Dix ans après sa création, le fil d’actualité de Facebook divise toujours ses utilisateurs
Dix ans après sa création, le fil d’actualité de Facebook divise toujours ses utilisateurs
LE MONDE ECONOMIE
Le « news feed », qui est devenu la colonne vertébrale du réseau social, est à l’origine de polémiques sur certains cas de censure de photos ou de traitement des contenus.
Au siège de Facebook, à Menlo Park, en Californie. | JASPER SANIDAD
Hasard de calendrier. C’est en pleine polémique que Facebook a fêté, mardi 6 septembre, les 10 ans de son « news feed », le fil d’actualité du réseau social où l’utilisateur accède à l’ensemble des « posts » – les messages – publiés par son cercle de connaissances. La firme californienne a dû faire face, la semaine dernière, à une importante levée de boucliers en Norvège, à la suite de la censure de la photo de la petite fille brûlée au napalm prise en 1972, lors de la guerre du Vietnam, publiée par le grand journal local, l’Aftenposten.
Le réseau social a supprimé l’image du compte du journal considérant qu’elle contrevenait à ses règles d’utilisation. Facebook, qui retire des contenus sur la base de signalements effectués par les internautes, avait déjà fait disparaître la photo d’autres comptes mais, en s’attaquant à un journal, le groupe a mis le feu aux poudres. Vendredi, cédant à la pression de l’opinion publique, il a fini par faire machine arrière.
« Nous-mêmes avons été surpris. Nous nous sommes réveillés un matin et nous avons constaté que les utilisateurs avaient demandé le retrait de l’image. Mais, deux jours après, nous avons changé notre politique afin de rétablir cette photo qui avait un intérêt historique, explique Chris Cox, le directeur des produits du réseau social, à Paris, lundi 12 septembre. Nous ne sommes pas parfaits. Mais nous sommes une plate-forme devant à la fois respecter la liberté d’expression et préserver la sécurité de ses utilisateurs. »
De nombreux groupes « anti-fil d’actualité »
L’histoire du fil d’actualité de Facebook, devenu la colonne vertébrale du réseau social, n’en est pas à sa première polémique. Sa création même avait suscité un tollé auprès des étudiants. Du jour au lendemain, l’utilisateur savait que son ami Pierre avait rompu avec Silvia, que Valérie était allée au cinéma ou que Claude était devenu ami avec Emma. Scandale ! Une pétition avait alors dénoncé cette intrusion insupportable dans la vie des internautes et de nombreux groupes « anti-fil d’actualité » avaient vu le jour. Mark Zuckerberg avait dû prendre la parole pour éteindre le feu.
Dix ans plus tard, le phénomène inverse s’est produit. C’est parce que les utilisateurs se plaignaient d’être privés d’informations concernant leurs amis que Facebook a décidé de modifier, il y a quelques mois, son algorithme pour privilégier les messages personnels au détriment des informations diffusées par les médias. Chris Cox justifie ce choix qui a laissé marris de nombreux titres de presse. « C’est à la suite de panels qualité que nous avons constaté que nos internautes avaient l’impression de rater les “posts” de leurs amis », indique le chef de produit, se défendant d’avoir sciemment écarté les médias.
« Nous n’avons pas analysé le contenu des posts des utilisateurs, mais nous avons regardé les signaux envoyés par les internautes à travers leurs interactions », dit-il. Et de rappeler que la philosophie de l’entreprise consiste en premier lieu à « connecter famille et amis », et ensuite seulement à « informer ». En attendant, le réseau social a annoncé deux mesures censées permettre aux éditeurs d’accroître leurs revenus publicitaires. De nouveaux formats vont être proposés dans Instant Articles, sa technologie mobile. Et les médias pourront insérer des spots publicitaires au sein des vidéos en direct.
Connecter « le prochain milliard d’utilisateurs »
Outre les éditeurs, la firme soigne particulièrement ses membres. Son ambition : connecter « le prochain milliard d’utilisateurs ». Le groupe de Mark Zuckerberg, qui compte actuellement 1,7 milliard d’inscrits, a multiplié les innovations. Il a donné le coup d’envoi à Facebook Live, qui permet de diffuser des événements en direct, a lancé un outil de prise de vidéo à 360 degrés et a installé des « chatbots », des robots capables de répondre aux internautes sur Messenger, sa messagerie instantanée.
Au printemps, l’entreprise a racheté Masquerade, une application permettant, sur une photo, de superposer un masque sur un visage. Afin d’attirer développeurs et constructeurs, elle a également mis en « open source » (à la disposition de tous) sa caméra permettant de filmer à 360 degrés, la « Surround 360 », afin d’encourager le plus de monde possible à créer des contenus originaux.
Mais Facebook se concentre surtout sur ceux ayant une mauvaise connexion Internet. « Dans cinq ou six ans, tout le monde aura un super-téléphone, mais les réseaux resteront mauvais », assure le dirigeant, rêvant de conquérir l’Inde. En interne a été institué le « mardi 2G », qui consiste pour les équipes à tester le réseau social en bas débit. Un mode « offline » (hors ligne) a été imaginé. « Pour certaines personnes, c’est la fonctionnalité la plus importante », dit Chris Cox. Pour amener Internet dans les zones les plus reculées, Facebook compte sur Aquila, un projet fou reposant sur des drones géants stationnant plusieurs mois dans le ciel.