les exportations ne peuvent se matérialiser qu’à plus long terme ».
Avec une estimation haute de 100 000 emplois sauvegardés ou créés pour près de 30 milliards d’euros d’enveloppe budgétaire sur la période 2013-2014 (en rythme de croisière, l’enveloppe annuelle sera de 20 milliards d’euros par an), le rendement du CICE pourrait paraître dérisoire (300 000 euros par emploi). Ce serait néanmoins réducteur puisque les entreprises ont pu utiliser l’enveloppe pour d’autres motifs.
2. L’investissement n’en a pas (encore ?) profité
Deuxième objectif du CICE : favoriser l’investissement. Là encore, les effets tardent à se faire sentir, selon France Stratégie :
« Au terme de la deuxième année, pas d’effet observable sur l’investissement, la R & D et les exportations. Il y a accord pour estimer qu’aucun effet du CICE sur l’investissement, la R & D et les exportations n’est visible à l’horizon de court terme (2013-2014) sur lequel sont menées les évaluations. »
Le comité du CICE tient ce résultat pour « robuste », mais précise qu’il n’est pas surprenant. Il ajoute qu’il faudra attendre les années 2015 et ultérieures pour juger de l’efficacité de la mesure en la matière.
3. Un « effet positif » sur les marges des entreprises
Le CICE a eu en revanche un effet favorable à court terme sur les finances des sociétés qui en ont profité, écrivent les experts, qui notent une « amélioration sensible des marges ». Dans quelle mesure ? Difficile à dire, selon le comité de suivi. Les travaux d’évaluation ont néanmoins peiné à faire apparaître la différence entre l’évolution du taux de marge des entreprises selon qu’elles ont bénéficié ou non du dispositif.
France Stratégie avance que cette situation pourrait s’expliquer par le fait que « des effets importants du CICE ont transité dès 2013 et 2014 par des ajustements de prix, soit entre entreprises, si cet impact concerne surtout les prix de consommations intermédiaires, soit au profit des ménages, si les prix des biens et des services qu’ils consomment en ont été abaissés. » Un phénomène d’autant plus compliqué à observer que les entreprises bénéficiaires n’ont pas à justifier de leur utilisation de l’aide.
4. Pas de réel coup de pouce aux salaires
Comme pour l’emploi, les deux groupes qui ont évalué l’impact du CICE sont en désaccord sur ses conséquences sur les salaires. Le premier (celui qui conclut à des effets positifs sur l’emploi) dit que les rémunérations n’en ont pas bénéficié. Le second (celui qui n’a pas constaté de créations ou de sauvegardes d’emplois) n’a pas mis en évidence d’effet bénéfique sur les salaires « par tête », mais en voit un sur les salaires horaires. A la fin de 2015, l’OFCE estimait que le CICE avait engendré une hausse des salaires de 1,1 % dans les entreprises visées.
Certains craignaient que le CICE n’ait un effet pervers en bloquant les salaires à 2,5 smic. En effet, au-delà, les rémunérations ne sont pas éligibles au crédit d’impôt. Selon France Stratégie, cela n’a pas été le cas.
Il faudra donc attendre encore plusieurs années pour savoir si le CICE est réellement peu efficace ou seulement lent au démarrage. Pour l’heure, la plupart des estimations penchent vers des effets sur l’emploi nettement inférieurs aux 300 000 postes évoqués initialement.