A Johannesbourg, la Cites a renforcé la protection de nombreuses espèces menacées
A Johannesbourg, la Cites a renforcé la protection de nombreuses espèces menacées
Par Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)
La Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction a en outre pris des mesures contre le trafic illégal.
Gorille de l’Est, zèbre des plaines, koala : les nouvelles espèces en voie d’extinction
Au dernier coup de marteau de la ministre des relations internationales sud-africaine, Maite Nkoana-Mashabane, entérinant ainsi l’ultime décision, les applaudissements des délégations du monde entier ont résonné dans la grande salle du centre de congrès de Sandton, à Johannesbourg. Avec 24 heures d’avance, la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (Cites) a achevé ses travaux, mardi 4 octobre.
Sur les visages de la majorité des représentants des organisations de défense des animaux, des sourires de soulagement et de satisfaction. Pour cette CoP17, 17e réunion depuis la signature de cet accord intergouvernemental en 1973, de nombreuses espèces de faune et de flore en danger ont obtenu une protection renforcée par les 152 pays présents en Afrique du Sud pendant onze jours de discussions.
« Après avoir assisté à onze CoPs, je crois fortement que ce fut l’une des plus réussies pour la faune et la flore », a réagi Susan Lieberman, de l’organisation non gouvernementale américaine, Wildlife Conservation Society (WCS). « Nous avons été rassurés par les gouvernements qui ont pleinement adopté le principe de précaution en prenant des décisions dans le meilleur intérêt des espèces sauvages. »
Un constat partagé par le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) : « Nous avons vu un réel changement dans l’état d’esprit des décideurs à cette conférence », a jugé le responsable Kelvin Alie. « Il y a le sentiment que les considérations de conservation ont primé quand il s’agissait de protéger la faune et la flore au lieu de simplement s’attacher à leur valeur sur le marché. » Le secrétaire général de la Cites, John Scanlon, a salué « le tournant majeur » que constitue cette CoP17.
Impliquer les communautés locales
Plusieurs espèces comme le pangolin aux singulières écailles, mammifère le plus braconné au monde, le perroquet gris d’Afrique et le macaque de Barbarie, ont obtenu le plus haut niveau de protection, à savoir une classification en annexe 1, synonyme d’interdiction totale du commerce. La Cites a par contre rejeté l’inscription du lion d’Afrique dans cette catégorie.
Chassés en Asie pour leurs ailerons et leur chair, les requins soyeux et renards ont été placés en annexe 2, ce qui limitera leur commerce et obligera les pêcheries à mieux contrôler ces ressources. A l’inverse, le zèbre de montagne du Cap, plusieurs espèces de crocodiles et le bison des bois ont été déclassés en annexe 2 en raison de l’amélioration de leur situation.
Alors que trois rhinocéros sont tués chaque jour, la Cites a refusé la demande du petit royaume du Swaziland de commercialiser les cornes de ses animaux, vendues à plus de 50 000 euros le kilo sur le marché noir en Asie pour ses vertus médicinales, pourtant non prouvées scientifiquement.
Le Zimbabwe et la Namibie ont également échoué à obtenir l’autorisation des deux-tiers des pays pour vendre leurs stocks d’ivoire afin de financer la protection de leurs pachydermes.
Au cours de la réunion, des initiatives ont été prises pour pousser à la réduction de la demande d’espèces menacées, et pour développer les relations avec les communautés locales, souvent trop peu impliquées dans la protection de la faune et de la flore qui les entourent.
Mieux cibler la corruption
Les moyens de lutte contre le trafic illégal ont également été renforcés, notamment contre la cybercriminalité. Passée quasiment inaperçue, une résolution a été adoptée par les parties pour lutter explicitement contre la corruption. Une première historique.
« C’est un petit pas, mais c’est un pas important car le mot fut longtemps tabou dans les discussions, rappelle Steven Board, directeur exécutif de Traffic, un réseau mondial de surveillance de la vie sauvage. Les pays ont enfin accepté de reconnaître publiquement que c’était un problème qui minait les efforts de lutte contre le trafic illégal. »
« C’est un signal important qui doit permettre à terme de déployer des moyens pour cibler la corruption de haut niveau chez les responsables politiques et militaires, et pas seulement les petites mains » renchérit un expert d’Interpol présent à Johannesburg.
Après celui des armes, de la contrefaçon et des êtres humains, le braconnage est le quatrième commerce illégal le plus lucratif sur la planète. Il génère environ 20 milliards de dollars par an.
« Il y a de telles sommes en jeu que la corruption est présente à tous les niveaux dans des régions comme l’Afrique centrale », regrette David Greer, responsable du programme Grands singes chez WWF et fin connaisseur de la région. « Il est courant de retrouver des armes confisquées par des officiels dans les mains de trafiquants, ou encore de voir des preuves disparaître ou des suspects détenus se retrouver libres comme par magie. »
Pour Dawud Mume Ali, directeur général de l’Autorité éthiopienne de conservation de la faune et de la flore, « cela ne sert à rien de classer des espèces dans telle ou telle annexe si sur le terrain, on ne parvient pas à empêcher le contournement du système en échange d’une enveloppe de liasse de billets ». La prochaine réunion de la Cites, CoP18, aura lieu en 2019 au Sri Lanka.