En six mois, 250 clients de prostituées verbalisés sur le territoire
En six mois, 250 clients de prostituées verbalisés sur le territoire
Par Gaëlle Dupont
En avril, la France adoptait la sanction pour les clients de prostitué(e)s. Six mois plus tard, le premier bilan est mitigé.
Sur le boulevard Ney, à Paris, en août 2013. | MIGUEL MEDINA / AFP
Le 6 avril 2016, par un vote définitif de l’Assemblée nationale, la France rejoignait le camp des pays sanctionnant les clients de prostituées. Six mois après, le premier bilan est partagé. Environ 250 clients ont été verbalisés par la police et la gendarmerie. C’est peu, rapporté au territoire national, sur lequel exerceraient environ 40 000 personnes prostituées, selon les données de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains.
Mais pour les défenseurs du texte, c’est déjà beaucoup. « Il a tellement été dit que la loi était inapplicable ! » souligne Grégoire Théry, du Mouvement du Nid. « L’idée n’était pas de tomber sur les clients à bras raccourcis », souligne Maud Olivier, la députée PS de l’Essonne qui a porté le texte.
L’application est peu homogène. Certains procureurs sont volontaristes, comme à Narbonne (Aude). « L’objectif principal de la police et de la gendarmerie est la lutte contre les crimes et les délits, observe le procureur de la République David Charmatz. Dans certains ressorts, le niveau de la délinquance est tel que la verbalisation des contraventions n’est pas la priorité. »
A Fontainebleau (Seine-et-Marne), le premier client a été verbalisé quelques jours seulement après l’entrée en vigueur du texte. Neuf interpellations ont eu lieu en tout dans la forêt, où exercent une soixantaine de prostituées. Les contrevenants ont écopé non pas d’une amende, mais d’un stage de citoyenneté. « L’esprit de la loi est de provoquer une forme de prise de conscience », explique le procureur Guillaume Lescaux.
Impact psychologique
Mais l’impact de la loi est avant tout « psychologique », observe Thierry Schaffauser, porte-parole du Syndicat du travail sexuel. « Il y a moins de clients, ce qui précarise [les prostituées], explique-t-il. Pour celles qui travaillent sur Internet, il y a plus d’appels en numéro masqué, donc moins de moyens d’identifier des agresseurs potentiels. »
« Les “bons clients”, c’est-à-dire les clients réguliers qui ne veulent pas enfreindre la loi, ne viennent plus », renchérit Tim Leicester, coordinateur du Lotus Bus de Médecins du monde, qui effectue des tournées à Paris. Certains évoquent également un impact possible de la crise économique.
Pour l’heure, le nombre de prostituées dans les rues apparaît stable. « Seules certaines “traditionnelles” disent que c’est, pour elles, le moment de prendre leur retraite », observe Jean-Marc Oswald, coordinateur du pôle prostitution de l’association Aux captifs la libération, qui intervient à Paris.
L’abrogation du délit de racolage ne semble pas produire d’effet concret. « Les femmes migrantes sans papiers étaient les plus inquiétées, confirme M. Schauffauser. La police a changé d’infraction et utilise maintenant directement la loi sur le droit au séjour. »
Le volet relatif au parcours de sortie de la prostitution, qui prévoit un accompagnement pour les femmes qui souhaitent arrêter, n’a pu être mis en œuvre, faute de décret d’application. Sa publication est imminente. D’autres décrets, relatifs notamment à l’octroi du titre de séjour en cas d’arrêt de la prostitution, et à l’organisation des stages de sensibilisation pour les clients, sont encore attendus.